28/11/23

Madagascar : Les bienfaits des aires marines protégées sur les coraux

Madagascar
Paysage marin sur la côte sud-ouest de Madagascar Crédit image: IHSM

Lecture rapide

  • Les aires marines protégées contribuent à la préservation des récifs coralliens
  • Les effets sont perceptibles chez les pêcheurs qui réalisent d’importantes prises.
  • Le renforcement des mesures de conservation et leur adaptation aux coraux juvéniles sont recommandés

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[ANTANANARIVO] A Madagascar, les aires marines protégées (AMP) ont un impact positif sur les récifs coralliens. C’est ce que démontre une thèse présentée par Mahery Randrianarivo, chercheur à l’Institut halieutique et des sciences marines (IHSM) de l’université de Toliara (encore appelée Tuléar) dans le sud du pays.

La thèse a été préparée en cotutelle entre l’IHSM et l’université de la Réunion, dans le cadre du laboratoire mixte international MIKAROKA (fouiller, gratter, chercher, sonder, scruter)–un observatoire de la biodiversité marine et côtière et de ses usages à Madagascar.

Pour cette recherche, 18 zones – dont la moitié est ouverte à la pêche – de diverses AMP sur les côtes nord-est, nord-ouest et sud-ouest malgaches- ont été analysées. Le résultat montre que ces sites marins en protection ont un effet positif indéniable sur les coraux adultes avec une variabilité spatiale marquée.

“L’efficacité des aires marines protégées au nord-ouest sur les coraux est attribuée à leur ancienneté, leur taille relativement petite et au fait qu’elles sont les parcs marins les plus rentables du pays”

Mahery Randrianarivo, université de Toliara

« Notre étude a montré l’effet positif des AMP à induire un effet positif sur la majorité des descripteurs coralliens (diversité, densité et pourcentage de recouvrement). Cet effet est plus palpable sur les coraux adultes (colonies > 5 cm de diamètre) que sur les juvéniles (1-5 cm de diamètre). Les adultes sont plus résistants aux aléas environnementaux », déclare Mahery Randrianarivo.

Plusieurs paramètres jouent en faveur des coraux adultes contrairement aux juvéniles qui ressemblent à de jeunes pousses moins armées pour résister aux agressions. Il est apparu aussi que le potentiel de récupération des assemblages coralliens est soutenu par les AMP au nord-ouest du pays.

« Ceci n’est pas encore le cas pour celles des autres régions (au nord-est et au sud-ouest). L’efficacité des AMP au nord-ouest sur les coraux est attribuée à leur ancienneté (elles existent depuis 1966), leur taille relativement petite (ce qui les rend accessibles et faciles à surveiller, etc.) et au fait qu’ils sont les parcs marins les plus rentables du pays, bénéficiant d’une autonomie financière grâce à l’écotourisme », affirme le chercheur.

Enjeu

La Grande île compte 22 Aires marines protégées, couvrant une superficie de 14 451 km², soit 1,26 % de sa zone économique exclusive. S’y ajoutent plus de 200 aires marines gérées localement par les communautés ou LMMA (locally-managed marine area).

D’après l’évaluation réalisée en 2017 par le Fonds mondial pour la nature (WWF), les actifs océaniques de Madagascar seraient de 10,6 milliards de dollars.

Le maintien en bonne santé des communautés récifales où poussent les coraux est une condition sine qua non de la durabilité de ce potentiel. A noter que, lors du 6e Congrès mondial sur les parcs à Sydney (Australie), en décembre 2014, la Grande île promettait de tripler la superficie de ses APM alors deux fois moins que celle qu’aujourd’hui.

L’initiative est censée porter ses fruits à long terme. Aux yeux de Mehdi Adjeroud, écologue à l’unité Ecologie marine tropicale des océans Pacifique et Indien à l’IRD, la protection des coraux juvéniles, les générations futures, constituent l’enjeu pour la pérennité des récifs coralliens.

« Il faut renforcer les mesures de conservation mises en œuvre dans les AMP mais aussi les adapter aux juvéniles », suggère-t-il.

Des preuves tangibles attestent l’efficacité des AMP et des LMMA pour le maintien des stocks halieutiques et pour soutenir le bien-être humain. Sous la responsabilité de Conservation International Madagascar, le corridor marin des 7 baies (auparavant appelé AMP d’Ambodivahibe, 39 794 ha, officiellement créée en 2015), à l’extrême nord-est, est l’une des zones marines offrant les plus belles perspectives à ce propos.

La forte implication des communautés locales dans sa protection fait de lui une expérience prometteuse parmi tant d’autres. Les villageois qui vivent essentiellement de la pêche observent scrupuleusement les réglementations en vigueur.

« La mer m’a permis de nourrir ma femme et nos dix enfants. Certains ont maintenant des enfants et font comme moi. La pêche aux poulpes est notre principale source de revenu. La protection des ressources halieutiques nous est vitale. Les gens ne touchent pas aux coraux. Les poulpes y vivent », témoigne Justin Kinkou, habitant du village d’Ambavarano.

Ce pêcheur traditionnel, qui s’est opposé à la création de l’APM au début, après sa reconversion, en est devenu un ardent défenseur. Le succès de la conservation se traduit dans l’amélioration des prises quotidiennes.

« A la réouverture de la saison de pêche, un pêcheur peut avoir jusqu’à 120-200 kilos de poulpes en une seule journée. Il n’y a pas de problème pour les débouchés », dit le leader communautaire.

Perturbations

Toutefois, Mahery Randrianarivo reconnaît que les AMP ne sont pas toutes efficaces. Certaines fonctionnent mal pour des raisons liées au manque d’information, d’implication et de ressources.

Dans ce contexte, la Grande Île est sujette à des perturbations globales de grande ampleur comme des vagues de chaleur dangereuses, sans parler des impacts des cyclones tropicaux. Madagascar a connu cette année le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré, soutient un groupe de scientifiques, dont une Malgache, lié à la World Weather Attribution.

Des chercheurs de l’université de Plymouth, au Royaume-Uni, ont aussi découvert la cause du blanchiment des coraux dans le dipôle de l’océan Indien touchant Madagascar.

Le dommage imputable à 30 % de la hausse des températures marines touche 80 % des récifs du fond marin à des profondeurs qui sont jusque-là considérées comme à l’abri du réchauffement des océans en raison du changement climatique.

La carte en gestation au ministère de la Pêche et de l’économie bleue – qui sera destinée à géolocaliser les mangroves, les phanérogames (plante à fleurs et à graines) marines, les algues, les récifs coralliens, les poissons, les mollusques, les crustacés mammifères marins et reptiles marins…- permettrait à l’avenir de mieux surveiller les assemblages coralliens de l’île.