15/04/22

La gestion de l’eau, clé de voûte du projet de la Grande muraille verte

Water
La gestion de l'eau dans le Sahel sera déterminante dans la réalisation de la Grande muraille verte. Crédit image: D-Stanley (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • La Grande muraille verte consiste en la conservation et la reconstitution du capital naturel dans le Sahara
  • L’inégale répartition des ressources en eau rend sa gestion déterminante pour le succès du projet
  • Les autres facteurs clés sont la gestion des terres, le financement et l’inclusion de tous les acteurs

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[DAKAR] « A l’échelle continentale et selon les zones géographiques, on note d’énormes disparités entre des régions quasiment dépourvues d’eau et d’autres qui en bénéficient à l’excès. Nous avons des régions qui ont un déficit criard en pluviométrie. Ce qui complique la mise en œuvre de certaines activités de la Grande muraille verte (GMV) ».

S’exprimant lors du Forum mondial de l’eau qui s’est tenu au mois de mars 2022 à Dakar (Sénégal), Sakhoudia Thiam, responsable de la gestion des ressources naturelles pour l’Agence panafricaine de la Grande muraille verte (APGMV), évoquait ainsi l’un des principaux défis de la réalisation de ce projet.

Dans une édition spéciale du magazine « Echos de la GMV » que produit l’APGMV, l’on apprend que la GMV est un projet de conservation des ressources et de développement des terroirs des zones arides et semi arides du Sahel.

“L’initiative de la GMV sera un outil performant et efficace de la gestion de la ressource en eau et des terres. Elle va permettre de renforcer le couvert végétal, donc ralentir la désertification et permettre une remontée des nappes d’eaux souterraines”

Garama Saratou Rabiou Inoussa, ministre de l’Environnement, Niger

L’objectif étant « de lutter contre la désertification pour l’atteinte de la neutralité en termes de dégradation et la reconstitution du capital naturel [ainsi que de] contribuer au renforcement des capacités d’adaptation et de résilience des communautés et populations locales face au changement climatique ».

Cette initiative couvre la frange géographique du Sahara comprise entre les isohyètes (courbe reliant, sur une carte, les points d’égales quantités de précipitations) 100 et 400 millimètres de moyennes pluviométriques.

Ce qui correspond, d’après la description de l’APGMV, à une bande sahélienne située au sud du Sahara, et allant de l’océan Atlantique à la mer rouge, traversant onze pays : Burkina Faso, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan et Tchad.Garama Saratou Rabiou Inoussa, ministre nigérienne de l’Environnement et de la lutte contre la désertification, permet d’avoir une meilleure idée sur la consistance du projet en affirmant que « au Niger, notre ambition est d’atteindre la barre d’un million d’hectares reboisés ».

« Afin de répondre au besoin en eau du projet, nous avons donc initié la création d’ouvrages tels que les forages, les puits et l’aménagement de mares », poursuit Sakhoudia Thiam dans un entretien avec SciDev.Net.

S’appuyant sur l’exemple de son pays, Garama Saratou Rabiou Inoussa affirme que le sujet de la gestion durable de l’eau ne peut-être démarqué de la question foncière. A l’en croire, le Niger a un grand potentiel en matière de ressources en eau, mais, en dépit des efforts multisectoriels que mène le gouvernement de ce pays, les défis liés à de la gestion de l’eau restent importants.

« Car la gestion de l’eau ne peut être dissociée de celle de la terre. L’initiative de la GMV est une idée très ambitieuse. Si elle se matérialise, elle sera un outil performant et efficace de la gestion de la ressource en eau et des terres. Elle va permettre de renforcer le couvert végétal, donc ralentir la désertification et permettre une remontée des nappes d’eaux souterraines », explique-t-elle.

Financements

Garama Saratou Rabiou Inoussa qui participait à une table ronde coordonnée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), a également profité de cette tribune pour faire le plaidoyer en faveur d’un assouplissement du mécanisme d’accès aux financements et pour l’accompagnement des Etats membres dans l’élaboration et la mise en œuvre de ce projet.

« Si les dettes des pays africains du Sahel, notamment celles contractées dans le cadre du projet de la GMV, pouvaient être reconverties en investissement dans les actions de restauration de nos écosystèmes, cela pourrait aider à résoudre le problème d’eau auquel sont confrontés les pays du Sahel », dit-elle.

Les échanges de Dakar ont aussi révélé que l’autre aspect « indispensable » à la réussite du projet, est l’inclusion de tous les acteurs. Avec un effort de la part des gouvernements, des collectivités locales et de la société civile dans la prise en compte des besoins des populations et des localités traversées par la GMV.« Il ne faut pas oublier que la grande muraille verte traverse des communautés qui n’ont forcément pas le même besoin que celui du projet. Il est donc indispensable d’œuvrer à la compréhension et à la prise en compte des préoccupations des populations et des collectivités locales concernées par la GMV », affirme Mame Tako Diallo Gueye, coordonnatrice de la plateforme eau et assainissement des organisations de la société civile sénégalaise sensibles à la question de l’eau et de l’assainissement.

Pour cela, Daouda Mama, directeur de l’Institut national de l’eau de l’université d’Abomey Calavi au Bénin et coordonnateur du Centre d’excellence d’Afrique pour l’eau et l’assainissement, préconise une démarche graduelle.

« Il faut créer des zones pilotes pour des expérimentations qui pourront être répliquées en cas de succès tout en préservant les zones agronomiques, d’urbanisation, d’élevage et autres afin qu’en toute intelligence, les différents acteurs trouvent leur compte », suggère-t-il.