03/02/22

Une étude des substances végétales appelle à valoriser les savoirs locaux

Substances végétales
Les substances contenues dans les végétaux en Afrique sont d'une grande richesse. Crédit image: orgazmika (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Cette expertise scientifique menée à l’initiative du gouvernement ivoirien a été coordonnée par l’IRD
  • Elle prescrit en outre la création d’un institut de recherche en médecine et en pharmacopée traditionnelle
  • Décideurs politiques et autres acteurs promettent de s’appuyer sur cette étude pour orienter leurs actions

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[ABIDJAN, CÔTE D’IVOIRE] « Incorporer les pratiques médicales traditionnelles utiles dans la fourniture des soins médicaux, spécialement pour les soins de santé primaires », « renforcer la protection des bois et forêts sacrés face à la menace de l’urbanisation et des cultures industrielles » ou encore « créer une plateforme d’échanges et de travail sur les plantes médicinales ».

Telles sont quelques-unes des recommandations de l’expertise scientifique collective menée pendant 18 mois sous la coordination de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) afin de dresser un état des lieux des substances d’origine végétale disponibles en Côte d’Ivoire.

Les conclusions de cette expertise ont fait l’objet d’une restitution ce mercredi, 2 février 2022 à l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Elles sont aussi consignées dans un ouvrage intitulé « les substances d’origine végétale en Côte d’Ivoire », édité en français et en anglais.

“Naturellement, ces résultats vont être exploités dans le sens du développement de la pharmacologie et on espère, à partir de ces données, mettre au point d’autres remèdes à partir des plantes”

Traoré Djakalia, MESRS

Le contexte de ces travaux est précisé dans un communiqué de presse produit par l’IRD où l’on peut lire que : « l’abondance, l’originalité et la diversité des espèces végétales en Côte d’Ivoire ont permis aux populations ivoiriennes de développer une grande variété de savoirs autour des substances d’origine végétale, incluant notamment des usages médicaux, cosmétiques, aromatiques et alimentaires. Or, la biodiversité ivoirienne connaît depuis plusieurs décennies une constante dégradation avec un couvert forestier de plus en plus menacé. »

Séraphin Kati-Coulibaly, le président du collège des experts qui ont mené cette étude, indique que le travail dans ses conclusions a retenu 17 recommandations, classées en quatre axes, orientées vers le politique et l’administratif mais concerne tous les acteurs de ce domaine.

« Chacun des acteurs a une recommandation qui le concerne, que ce soit la protection de l’environnement pour pérenniser les produits, l’amélioration de la qualité des médicaments traditionnels améliorés ou le processus commerciaux pour les rendre accessibles aux populations », explique ce dernier qui enseigne par ailleurs la nutrition et la pharmacologie à l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.Fred Eboko, représentant de l’IRD en Côte d’Ivoire, précise l’intérêt d’une telle étude : « la manière avec laquelle les gens ont un rapport non seulement avec les substances naturelles mais aussi avec leur écosystème peut aussi être valorisée au niveau du monde entier », dit-il.

La finalité, dit le chercheur, « c’est de faire en sorte que les autorités politiques puissent avoir à leur disposition au-delà du livre, un outil de décision. Que l’on puisse co-construire des outils qui rendent opérationnelles nos recherches ».

Développement de la pharmacologie

Ce vœu du chercheur camerounais semble trouver une oreille attentive auprès des autorités ivoiriennes. Présent à cette séance de restitution, Traoré Djakalia, adjoint au directeur du cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS), s’est confié à SciDev.Net.

« Naturellement, ces résultats vont être exploités dans le sens du développement de la pharmacologie et on espère, à partir de ces données, mettre au point d’autres remèdes à partir des plantes », dit-il.

Ce d’autant plus que « dans le cadre de la COVID-19, le président ivoirien avait lancé un appel à l’ensemble de la population, y compris les chercheurs et tradithérapeutes, à l’effet de les mettre à contribution pour rendre disponibles toutes les connaissances sur l’utilisation des plantes dans la lutte contre les maladies », rappelle l’intéressé.

Mêmes dispositions à l’Agence nationale de l’environnement qui entend se servir des résultats de cette expertise pour son propre programme.

« Ce travail est très important. On aura besoin de ces résultats. Nous sommes en train de mettre en place un système d’information environnementale. Il a pour objet de rassembler toutes les informations environnementales et de les mettre à la disposition du public; parce que nous pensons que ce sera un bon moyen d’information, de sensibilisation et de vulgarisation », fait savoir Laurence Bony, en service dans cette institution. Pour sa part, Mamadou Ouattara, président de l’Organisation nationale des praticiens de médecine traditionnelle de Côte d’Ivoire se réjouit de la nouvelle dynamique de collaboration avec les scientifiques.

« Dans ces travaux, il ressort la manière de préserver la biodiversité et accompagner les acteurs pour mieux pratiquer leurs savoirs, les encadrer, les former et leur apprendre les bonnes pratiques. Cela nous donne de l’espoir », soutient-il.

Menée à l’initiative du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique de la Côte d’Ivoire, cette expertise scientifique coordonnée par l’IRD recommande en outre de construire un institut national de recherche en médecine complémentaire et en pharmacopée traditionnelle.

Sans oublier de valoriser les savoirs locaux caractéristiques des régions de Côte d’Ivoire par des formes de reconnaissance et de réaliser un inventaire des substances d’origine végétale utilisées dans les us et coutumes du pays, notamment dans les cérémonies traditionnelles, les rites initiatiques, etc.