11/08/23

Paludisme : Le Burkina Faso autorise un second vaccin

Vaccine-996x567
Le vaccin nouvellement homologué sera administré dès 2024. Crédit image: Army Medicine (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Le taux d’efficacité du vaccin antipaludique « R21/Matrix-M » au terme des essais cliniques est de 77%
  • Destiné aux enfants de moins de 5 ans, le vaccin sera administré dès l’année 2024.
  • D’autres essais chez les grands enfants et les adultes sont prévus

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

[OUAGADOUGOU] Le vaccin antipaludique « R21/Matrix-M », développé par des chercheurs burkinabè et leurs partenaires de l’Université d’Oxford (Angleterre), a été homologué par l’Agence nationale de régulation pharmaceutique du Burkina Faso.

Ce vaccin est destiné aux enfants âgés de 5 à 36 mois, le groupe d’âge le plus à risque de décès par paludisme. Cette décision a été prise après que les essais cliniques ont montré un niveau d’efficacité élevé.

« Les résultats de l’essai clinique de phase 2 que nous avons conduit montrent que le vaccin R21 a une efficacité protectrice de 77% sur une année et qu’avec une dose de rappel, ce niveau d’efficacité pouvait être maintenu sur au moins 3 ans », affirme Halidou Tinto, investigateur principal des essais de phase 2 et 3 du R21 à l’Unité de recherche clinique de Nanoro, ville située à 90 Km de Ouagadougou.

“Auparavant, nous avions des stratégies, mais nous n’avions pas la stratégie vaccinale dans la lutte contre le paludisme. Avec le R21/Matrix-M dont l’administration va débuter en 2024, nous entrons vraiment de plain-pied dans cette approche qui va se renforcer davantage”

Christian Kompaoré, secrétaire permanent pour l’élimination du paludisme

Interrogé par SciDev.Net, le chercheur ajoute que la fin de l’analyse des données de l’année 4 permettra de voir si « cette efficacité pourra atteindre les 4 ans ».

Pour Halidou Tinto, acteur de premier plan dans le processus de développement du vaccin R21, « cette décision de l’Agence est une belle consécration de ma carrière de chercheur. Cela d’autant plus que dans l’histoire de la médecine moderne, le vaccin demeure l’outil le plus efficace dont nous disposons pour contrôler les maladies infectieuses », déclare-t-il.

Cette nouvelle a été bien accueillie par le secrétaire permanent pour l’élimination du paludisme, Christian Kompaoré. Ce dernier soutient que « voir l’Agence donner une autorisation pour un vaccin est vraiment une très bonne chose, d’autant que nous nous inscrivons véritablement dans la démarche vers l’élimination du paludisme », précise-t-il.

« Nous étions déjà satisfaits de voir que le RTS’S était également homologué. Et cette homologation également du R21 vient donc ajouter à l’arsenal thérapeutique de quoi faire face à cette maladie », commente ce dernier.

Pour sa part, Bruno Nébié, secrétaire général de la Maison de l’Artemisia au Burkina, souligne que l’homologation de ce vaccin est plus que nécessaire.

« Il est inconcevable aujourd’hui que quelqu’un puisse mourir du paludisme, qui est un parasite connu depuis longtemps et qui malheureusement continue des vies chaque jour. Ce vaccin va certainement apporter un plus à cette lutte contre le paludisme. 77 % d’efficacité pour un vaccin, c’est extrêmement bien et encourageant », estime Bruno Nébié.

Un million de doses

Le Burkina devient ainsi le 3e pays à autoriser l’utilisation du vaccin antipaludique R21/Matrix-M, après le Ghana et le Nigeria. Selon le ministre burkinabè de la Santé et de l’hygiène publique, Lucien Kargougou, près de 12 millions de cas de paludisme, dont 539 488 cas de paludisme grave, et 4 243 décès parmi lesquels 2 925 enfants de moins de 5 ans, ont été enregistrés en 2022.

Plus de 60 % des décès dus au paludisme concernent des enfants de moins de 5 ans, déplore Halidou Tinto.

Pour réduire la mortalité due au paludisme au sein de cette couche vulnérable, les autorités sanitaires envisagent la vaccination des enfants de 5 à 17 mois contre le paludisme en 2024 avec le R21/Matrix-M.

« Un million de doses permettront de couvrir les enfants de la cible dans 27 districts sanitaires identifiés en fonction de leur forte létalité et de l’incidence », a indiqué le ministre de la Santé au cours d’un point de presse le 27 juillet 2023.

A en croire Halidou Tinto, l’utilisation de ce vaccin va apporter un plus dans la stratégie de lutte contre le paludisme au Burkina et en Afrique. Le chercheur rappelle que la vaccination a permis l’élimination de la variole en 1980 et la presqu’élimination de maladies telles que la fièvre jaune, la rougeole, etc. et le cas récent de la Covid-19 en est une bonne illustration.

« Par conséquent, avec le vaccin R21/Matrix-M, qui a une efficacité protectrice de 77%, nous disposons du moyen de prévention le plus efficace qui soit contre l’infection palustre. A mon avis, le vaccin R21 sera un “game changer” ou ‘’changeur de donne’’ dans la lutte contre le paludisme », soutient-il.

Christian Kompaoré pense que l’homologation du vaccin R21 va permettre de renforcer la stratégie vaccinale contre le paludisme.

« Auparavant, nous avions des stratégies, mais nous n’avions pas la stratégie vaccinale dans la lutte contre le paludisme. Avec le R21/Matrix-M dont l’administration va débuter en 2024, nous entrons vraiment de plain-pied dans cette approche qui va se renforcer davantage », dit-il.

Essai vaccinal

La licence de production et de commercialisation de ce vaccin a été cédée par l’université d’Oxford à l’Institut de Sérum d’Inde.

Halidou Tinto précise que cet Institut a soumis des dossiers d’homologation dans plusieurs pays ainsi qu’à l’OMS. « Cela veut dire que d’ici à la fin de cette année, d’autres pays en plus du Burkina, du Ghana et du Nigeria vont certainement homologuer ce vaccin », espère-t-il.

Mais à ce stade de la recherche, le R21/Matrix-M ne protège que les enfants de moins de 5 ans. D’après le chercheur, des études sont prévues en 2024 pour évaluer l’efficacité du vaccin R21 chez les enfants de moins de 5 ans et chez les plus grands enfants y compris les adultes.

« Nous envisageons par exemple de tester le vaccin R21 en 2024 chez les adultes pour évaluer l’utilité de ce vaccin dans l’interruption de la transmission », dit-il.

En attendant, le Secrétaire permanent pour l’élimination du paludisme souhaite que la population adhère à ce vaccin qui contribuera au processus d’élimination de la maladie.