10/11/23

Paludisme : Les Etats encouragés à combiner vaccin et chimioprévention

Malaria vaccine
Associé à la chimioprévention du paludisme saisonnier, le vaccin RTS,S protège encore plus les enfants. Crédit image: DFID - UK Department for International Development (CC BY-NC-ND 2.0)

Lecture rapide

  • Le vaccin RTS,S associé à la chimioprévention entraîne une chute de 2/3 du fardeau du paludisme
  • Les auteurs de l’étude pensent que cette protection peut s’observer aussi chez les enfants de plus de 5 ans
  • Les Etats où il y a la transmission saisonnière du paludisme sont encouragés à adopter cette combinaison

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[DOUALA] Dans un entretien avec SciDev.Net, Dorothy Achu, cheffe de l’équipe « Maladies tropicales et à transmission vectorielle » au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, indique que les Etats africains sont encouragés à utiliser une association thérapeutique constituée du vaccin RTS,S et de la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS) pour prévenir cette maladie chez l’enfant.

« Les pays où il y a une transmission saisonnière du paludisme ont été encouragés à déployer les deux interventions sur les sites éligibles tout en veillant à ce que d’autres zones à transmission pérenne reçoivent également le vaccin », affirme-t-elle.

Cela fait suite à une étude publiée fin août 2023 dans la revue The Lancet Infectious Diseases, dans laquelle des chercheurs révèlent qu’une combinaison du vaccin antipaludique RTS,S et du traitement utilisé dans le cadre de la CPS entraine une réduction de deux tiers du nombre de cas (y compris de cas graves) de paludisme et de décès dus à cette maladie chez l’enfant pendant une durée allant jusqu’à cinq ans.

Notamment en comparaison avec les résultats enregistrés dans le cas de l’administration du seul vaccin ou de la seule CPS. Celle-ci étant constituée de la sulfadoxine, de la pyriméthamine et de l’amodiaquine.

“Si les deux interventions sont réalisées via des canaux et selon des calendriers standards, cela ne perturbera peut-être pas de manière significative le fonctionnement des programmes élargis de vaccination”

Dorothy Achu, OMS Afrique

Par ailleurs, selon le communiqué de presse sanctionnant la fin de cette étude de phase 3 menée au Burkina Faso et au Mali, la réduction globale de l’incidence du paludisme dépasse « vraisemblablement » 90 % chez les enfants protégés à la fois par l’usage des moustiquaires et cette combinaison vaccins + médicaments.

L’étude a été menée par des chercheurs de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (Angleterre), en partenariat avec ceux de l’Institut des sciences et techniques et de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (Burkina Faso), du Centre de recherche et de formation sur le paludisme de l’Université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako (Mali) et du PATH (États-Unis).

cette étude est le prolongement d’une première étude menée sur des nouveau-nés dans les districts de Bougouni au Mali et de Houndé au Burkina Faso. D’une durée de trois ans, achevée en 2021, celle-là avait porté sur un échantillon de plus de 5400 enfants dont un peu plus de 5000 ont été à nouveau enrôlés pour la présente étude qui a duré deux ans.

Ces enfants ont été divisés en trois groupes : l’un auquel il n’a été administré que le vaccin RTS’S seul, l’autre auquel il n’a été donné que la CPS seule, et un dernier groupe qui a consommé les deux médicaments à la fois. Les traitements ayant été répétés à plusieurs reprises.

Les résultats montrent que sur l’ensemble des cinq ans de l’étude, l’incidence du paludisme clinique était de 313 pour 1000 dans le groupe CPS seul et de 320 pour 1000 dans le groupe RTS, S seul contre 133 pour 1000 dans le groupe ayant reçu l’association des deux approches thérapeutiques.

Par ailleurs, peut-on lire dans les résultats de cette étude, les admissions à l’hôpital pour paludisme grave (…) ont été réduites de 66,8 %, de 65,9 % pour l’anémie palustre et de 68,1% pour les transfusions sanguines.

Pour les décès toutes causes confondues, ces admissions à l’hôpital ont chuté de de 44,5%, de 41,1% pour les décès hors causes externes ou chirurgicales, et de 66,8% pour les décès dus au paludisme dans le groupe qui a consommé à la fois les médicaments de la chimioprévention et le vaccin.

Saisonnalité

Alassane Dicko, chercheur au Centre de recherche et de formation sur le paludisme et co-auteur de l’étude, situe son contexte en affirmant qu’il est très important que l’administration du vaccin tienne compte de la saisonnalité.

Parce que, explique-t-il, « sur les 10 pays africains qui avaient été identifiés par l’OMS comme ayant le plus grand nombre de cas de paludisme, six ont au moins en partie une transmission saisonnière ».

