26/11/20

Combattre simultanément la COVID-19 et les maladies tropicales négligées

Mwelecele Ntuli Malecela, Directrice du département de contrôle des maladies tropicales négligées à l’OMS
Mwelecele Ntuli Malecela, directrice du département de Contrôle des maladies tropicales négligées à l’OMS. Crédit image: OMS

Lecture rapide

  • Investir dans la lutte contre les maladies tropicales négligées revient à prévenir la COVID-19 entre autres
  • L’accès à l’eau potable et l’assainissement aident ainsi à éloigner les MTN au même titre que la COVID-19
  • Les combats contre la COVID-19 et contre les maladies tropicales négligées doivent se faire conjointement

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Pour Mwelecele Ntuli Malecela, directrice du département de Contrôle des maladies tropicales négligées à l’OMS, la pandémie ne doit pas éclipser la lutte contre ces autres maladies qui font jusqu’à 500 000 morts chaque année dans le monde dont la majorité en Afrique.

Cela commence par un enfant qui se baigne dans un ruisseau pour échapper à des températures brûlantes. Silencieusement, sous l’eau, des larves qui ont émergé d’un minuscule escargot s’insèrent dans sa jambe et entrent dans sa circulation sanguine.

Au cours des semaines qui suivent, les larves se transforment en vers adultes qui s’accouplent et produisent des centaines d’œufs chaque jour. C’est la schistosomiase, également connue sous le nom de bilharziose, une maladie tropicale négligée (MTN) qui touche plus de 200 millions de personnes en Afrique subsaharienne, dont beaucoup d’enfants qui ont contracté l’infection en jouant ou en se lavant dans de l’eau contaminée.

La lutte pour la santé publique touche les peuples du monde entier en 2020. Jamais auparavant il n’y avait eu autant de discussions sur les vaccins, les traitements et la prévention des maladies.

“Lutter contre les MTN est l’une des interventions de santé publique les plus rentables, le traitement des cinq principales MTN coûtant moins de 0,50 $ par personne”

Mwelecele Ntuli Malecela, OMS

Le Sommet mondial de la santé de cette année, qui s’est tenu virtuellement à Berlin et auquel j’ai eu l’honneur de participer, s’est concentré sur la préparation et la résilience à l’ère de la COVID-19, ainsi que sur l’importance de la coopération internationale.

Mais si le monde lutte à juste titre contre les coronavirus, nous ne devons pas oublier un autre groupe d’infections largement répandu et dévastateur : les maladies tropicales négligées ou MTN.

Les MTN sont un groupe de 20 maladies tropicales qui touchent plus de 1,5 milliard de personnes à travers le monde. On estime à 500 000 le nombre de décès annuels. Malgré ces chiffres choquants, elles sont qualifiées de “négligées” car elles ne reçoivent que peu d’attention.

Lors du Sommet mondial de la santé, j’ai parlé de la nécessité de changer notre façon de penser les maladies tropicales négligées. Elles compromettent plus que la santé des gens, elles empêchent les enfants d’aller à l’école et provoquent des défigurations et des détresses mentales sévères dues aux discriminations qui affectent les femmes de manière disproportionnée.

Les MTN ne sont pas seulement un problème de santé, elles entravent aussi la croissance économique et la productivité et font obstacle à l’éducation. La bonne nouvelle est que la plupart des MTN sont faciles à traiter et à prévenir. C’est pourquoi il est de notre responsabilité morale d’investir dans leur traitement et leur prévention et de venir en aide aux communautés pauvres et marginalisées qui sont les plus touchées.

Eau potable

Investir dans le traitement et la prévention des MTN permet d’une part d’alléger les souffrances liées à ces maladies, mais cela permet aussi de prévenir d’autres maladies qui ont les mêmes origines, à savoir de mauvaises conditions sanitaires et un accès insuffisant à l’eau potable.

Investir dans l’amélioration de l’assainissement et de l’accès à l’eau propre contribue ainsi à prévenir les MTN mais également à réduire d’autres menaces graves sur le continent africain, notamment la COVID-19.

C’est en tant que communauté que nous poursuivons notre mission d’élimination des MTN, tout en veillant à relever les défis de la pandémie. Lutter contre les MTN est l’une des interventions de santé publique les plus rentables, le traitement des cinq principales MTN coûtant moins de 0,50 $ par personne. Pour autant, c’est un investissement essentiel pour assurer le développement et l’égalité au sein des communautés.

Les leçons tirées de la lutte contre les MTN peuvent également être appliquées à d’autres menaces pour la santé publique, comme la COVID-19 qui s’est répandue dans le monde entier.

En Afrique aussi, on dénombre près de 1,5 million de cas et plus de 35 000 décès signalés par le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies. De nombreuses personnes touchées par les MTN vivent dans la pauvreté sans pouvoir appliquer les mesures de prévention contre la COVID-19 et sans accès adéquat à l’eau, aux désinfectants pour les mains et aux masques.

Enjeux

Face à l’ampleur des enjeux, il est plus important que jamais d’investir dans la lutte contre les MTN afin d’éviter d’autres décès dus à la COVID-19. Autrement dit, un investissement dans les mesures de santé publique de lutte contre la COVID-19 est également un investissement dans la lutte contre les MTN.

L’Organisation mondiale de la Santé s’apprête à lancer sa feuille de route pour les maladies tropicales négligées pour la période 2021–2030, qui fixe des étapes et des objectifs importants dans le cadre de notre travail constant pour éliminer et éradiquer ces maladies. Ces étapes seront d’autant plus importantes qu’elles renforceront les efforts entrepris par la communauté mondiale de la santé contre la COVID-19.

La nouvelle feuille de route pour les MTN donnera l’orientation nécessaire pour que les parties prenantes de la santé publique mondiale ne relâchent pas la pression en matière de lutte contre les MTN. Il reste beaucoup à faire pour que ceux qui ont besoin d’interventions contre les MTN les reçoivent. J’invite les pays, les donateurs, les dirigeants politiques et les citoyens à ne pas perdre de vue ces interventions peu coûteuses mais à fort impact.

Nous devons faire en sorte de ne pas négliger davantage les MTN et ceux qui en souffrent pendant que notre combat contre la COVID-19 continue. La vie de 600 millions d’Africains dépend de nous tous.