09/03/22

Un procédé pour restaurer plus vite le sol des vieux champs d’hévéa

Rubber tree arm
Une plantation d'hévéas en Thailande. Crédit image: kthypryn (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Les principales fonctions du sol sont restaurées 18 mois après l’abattage d’une plantation d’hévéas
  • Les résidus d'abattage permettent de stimuler des processus écologiques
  • Pour les auteurs de l’étude, les résultats constituent une avancée majeure dans l'hévéaculture

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[YAOUNDE] Une équipe de chercheurs du CIRAD[1], de l’IRD[2] et des universités de Clermont Auvergne (France) et de Nangui Abrogoua à Abidjan (Côte d’Ivoire) ont découvert une nouvelle technique qui permet une restauration rapide des principales fonctions du sol d’une plantation d’hévéa en fin de cycle.

Cette technique consiste en la restitution de la biomasse des arbres abattus et l’installation d’une couverture de légumineuse sur la parcelle.

L’étude, publiée dans la revue « Science of the Total Environment », a été menée depuis 2017 sur deux sites de plantations d’hévéa en Côte d’Ivoire.

“Après 18 mois, la fonction de dégradation du carbone et de maintien de la structure a été restaurées complètement sur les 2 sites d’études dans le cas d’une restitution partielle ou totale des résidus d’abattage”

Thibaut Perron, CIRAD

« Nous avons évalué trois fonctions principales portées par le sol grâce à l’outil Biofunctool[3] ; c’est-à-dire la capacité du sol à dégrader le carbone, le recyclage des nutriments et le maintien de la structure du sol », explique Thibaut Perron, agronome au CIRAD et auteur principal de l’étude.

Ces fonctions, explique-t-il à SciDev.Net, ont été mesurées avant l’abattage de la vieille parcelle, puis 6 mois, 12 mois et 18 mois après l’abattage dans quatre stratégies, avec une restitution plus ou moins importante de résidus d’abattage et avec présence ou non d’une plante de couverture.

L’essai expérimental a été dupliqué sur deux sites d’étude en Côte d’Ivoire, notamment dans la plantation de la Société africaine de plantations d’hévéas (SAPH) à l’est du pays (sol sableux) et dans la plantation de la Société des caoutchoucs de Grand-Béréby (SOGB) à l’ouest (sol plus argileux). Les résultats obtenus montrent que l’abattage et la préparation constituent une perturbation importante et significative pour presque toutes les fonctions du sol, sur les 2 sites, notamment pour la fonction liée au recyclage des nutriments avec une baisse de plus de 50 % de la fonction par rapport à l’état initial avant abattage.

La fonction de dégradation du carbone était aussi très touchée avec une baisse de plus de 40 % par rapport à l’état avant abattage, souligne Thibaut Perron.

Les résultats montrent également que la restitution de résidus d’abattage et le semis d’une plante de couverture permettent une restauration rapide des fonctions du sol.

« Après 18 mois, la fonction de dégradation du carbone et de maintien de la structure ont été restaurées complètement sur les 2 sites d’études dans le cas d’une restitution partielle ou totale des résidus d’abattage », soutient Thibaut Perron.

A l’inverse, sans restitution de résidus d’abattage et/ou semis de plante de couverture, les fonctions du sol peinent à se restaurer voire continuent à se dégrader avec le temps.

Un dernier résultat important est d’avoir pu montrer que la santé du sol et ses fonctions étaient significativement corrélées à la diversité de la macrofaune du sol sur les 2 sites. Plus la diversité de la macrofaune est forte, plus les fonctions portées par le sol seraient importantes, relève-t-il.

Avancée majeure

Selon Thibaut Perron, Les 2 pratiques agroécologiques étudiées ont été la restitution de résidus d’abattage (c’est-à-dire les troncs, branches, souches et feuilles de la plantation abattue) et le semis d’une plante de couverture.

En termes d’avantages, il souligne que les résidus d’abattage permettent de stimuler des processus écologiques. Ils renferment une quantité importante de nutriments, comme l’azote, le phosphore et le potassium, qui sont indispensables à la croissance des arbres.

Pour Justin Chekoua, un environnementaliste de Yaoundé au Cameroun, ces résultats sont « intéressants ». Selon lui, les gros arbres qui sont abattus et laissés dans les champs sans être brulés permettent d’augmenter la fertilité du sol.

« Le bois va se dégrader, ça va devenir la matière organique et puis il y aura beaucoup de bactéries qui vont nourrir le sol », explique-t-il.

Par contre, « quand on fait l’abattage et qu’on brûle les arbres, ce qui se passe c’est que le sol va être brulé et quand les premières pluies vont arriver, il y aura érosion. L’eau, au lieu de s’infiltrer, va entrainer vers les bas-fonds toute la matière organique qui a été brûlée et transformée en cendres, et cela va réduire la fertilité du sol », ajoute ce dernier.Ghislain Fomou, chargé de programme au Service d’appui aux initiatives locales de développement (SAILD) une ONG camerounaise, estime que ces résultats sont « prometteurs ».

« Prometteurs dans le sens qu’ils permettent de maintenir ceux qui font l’hévéaculture sur les mêmes terres après la rotation de 30 à 40 ans », précise-t-il.

Toutefois, il pense que l’étude pourrait donner des résultats « plus intéressants » si une comparaison était faite entre le sol restauré après la plantation d’hévéas et un sol sollicité pour l’hévéaculture.

Les plantations d’hévéas sont cultivées pendant des cycles successifs sur les mêmes parcelles, en Afrique et en Asie. Ces cycles de replantations conduisent à une dégradation lente mais continue du sol.

Pour Thibaut Perron, ces résultats constituent une avancée majeure dans l’hévéaculture dans le sens où aucune étude n’avait encore quantifié ni la perturbation du sol causée par l’abattage et la préparation du terrain, ni la possibilité d’utiliser des pratiques agroécologiques, telles que les résidus d’abattage, pour restaurer les fonctions du sol au début du cycle suivant.

Références

[1] Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

[2] Institut de recherche pour le développement.