15/10/21

Paludisme : La prise d’antipaludéens renforce l’efficacité du vaccin RTS,S

malaria in children
Dormir sous une moustiquaire est un des moyens de prévention du paludisme. Crédit image: DFID - UK Department for International Development (CC BY-NC-ND 2.0)

Lecture rapide

  • L’OMS recommande l’utilisation massive du vaccin RTS,S, tout premier vaccin approuvé contre le paludisme
  • Associé à un médicament antipaludique, il permet de réduire de 70% le nombre de cas graves
  • Des acteurs de la lutte contre le paludisme sont partagés entre optimisme et prudence

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

[YAOUNDE] RTS,S, le vaccin antipaludique approuvé le 6 octobre dernier par l’OMS pourrait être plus efficace s’il est associé aux médicaments curatifs contre le paludisme. C’est ce que révèle une étude publiée le 25 août 2021 dans le New England Journal of Medecine.

Selon ladite étude, la combinaison du vaccin RTS,S avec des médicaments antipaludiques permet de réduire de 70% les cas graves de paludisme chez les enfants.

Ces résultats ont été obtenus au terme d’une période d’essais cliniques qui se sont déroulés à Hounde au Burkina Faso et à Bougouni au Mali, entre 2017 et 2019.

“L’étude a montré que l’association du SMC et du RTS,S protégeait beaucoup mieux contre le paludisme que le SMC ou le RTS,S administrés seuls”

Brian Greenwood, London School of Hygiene and Tropical Medecine

A en croire Brian Greenwood, chercheur à la London School of Hygiene and Tropical Medecine et auteur de l’étude, le vaccin antipaludique RTS,S a été développé pendant de nombreuses années et s’est révélé efficace pour prévenir le paludisme, « mais il n’est que partiellement efficace sur une période de trois ou quatre ans », dit-il.

Cependant, il est beaucoup plus efficace dans les premiers mois qui suivent son administration (environ 70 %), poursuit-il.Ce dernier ajoute que l’idée de cette étude était donc de voir si le RTS,S pouvait être utilisé comme un vaccin saisonnier, administré juste avant la saison du paludisme, ce qui permettrait de tirer parti de son haut niveau d’efficacité précoce.

Pour cela, environ 6 000 enfants au total, âgés de 5 à 17 mois, ont été divisés en trois groupes auxquels on a administré soit le SMC (Seasonal malaria chemoprevention)[1] seul, soit le vaccin RTS,S uniquement, soit les deux à fois.

Protection

Ils ont été suivis pendant trois ans afin de déterminer quelle intervention offrait la meilleure protection contre les accès de paludisme.

« L’étude a montré que l’association du SMC et du RTS,S protégeait beaucoup mieux contre le paludisme que le SMC ou le RTS,S administrés seuls. L’association donnant environ 70 % de protection en plus contre les épisodes de paludisme non compliqué, de paludisme suffisamment grave pour entraîner une hospitalisation ou le décès dû au paludisme que ne le font le SMC ou le RTS,S administrés seuls », affirme Brian Greenwood.

Selon le chercheur interrogé par SciDev.Net, les résultats de cette étude suggèrent que dans les régions où la transmission du paludisme est très saisonnière, la combinaison du RTS,S avec le SMC pourrait prévenir de nombreux accès de paludisme et sauver de nombreuses jeunes vies.C’est le 6 octobre dernier que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé l’utilisation généralisée du vaccin RTS,S, premier vaccin contre le paludisme, chez les enfants en Afrique subsaharienne et dans les zones où la transmission de cette maladie est modérée ou élevée.

Le vaccin RTS,S, est fabriqué par la firme pharmaceutique  britannique GlaxoSmithKline (GSK). Il a montré qu’il pouvait réduire de manière significative le nombre de cas de paludisme. L’OMS recommande l’administration de quatre doses chez les enfants à partir de 5 mois.

Les résultats ont montré une réduction de 30% du paludisme mortel, affirme l’OMS. Concrètement, lorsque le vaccin est administré en quatre doses, il prévient 3 cas de paludisme sur 10, et 3 cas sur 10 de paludisme mortel.

Prudence

Cependant, l’annonce de l’OMS recommandant le déploiement massif du vaccin RTS,S suscite optimisme et prudence chez certains acteurs impliqués dans la lutte contre cette maladie infectieuse au Cameroun.

« C’est une très bonne chose, parce qu’au Cameroun nous avons deux cibles vulnérables : les moins de 5 ans et les femmes enceintes », déclare Philippe Narcisse Ngwa Avezo’o coordonnateur national du Réseau des synergies contre les pathologies tropicales (RESYPAT).

Toutefois, il doute que le Cameroun qui a enregistré plus de 4000 décès dus au paludisme en 2020 puisse tirer profit de cette opportunité « parce que l’incidence du paludisme n’est pas encore maitrisée ».

Le représentant des communautés au sein de l’Instance de coordination nationale (ICN) du Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la Tuberculose et le Paludisme pour le Cameroun, Joseph Wato, salue l’homologation de ce vaccin par l’OMS.

Mais, il estime qu’il y a d’autres vaccins (Matrix ou de Pfizer) qui semblent encore plus efficaces mais qui attendent leur homologation.

« Je pense que se précipiter à donner ces doses en ce moment et après un an vouloir introduire un autre qui soit plus efficace pourrait devenir difficile sur le plan de l’acceptabilité chez les populations et peut-être causer un surdosage qui pourrait peut-être devenir un danger pour la santé des populations », explique-t-il.

Maladie de la pauvreté

Pour Albert Zé, économiste de la santé, le vaccin n’est pas la solution miracle contre le paludisme.

« Les pays européens, le Paraguay, l’Argentine, l’Algérie, le Cap Vert et autres ont réussi la lutte contre le paludisme sans aucun vaccin. Plusieurs études ont démontré que le paludisme n’est rien d’autre qu’une maladie de la pauvreté et de la saleté », soutient-il.

L’économiste de la santé pense plutôt qu’il faut « prôner un changement de comportements comme cela s’est fait en Europe et autres ».

Le paludisme reste l’une des principales causes de maladie et de décès chez les enfants en Afrique subsaharienne. Plus de 260 000 enfants africains de moins de cinq ans meurent chaque année du paludisme, selon des estimations de l’OMS.

Références

[1] Il consiste à administrer un traitement antipaludique combiné de sulfadoxine-pyriméthamine et d’amodiaquine.