05/05/22

La perte du couvert forestier jette un doute sur les objectifs climatiques

Deforestation
Les feux de forêts sont parmi les principales causes de déforestation. Crédit image: crustmania (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Les tropiques ont perdu 11,1 millions d'hectares de couvert forestier en 2021
  • L’Amazonie et la République démocratique du Congo ont enregistré les plus grandes pertes
  • Une réduction est nécessaire pour mettre les objectifs de déforestation de la COP26 sur la bonne voie

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Les régions tropicales du monde ont perdu 11,1 millions d’hectares de couvert forestier en 2021, selon de nouvelles données, remettant en question les promesses mondiales de mettre fin à la déforestation d’ici 2030.

Englobant l’Amazonie et le bassin du Congo, la perte d’arbres comprenait 3,75 millions d’hectares de forêts tropicales primaires « d’importance critique », selon le Global Forest Watch du World Resource’s Institute.

Cela a entraîné la libération de 2,5 gigatonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui équivaut aux émissions annuelles de combustibles fossiles de l’Inde, selon l’observatoire des forêts.

“La vaste forêt de la RDC est un grand puits de carbone pour le monde et de grands changements sont nécessaires pour freiner cette perte de forêt”

Elizabeth Goldman, Global Forest Watch

La directrice adjointe du Global Forest Watch, Mikaela Weisse, a déclaré lors d’une conférence de presse virtuelle: que « l’équipe s’est spécifiquement concentrée sur la perte de forêts primaires tropicales humides qui sont des zones de forêt tropicale vierge importantes pour le stockage du carbone et pour la biodiversité ».

« Nous nous sommes également concentrés sur les forêts tropicales parce que c’est là que se produit la déforestation des temps modernes – plus de 96% », ajoute-t-elle.Le rapport décrit le taux de perte de forêt primaire sous les tropiques ces dernières années comme « obstinément constant ». La perte enregistrée en 2021 était de 11%, inférieure à celle de 2020, mais faisait suite à une augmentation de 12% en 2019, principalement attribuée aux incendies, dit-il.

Lors du sommet des Nations Unies sur le climat, la COP26, organisé à Glasgow en novembre dernier, les dirigeants de 141 pays ont signé une déclaration sur les forêts et l’utilisation des terres, s’engageant à « stopper et inverser la perte des forêts d’ici 2030 ».

La réalisation de ces objectifs nécessite « une baisse constante de la perte de forêts chaque année pendant le reste de la décennie », selon le rapport basé sur les données de l’université du Maryland aux États-Unis. Jusqu’à présent, cela ne se produit que dans quelques pays tropicaux, comme l’Indonésie et la Malaisie, où la perte du couvert forestier primaire a diminué ces dernières années.

« Ces nouvelles données soulignent à quel point les efforts sont nécessaires pour atteindre les objectifs de déforestation », déclare Mikaela Weisse.

Le Brésil représentait plus de 40 % de la perte mondiale de forêts primaires tropicales en 2021, soit 1,5 million d’hectares. La majorité de ces pertes s’est produite en Amazonie, affirme Rod Taylor, directeur du programme des forêts au World Resource Institute.

« La perte du couvert forestier au Brésil, en particulier en Amazonie, a été persistante au fil des ans », fait remarquer Rod Taylor, ajoutant que la perte due aux incendies fluctuait en fonction des conditions. L’analyse, pour la première fois, a pris en compte la perte du couvert forestier due aux feux de forêt, aux incendies intentionnels et aux incendies liés aux activités agricoles.

République démocratique du Congo

Selon le rapport, entre 2020 et 2021, les pertes non liées au feu– généralement liées à l’expansion agricole – ont augmenté de 9 % au Brésil. Le document souligne que la déforestation par coupe à blanc était la plus élevée depuis 2006, lorsqu’un certain nombre de mesures ont été introduites pour réduire la déforestation.

Les États clés de l’ouest de l’Amazonie brésilienne ont enregistré une augmentation de 25% de la perte de forêt primaire non due au feu, avec de nouveaux « foyers » surgissant là où des défrichages à grande échelle avaient été effectués le long des routes existantes, probablement pour le pâturage, suggère le rapport.

« De nouvelles recherches montrent que l’Amazonie perd sa résilience beaucoup plus rapidement que nous ne le pensions, atteignant même un point de basculement où de vastes zones de forêt tropicale se transforment en savane, entraînant des émissions massives », affirme Mikaela Weisse.

La République démocratique du Congo (RDC) a enregistré la deuxième plus grande perte de forêt en 2021, perdant près d’un demi-million d’hectares de couvert forestier. Selon l’analyse, cela a été dû à l’agriculture à petite échelle et à la coupe d’arbres pour la production du charbon de bois.

« La vaste forêt de la RDC est un grand puits de carbone pour le monde et de grands changements sont nécessaires pour freiner cette perte de forêt », avertit Elizabeth Goldman, responsable principale de la recherche sur le système d’information géographique chez Global Forest Watch.

« Ces changements devraient inclure la poursuite de la recherche de nouvelles voies de développement et l’amélioration des rendements agricoles afin que l’expansion de l’agriculture ne se poursuive pas sans contrôle dans les forêts primaires, ainsi que l’accès à une énergie propre », suggère-t-elle.

Du côté positif, l’Indonésie a enregistré une réduction de 25 % de perte de forêt primaire par rapport à 2020, ce qui représente la cinquième année consécutive de recul pour ce pays. Idem pour la Malaisie qui a également connu sa cinquième année de déclin.

Renforcer la surveillance

Hidayah Hamzah, responsable de la surveillance des forêts et de la tourbe au World Resources Institute en Indonésie, attribue les progrès de ce pays aux actions des entreprises et du gouvernement qui « fonctionnent clairement » au moment où le pays « se dirige dans la bonne direction pour respecter ses engagements climatiques ».

Elle affirme que le gouvernement indonésien a renforcé la surveillance des feux de forêts, étendu la restauration des forêts et annulé des licences d’exploitation forestière, de plantations de palmiers à huile et d’exploitation minière situées dans les forêts.

Mais Hidayah Hamza s’inquiète de ce que les prix de l’huile de palme dans le pays aient atteint leur plus haut niveau en 40 ans. « Cela pourrait augmenter l’appétit pour étendre les plantations de palmiers à huile dans les zones forestières », avertit-elle.Ces exceptions mises à part, Benson Ochieng’, directeur exécutif de l’Institute for Law and Environmental Governance à Nairobi au Kenya, affirme que les tendances mondiales de la perte de forêts sont révélatrices d’une réticence à respecter les engagements climatiques.

« Des engagements tels que “zéro déforestation” sont beaux. Mais ils sont aussi bons que les personnes qui les mettent en œuvre. Sinon, ils ne vaudraient pas le papier sur lequel ils sont écrits », confie-t-il à SciDev.Net.

Il a mis au défi les dirigeants et les entreprises de concrétiser leurs promesses, citant l’exemple de l’initiative AFR100 où les pays africains commenceront à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030.

« Contrairement à d’autres promesses et engagements, l’initiative AFR100 a un budget, des bailleurs de fonds et un calendrier », a-t-il déclaré.

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.