« C’est pourquoi dans sa recommandation l’OMS a demandé que le vaccin RTS,S soit donné de façon saisonnière dans les zones de transmission saisonnière ainsi que dans les zones de transmission pérenne avec des pics saisonniers », ajoute le chercheur dans un entretien avec SciDev.Net.

Expliquant ensuite la focalisation de ces expériences sur les enfants, Alassane Dicko, rappelle qu’en zone d’endémie comme en Afrique sub-saharienne, les enfants de moins de 5 ans sont les plus touchés par le paludisme. En effet, l’OMS a estimé qu’environ 77% des décès dus au paludisme surviennent chez les enfants de moins de cinq ans.

« C’est pourquoi il était important de trouver une solution d’abord pour cette tranche d’âge qui est la plus touchée et la plus vulnérable. Mais effectivement les autres enfants et adultes font aussi le paludisme. Nous savons que les médicaments sont tout aussi efficaces chez les enfants plus âgés et c’est pourquoi on peut les donner chez les enfants jusqu’à 10 ans, 15 ans, voire plus », indique le chercheur.

Adrian J. F. Luty, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), constate « les résultats à cinq ans répliquent presque exactement ceux obtenus après trois ans, ce qui est très encourageant vis-à-vis du contrôle de la maladie dans la zone sahélienne. »

« C’est un énorme pas en avant pour les populations concernées, sans aucun doute, et il faut espérer que cette approche soit déployée rapidement partout dans la zone », ajoute le chercheur.

Outils efficaces

Pour Dorothy Achu,, « cette étude confirme le fait que la CPS et le vaccin antipaludique RTS,S sont des outils efficaces pour réduire le fardeau du paludisme dans les zones de transmission hautement saisonnière du paludisme. Les deux interventions ont un impact plus élevé lorsqu’elles sont utilisées ensemble que lorsqu’elles sont utilisées séparément. »

Quant à lui, Charles Michael Adekunle, directeur général du « Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme », trouve que « cette étude réaffirme l’importance de lutter contre le paludisme à l’aide d’un ensemble diversifié d’outils complémentaires ».

Il cite notamment la chimioprévention saisonnière du paludisme ainsi que des interventions « plus larges et rentables » telles que les moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticide à effet rémanent, afin d’obtenir le plus grand impact possible.

« Chaque pays est confronté à des défis et à des contextes différents et devra déterminer comment les vaccins antipaludiques et la chimioprévention saisonnière peuvent compléter ses stratégies actuelles de lutte contre le paludisme », souligne Charles Michael Adekunle.

« Malheureusement, relève cet expert interrogé par SciDev.Net, la demande de vaccin RTS,S dépasse largement l’offre, ce qui représente un défi majeur pour l’extension de l’utilisation du vaccin en Afrique. »

Un défi qui s’ajoute à beaucoup d’autres que mentionne Adrian JF Luty. Ce dernier a en effet confié à SciDev.Net que l’implémentation à grande échelle de cette combinaison RTS,S + CPS en Afrique pourrait être confrontée à des difficultés telles que la question de la disponibilité en quantité suffisante du vaccin, l’adhésion des populations cibles, ainsi que des problèmes d’ordre pratique.

En bref, « comment assurer, à long terme, une vaccination qui “sort des normes” par rapport au programme élargi de vaccination; et comment financer cet effort de façon durable ? » Interroge le chercheur de l’IRD.

Programme élargi de vaccination

De son côté, Dorothy Achu fait savoir que la plupart des études ont montré que l’utilisation de la plateforme du programme élargi de vaccination (PEV), où les enfants sont déjà inscrits et se rendent périodiquement à l’établissement de santé, est rentable pour l’administration du vaccin contre le paludisme.

« Dans cette optique, l’administration des vaccins en fonction de l’âge nécessitera moins d’efforts de la part des soignants pour s’aligner sur une telle stratégie », dit-elle.

« Toutefois, ajoute la spécialiste, modifier ces calendriers pour garantir que les enfants soient vaccinés juste avant la saison de forte transmission nécessitera des ressources supplémentaires en matière de communication et de sensibilisation afin de garantir l’atteinte de niveaux élevés de couverture. »

Dorothy Achu poursuit son analyse en disant que « si les deux interventions sont néanmoins réalisées via des canaux et selon des calendriers standards, cela ne perturbera peut-être pas de manière significative le fonctionnement des PEV et du paludisme »

En attendant un approvisionnement accru en vaccins antipaludiques, la spécialiste insiste sur le fait que le ciblage de ces vaccins dans un pays doit prendre en compte la stratification globale du risque de paludisme dans l’ensemble du pays afin que les zones les plus touchées soient prioritaires.

Face à ces défis, Charles Michael Adekunle estime qu’en vue d’étendre le programme dans les pays ciblés, « il sera essentiel d’investir dans les agents de santé communautaires pour s’assurer que les enfants suivent le programme jusqu’au bout. »