25/10/22

Diabète : L’urgence d’accroître l’accès à l’insuline dans les pays africains

Insulin injection
Une petite seringue à insuline. Crédit image: Pearlsa, (CC BY-NC 2.0)

Lecture rapide

  • Les cas de diabète devraient atteindre 643 millions d'ici 2030, les pays pauvres étant les plus touchés
  • Dans 24 pays à revenu faible ou intermédiaire, aucune insuline n'est enregistrée par les autorités
  • Les firmes pharmaceutiques doivent redoubler d’efforts pour élargir l'accès au traitement, selon un rapport

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[DAR ES SALAAM ] Les sociétés pharmaceutiques produisant de l’insuline doivent de toute urgence intensifier leurs initiatives pour s’attaquer à “l’iniquité flagrante” dans l’accès aux médicaments vitaux pour les personnes atteintes de diabète dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), selon un rapport.

L’insuline – découverte il y a plus de 100 ans – est principalement prescrite aux personnes diagnostiquées avec un diabète de type 1 précoce pour aider à prévenir les complications et la mort.

Mais le médicament est hors de portée pour beaucoup, selon le rapport publié le 6 octobre par Access to Medicine Foundation, une organisation néerlandaise qui pousse à la responsabilisation des entreprises pharmaceutiques.

Il survient à un moment où les cas de diabète devraient augmenter dans le monde pour atteindre 643 millions d’ici 2030 et 783 millions d’ici 2045, selon la Fédération internationale du diabète.

La charge de morbidité est la plus élevée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire où vivent 80 % des 463 millions d’adultes atteints de diabète.

“Pour les enfants et les jeunes adultes atteints de diabète de type 1, où l’insuline est leur bouée de sauvetage, elle doit être classée dans la catégorie des médicaments essentiels et être gratuite”

Kaushik Ramaiya,  hôpital Shree Hindu Mandal, Dar es Salaam, Tanzanie

Le rapport, qui analyse les données accessibles au public, la littérature et les rapports sur les politiques de santé mondiales , indique que seuls quelques fabricants de médicaments dominent le marché de l’insuline, tandis que des lacunes persistent dans l’accès à toutes les formes d’insuline.

Il montre que seuls 29 pays sur 108 étudiés ont toutes les insulines classées comme “médicaments essentiels” par l’Organisation mondiale de la santé, et un seul d’entre eux est un pays à faible revenu. De plus, dans 24 pays, aucune insuline n’était enregistrée.

Les stratégies visant à rendre l’insuline abordable se sont concentrées sur l’insuline humaine, plutôt que sur l’insuline analogue qui contrôle plus efficacement la glycémie sur une plus longue période mais peut coûter jusqu’à six fois plus cher, selon le rapport.

Les efforts continus des entreprises pour combler les lacunes en matière d’accès sont « fragmentés et se concentrent souvent sur quelques pays, populations de patients et produits », indique la fondation.

Il désigne la société pharmaceutique américaine Eli Lilly, le danois Novo Nordisk et la société française Sanofi comme les principaux fabricants d’insuline.

Les initiatives de ces entreprises pour améliorer l’accès comprennent des programmes ciblant les enfants, un plafonnement des prix et des politiques de tarification équitables, mais celles-ci doivent aller plus loin, suggère le rapport. L’accès à d’autres produits tels que les outils de livraison et de surveillance doit également être pris en compte, indique-t-il.« Ce que nous voulons voir comme première étape de la part de ces entreprises, c’est de s’éloigner des initiatives dispersées et de travailler vers des modèles qui garantissent un accès plus systématique aux patients », déclare Claudia Martínez, responsable du programme de recherche sur le diabète et les médicaments génériques à l’Access to Medicine. Fondation.

Cette dernière déclare à SciDev.Net que le rapport vise à catalyser les investissements des sociétés pharmaceutiques dans des solutions telles que la diversification des produits afin que les personnes atteintes de diabète puissent se procurer le médicament, « peu importe où elles vivent ».

Faire du diabète un programme

Le rapport souligne la nécessité d’augmenter le nombre et le type d’insuline sur le marché dans les pays à revenu faible ou intermédiaire pour accroître sa disponibilité et son accessibilité.

