17/03/22

RDC : La plaine de la Ruzizi sous la menace d’une insécurité alimentaire

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Des champs de maïs affectés par la rareté des pluies dans la plaine de la Ruzizi. Crédit image: Christian Mulume

Lecture rapide

  • Les producteurs agricoles redoutent de faibles rendements du fait du retard des pluies
  • Les chercheurs préconisent un programme d’irrigation à partir des cours d’eau qui traversent la plaine
  • La culture de plantes à cycle court et de celles qui tolèrent le stress hydrique est aussi recommandée

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[BUKAVU] Depuis le mois de septembre 2021, les agriculteurs de la plaine de la Ruzizi dans la Province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo (RDC) font face à une carence des pluies.

Cette situation est à la base de la sécheresse qui affecte plusieurs champs de manioc et de maïs, deux des produits agricoles les plus consommés dans la région. Et les conséquences de ces perturbations climatiques font craindre une crise alimentaire.

« Nous dépendons beaucoup de l’agriculture. Avec cette carence de pluies actuellement, il n’y a pas de nourriture car les gens ont cultivé mais n’ont rien récolté. Cela a significativement touché le vécu quotidien des habitants de la plaine et les enfants refusaient d’aller à l’école car ils avaient passé une nuit sans manger », témoigne Mashanga Mabagwa, producteur agricole dans cette région.

“Il faut un programme pour pouvoir irriguer toute la plaine, et cela réduirait toutes ces difficultés que nous sommes en train de connaitre aujourd’hui”

Rigobert Birembano, Institut supérieur pédagogique de Bukavu.

Pour les scientifiques, ces perturbations climatiques que l’on observe dans la plaine de la Ruzizi concernent non seulement la rareté des pluies, mais aussi sa répartition sur l’année.

« Les premières analyses qu’on a faites ont montré une perturbation au niveau de la pluviométrie. Dans la région on a observé une diminution des quantités totales des pluies au cours d’une saison. Cela n’est pas très perceptible. Mais ce qui est beaucoup plus perceptible c’est la répartition des pluies au cours des saisons culturales », explique Espoir Bisimwa, professeur d’agronomie à l’université catholique de Bukavu.Selon ses explications, le début de la saison de pluies commençait dans les hautes montagnes fin août ou début septembre et dans la plaine fin septembre ou début octobre. Or, aujourd’hui, constate-t-il, il arrive parfois d’atteindre le mois de novembre sans qu’il y ait une seule goutte de pluie dans la plaine de la Ruzizi.

« Cela nous permet de dire que le début de la saison des pluies a connu un décalage d’un mois. Aussi, vers la fin de la saison de pluie, la saison sèche arrive plus tôt. Ce qui veut dire que la saison culturale s’étend déjà sur trois mois. Nous avons aujourd’hui la moitié de l’année qui est pratiquement sèche dans la plaine de la Ruzizi », conclut Espoir Bisimwa.

Pour Rigobert Birembano, chercheur au département de géographie à l’Institut supérieur pédagogique de Bukavu, les faibles pluies qui sont enregistrées dans cette région sont une « situation normale ».

« Pour la plaine de la Ruzizi c’est un milieu qui est caractérisé par un déficit hydrique ; c’est-à-dire qu’il y a peu de pluies. Les pluies qui tombent dans cette plaine, c’est entre 750 et 1000 mm d’eau par an. Cela est lié à la topographie », indique-t-il.

Irrigation

Face à cette situation, le géographe Rigobert Birembano propose l’irrigation et le reboisement pour pallier le problème de perturbation des pluies dans la plaine de la Ruzizi afin d’accroître la productivité agricole.

Pour lui, cette plaine ne devrait pas connaitre cette situation car elle est alimentée par des cours d’eaux qui viennent de régions situées en altitude. C’est-à-dire de régions où il pleut abondamment et où il y a des précipitations qui peuvent aller au-delà de 2000 mm d’eau par an.

Il rappelle qu’au niveau de la plaine la quantité de pluies se situe entre 700 et 1000 mm d’eau par an. « Or avec cette quantité vous allez déjà vers un climat sec », souligne-t-il.

« Donc, il faut une supplémentation en eau. Il faut un programme pour pouvoir irriguer toute la plaine, et cela réduirait toutes ces difficultés que nous sommes en train de connaitre aujourd’hui. Il faudrait aussi voir les agronomes pour qu’ils nous disent les espèces qui consommeraient moins d’eau », suggère Rigobert Birembano.Espoir Bisimwa constate, pour le regretter, que « les agriculteurs sont en position de vulnérables parce que les possibilités de faire face aux perturbations climatiques sont très limitées ».

Néanmoins, il conseille à ces derniers d’envisager des cultures à cycle court et des cultures qui résistent au stress hydrique.

« La première chose qu’il faut envisager est celle de savoir quelles sont les cultures qui peuvent donner des bons résultats dans des conditions de pénurie de pluies. C’est le cas notamment du sorgho et du mil », suggère-t-il.

« Mais la question la plus délicate c’est insérer ces cultures dans les habitudes alimentaires des habitants de la région », analyse Espoir Bisimwa.

L’autre possibilité évoquée par le chercheur est la gestion rationnelle de l’eau. Faisant allusion aux techniques expérimentées dans des pays semi-arides.