25/07/23

Un procédé pour réduire les hémorragies du post-partum

Pregnant woman wait to be seen at a rural antenatal clinic
Selon l'OMS, l'hémorragie du post-partum entraîne environ 70 000 décès chaque année dans le monde. Crédit image: Panos

Lecture rapide

  • La nouvelle stratégie a montré une réduction de 60 % des cas graves d’hémorragie après l’accouchement
  • Elle a également permis de réduire le nombre de cas de transfusion sanguine après l’accouchement
  • Les experts prévoient des recherches supplémentaires sur son opérationnalité dans différents contextes

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[YAOUNDE] Une nouvelle stratégie permet de réduire de 60 % les hémorragies graves après l’accouchement encore appelées hémorragies du post-partum (HPP).

C’est ce que révèlent les principaux résultats d’une étude portant sur un ensemble d’interventions pour la prise en charge de l’hémorragie du post-partum, publiée au mois de mai dans The New England Journal of Medicine.

Connue sous le nom de E-Motive, la nouvelle stratégie est un ensemble d’interventions qui permettent une détection précoce et précise de l’HPP à l’aide d’un dispositif permettant de recueillir les pertes de sang, renseigne le document.

“Cette stratégie a permis de réduire les délais de diagnostic et de traitement de l’hémorragie du post-partum, et le temps est un facteur essentiel pour répondre à une telle situation d’urgence qui met en danger la vie des femmes”

Ioannis Gallos, OMS

Ce dispositif est complété par des traitements immédiats, lorsque cela est indiqué, comprenant un massage utérin, des médicaments favorisant les contractions de l’utérus et l’arrêt des saignements, l’administration de solutions intraveineuses, un examen et, si nécessaire, le passage à des soins plus avancés.

« Les hémorragies graves – lorsqu’une femme perd plus d’un litre de sang après l’accouchement – ont été réduites de 60 %, et les femmes étaient nettement moins susceptibles de perdre la vie avec le programme E-Motive », déclare Ioannis Gallos, médecin à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a travaillé sur l’étude, interrogé par SciDev.Net.

Le chercheur ajoute également que « le taux de transfusion sanguine a également été considérablement réduit, ce qui est particulièrement important dans les pays à faible revenu où le sang est une ressource rare et coûteuse », relève-t-il.

L’étude a été réalisée dans des hôpitaux de niveau secondaire au Kenya, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Tanzanie auprès de plus de 200 000 femmes.

Ces hôpitaux enregistraient entre 1 000 et 5 000 accouchements par voie basse par an et étaient en mesure de fournir des soins obstétricaux complets avec la possibilité de pratiquer des interventions chirurgicales en cas d’hémorragie du post-partum, explique Ioannis Gallos.

Cette nouvelle approche a donc été « couronnée de succès car elle a permis de réduire les délais de diagnostic et de traitement de l’hémorragie du post-partum, et le temps est un facteur essentiel pour répondre à une telle situation d’urgence qui met en danger la vie des femmes », conclut-il.

Selon l’OMS, l’hémorragie du post-partum se définit par la perte de plus de 500 ml de sang dans les 24 heures suivant l’accouchement.

Elle est la principale cause de mortalité maternelle dans le monde et touche, selon les estimations, 14 millions de femmes chaque année et entraîne environ 70 000 décès – principalement dans les pays à revenu faible ou à revenu intermédiaire.

L’OMS-Afrique révèle que sur les 196 000 femmes qui décèdent chaque année en Afrique subsaharienne de complications liées à la grossesse, un tiers meurt des suites d’une hémorragie.

« Bonne méthode »

Pour Ermiol Loudjop, sage-femme en service à l’hôpital de district de Santchou, dans l’Ouest du Cameroun, la stratégie E-Motive est « une bonne méthode » car il s’agit des différentes techniques de prise en charge de cas d’hémorragie du post-partum « immédiat ».

Cependant, la sage-femme précise qu’il faudrait au préalable identifier la cause de l’hémorragie avant d’agir. « Toutes les hémorragies ne nécessitent pas par exemple de massage utérin », dit-elle.

« Nous avons l’atonie utérine qui est l’une des causes de l’hémorragie du post-partum. C’est lorsque le globe utérin ne s’est pas contracté ou n’est pas tonique. Parfois, c’est la vessie qui est pleine et empêche l’utérus de se contracter. Il faut vider la vessie, injecter un utérotonique et pratiquer un massage utérin afin de favoriser la contraction de l’utérus », explique-t-elle.

Lorsque l’HPP est provoquée par une déchirure (col, vagin ou périnée), « le seul traitement ici, c’est la suture ou la réparation de la déchirure. Dès que la suture est faite, le saignement s’arrête. Donc on n’a pas besoin d’injection et autres… », ajoute Ermiol Loudjop.

Francine Mbuba est médecin généraliste à l’hôpital de référence de Ngaba à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). Elle affirme que la stratégie E-Motive est « très intéressante », et que certaines techniques sont déjà pratiquées au sein de la structure sanitaire où il est en service.

Mais, en ce qui concerne la détection précoce de l’hémorragie à l’aide d’un dispositif permettant de recueillir les pertes de sang telle que recommandée par la stratégie, elle pense qu’elle est « difficilement applicable ».

« Nous utilisons généralement notre visuel. Dans le visuel, on peut distinguer une hémorragie physiologique après l’accouchement et une hémorragie du post-partum. Une hémorragie physiologique est minime après l’accouchement. Alors qu’avec l’HPP, la femme perd le sang en grande quantité et nous devons agir rapidement pour sauver sa vie », indique Francine Mbuba.

Ioannis Gallos souligne que l’étude effectuée répond à l’une des principales priorités de recherche identifiées par plus de 130 experts de plus de 50 pays lors du premier sommet mondial sur l’HPP organisé par l’OMS et le Human Reproduction Programme (HRP) en mars de cette année.

« Ce sommet a marqué le début d’une initiative mondiale de collaboration visant à réduire considérablement le fardeau de l’HPP et ses conséquences dans les pays à revenu faible et intermédiaire. L’OMS souhaite répondre à ces données probantes en réalisant une synthèse de toutes les données disponibles dans ce domaine », déclare-t-il.

Selon ses explications, des recherches supplémentaires aideraient à comprendre l’acceptabilité de la nouvelle approche par les médecins et les sages-femmes, ainsi que sa faisabilité dans différents contextes, les ressources nécessaires à sa mise en œuvre et les impacts potentiels sur l’équité.