08/11/22

Climat : Ces solutions d’adaptation que l’Europe pourrait copier à l’Afrique

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Un exposé lors de la conférence de Paris. Crédit image: SDN / A.N. Kpegli

Lecture rapide

  • Plante plus résiliente et plus résistante, le sorgho peut être une alternative aux céréales habituelles
  • La plantation au nord des graminées de la savane africaine aiderait à diminuer l’usage des engrais
  • L’usage de l’information climatique par les communautés leur permet de prévenir les crises liées au climat

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[PARIS] En prélude à la COP 27 sur le climat et à la COP 15 sur la biodiversité qui se tiennent du 6 au 14 novembre en Egypte, des scientifiques de l’Institut de recherche pour le Développement (IRD) et leurs partenaires du Burkina Faso et du Sénégal ont animé une conférence de presse hybride le 3 novembre 2022 à Paris en France.

Question de présenter des solutions concrètes d’adaptation ancrées dans la science, menées en Afrique et applicables en Europe face à l’urgence climatique et à l’érosion de la biodiversité.

Parmi ces solutions proposées, la chimiste Yvonne Bonzi, enseignante-chercheure à l’université de Ouagadougou – Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso) évoque le recours au sorgho comme alternative aux traditionnelles cultures céréalières.

Selon ses explications, cette plante est originaire du Sahel et est peu exigeante en eau et en intrants en plus de résister aux maladies et aux ravageurs.

“Au Sénégal par exemple, on a mis en place une plateforme avec les acteurs de l’agriculture pour traduire l’information climatique en termes de production agricole ; ce qui est un outil de sensibilisation qui sera intégré dans le plan d’adaptation national du pays”

Benjamin Sultan, IRD

Dans le même ordre d’idées, Sébastien Barot, directeur de recherche et conseiller scientifique en matière de biodiversité à l’IRD, explique que la plantation des graminées de la savane africaine permettrait d’améliorer l’action des engrais et d’en diminuer l’usage.

A l’en croire, cette méthode est une solution face à l’agriculture intensive au Nord qui n’est pas durable parce qu’elle est basée sur une réduction de la diversité végétale cultivée.

Yvonne Bonzi mentionne aussi une pratique agricole traditionnelle appelée zaï. Elle consiste à faire pousser les plantes dans des trous pour y concentrer la matière organique et les eaux de ruissellement.

Cette technique, dit-elle, permet de restaurer les sols et est déjà exploitée dans le cadre du programme de la Grande muraille verte.

Le climatologue Benjamin Sultan, auteur-contributeur du 6e rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) explique qu’il est important pour le Nord de prendre en compte, comme c’est le cas en Afrique, la production des scénarios climatiques et les prévisions météorologiques pour déployer les stratégies d’adaptation.

« Au Sénégal par exemple, on a mis en place une plateforme avec les acteurs de l’agriculture pour traduire l’information climatique en termes de production agricole ; ce qui est un outil de sensibilisation des politiques du secteur de l’agriculture qui sera intégré dans le plan d’adaptation national du pays », témoigne le chercheur.

Diffusion de l’information climatique

Dans son exposé qu’il n’a pas pu présenter mais qui a été résumé par les organisateurs de la conférence, Ousmane Ndiaye, directeur de l’Exploitation de la météorologie à l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (ANACIM) du Sénégal le confirme si bien.

Il souligne en effet que le Sénégal se base sur la diffusion de l’information climatique afin qu’elle soit utilisée par les communautés dans l’agriculture, le pêche et la santé pour anticiper les crises et éviter les pertes humaines ou matérielles ; favorisant leur adaptation aux aléas climatiques.

Benjamin Sultan affirme d’ailleurs que « ce dispositif va intégrer d’autres secteurs tels que l’élevage, la santé et l’hydrologie qui sont des secteurs très importants pour le Sénégal ».

Le climatologue attire aussi l’attention sur l’exemple de Djibouti qui, selon ses explications, a fédéré toute la recherche en Afrique de l’Est et les observations en termes de climat, d’impact sur l’agriculture, sur la santé, sur l’immigration, sur les conflits pour avoir un seul dispositif d’information pour ensuite guider l’adaptation au réchauffement climatique.

Le pays a mis en place un observatoire d’analyse avec des technologies de pointe telles que des calculateurs sur la simulation climatique et le lancement de deux nano satellites pour surveiller le climat.

« Il a réussi à fédérer de grands pays comme le Kenya, la Somalie, l’Ethiopie qui sont souvent touchés par la sécheresse, pour avoir une initiative africaine de surveillance de climat », se félicite Benjamin Sultan.Pour sa part, l’économiste Flore Gubert, vice-présidente au sein du directoire de la Fondation maison des sciences de l’homme (FMSH) invite les pays du Nord à s’inspirer de « l’agentivité » des populations africaines qui choisissent de migrer face à l’urgence climatique.

Cette puissance d’agir, pour elle, est la preuve d’une stratégie d’adaptation au triple bénéfice en réduisant la pression sur les ressources locales, en apportant une main d’œuvre manquante dans les régions productrices de céréales par exemple et en soutenant financièrement la région d’origine par l’envoi d’une partie des revenus.

Pour l’IRD, organisateur de cette conférence, ces interventions montrent que les pays d’Afrique sont aussi des acteurs majeurs de l’adaptation face aux changements climatiques ; et que toute l’expérience acquise par l’Afrique alimente la science des solutions qui peut bénéficier au Nord pour faire face à l’urgence climatique et à l’érosion de la biodiversité.