« Il est également important que les organismes de réglementation incluent [les insulines] dans les listes nationales de médicaments afin qu’elles puissent être intégrées dans les systèmes de santé locaux », insiste Claudia Martínez.

Au niveau des gouvernements, dit-elle, « une chose peut être d’adopter des objectifs au niveau national pour pouvoir lutter contre le diabète […] Il s’agit de prendre des mesures en tant que gouvernements et de s’engager à faire du diabète un programme. »

Un porte-parole de Novo Nordisk affirme que la société s’était engagée à favoriser un accès et une innovation durables , notamment par la recherche et le développement          , à résoudre les problèmes de chaîne d’approvisionnement et à soutenir le renforcement des systèmes de santé.

« Accroître l’accès est un défi complexe et permanent, ce qui se reflète dans le fait que ce rapport est plus exigeant que jamais », indique cette source.

Chez Sanofi, on fait savoir que la société se félicite de « cet important rapport » et poursuivra ses efforts pour améliorer l’accès aux soins du diabète dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

« Sanofi a des initiatives à travers des modèles commerciaux, sociaux et philanthropiques pour faciliter un accès abordable à des soins complets du diabète dans les pays à revenu faible et intermédiaire et les communautés mal desservies. Cela comprend des produits d’insuline analogiques de haute qualité, ainsi que des initiatives de soutien aux patients et des mesures de renforcement du système de santé, soutenues par des outils numériques et des données de santé », explique une porte-parole de l’entreprise.

Elle ajoute que Sanofi travaille également à aider à surmonter «les multiples obstacles à l’accès, au-delà du prix», notamment la recherche et le développement, la fabrication, l’enregistrement sur le marché et l’approvisionnement, ainsi que le diagnostic et le traitement.

Pénurie d’insuline

Pour les personnes atteintes de diabète, la vie peut être difficile en période de pénurie d’insuline. La Tanzanienne Detricia Pamba, 24 ans, a reçu un diagnostic de diabète de type 1 à l’âge de 13 ans. Le manque d’insuline peut entraîner une maladie potentiellement mortelle connue sous le nom d’acidocétose diabétique.

« Je viens d’une famille solidaire et j’ai une assurance maladie. Payer l’insuline n’est pas un problème », explique cette habitante de Dar es Salaam, la capitale commerciale du pays. « Mais il y a des moments où vous allez à l’hôpital et il y a une rupture de stock d’insuline et cela ne m’affecte pas seule », dit-elle.

« Nous finissons par être divisés en groupes et nous recevons quelques doses hebdomadaires afin que la plupart des autres personnes dans le besoin n’en manquent pas complètement », poursuit Detricia Pamba.

« Quand il arrive que l’insuline ne soit pas disponible à l’hôpital, je dois aller à la pharmacie, mais il y a des moments où les pharmacies manquent aussi d’insuline, on appelle ça une rupture de stock saisonnière », témoigne cette dernière dans un entretien avec SciDev.Net.

« Donc, je pense que le problème ici réside dans la façon d’augmenter l’accès à l’insuline pour tout le monde et à tout moment », conclut Detricia Pamba.Les conclusions de l’Access to Medicine Foundation montrent que les gouvernements des pays à revenu faible et intermédiaire achètent de l’insuline à des prix variables, ce qui peut entraîner des coûts élevés.

Natalia Sánchez, chercheuse à cette fondation, suggère que les pays pourraient rejoindre des mécanismes d’approvisionnement groupés avec d’autres Etats.

« Cela pourrait leur donner plus de possibilités de négocier et de baisser les prix. L’autre chose qu’ils peuvent faire est de promouvoir la concurrence dans les appels d’offres pour les insulines », suggère cette dernière.

Kaushik Ramaiya est médecin consultant à l’hôpital Shree Hindu Mandal de Dar es Salaam et membre du conseil d’administration de la Fondation mondiale du diabète. Il veut voir un accès gratuit à l’insuline dans les pays comme la Tanzanie, en plus de son inscription dans la liste des médicaments essentiels.

« Pour les enfants et les jeunes adultes atteints de diabète de type 1, où l’insuline est leur bouée de sauvetage, elle doit être classée dans la catégorie des médicaments essentiels et être gratuite », plaide-t-il.

La firme Eli Lilly n’avait pas répondu à la demande de réponse de SciDev.Net au moment de la publication de cet article.

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.