Par: Rivonala Razafison
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[ANTANANARIVO] La compagnie minière Ambatovy est en bonne voie pour atteindre son objectif de « zéro perte nette » d’habitat forestier détruit par ses activités minières sur les Hautes Terres orientales de l’île de Madagascar.
Telle est la conclusion de l’une des premières évaluations accomplies par une équipe composée de scientifiques de l’université de Bangor (Royaume-Uni) et du Centre de l’économie de l’environnement de Montpellier (CNRS/Institut Agro/INRAE/université de Montpellier).
Publiée le 3 mars 2022 dans Nature Sustainability, l’étude qui se veut entièrement indépendante vis-à-vis de la firme internationale suggère que les compensations sont en bonne voie pour parvenir à l’objectif « zéro perte nette » de l’habitat forestier unique détruit par la mine.
“La seule manière de bien faire les choses est d’impliquer les scientifiques locaux et les communautés depuis la conception jusqu’à la fermeture”
Heriniaina Ramanankierana, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche
« Notre analyse suggère que cette stratégie (concilier exploitation minière et conservation de la biodiversité, ndlr) a permis de sauver autant de forêts que ce qui a été perdu sur le site minier. Nos résultats suggèrent que l’objectif d’aucune perte nette de forêt a été atteint à la fin de 2021 », confie Katie Devenish, doctorante à l’université de Bangor et auteure principale de l’étude, interrogée par SciDev.Net.
La firme extrait les minerais (nickel) à une profondeur comprise entre 20 et 100 mètres sur un gisement situé dans la banlieue de Moramanga en défrichant environ 1 600 hectares de forêt primaire appartenant au couvert forestier de l’est de la Grande île, habitat d’une riche biodiversité unique au monde.
Conformément à son plan de gestion environnementale et de développement social, elle s’est engagée à entreprendre des actions visant la conservation suivant les normes de performance les plus strictes dont les standards de la Société financière internationale (IFC) et ceux du Business and Biodiversity Offsets Program (BBOP).
Sébastien Desbureaux de l’université de Montpelier qui a participé à l’étude, affirme qu’il existe plus de 12 000 programmes de compensations de biodiversité dans le monde.
« Moins de 0,05 % d’entre eux ont été évalués. Les évaluations sont difficiles à mener car elles impliquent de comparer les résultats observés à ce qui se serait passé sans l’intervention », soutient-il.
Le chercheur ajoute que « ce scénario contrefactuel est évidemment difficile à estimer. Nous avons exploré plus de 100 façons alternatives d’exécuter notre analyse et les résultats sont clairs », fait-il savoir.
Réserves
Pour atteindre son objectif, la compagnie minière travaille sur le terrain en étroite collaboration avec l’administration forestière, les autorités locales, des organisations de conservation et les communautés de base (COBA).
« Ambatovy gère d’importantes pépinières pour la restauration. Avec les communautés, la compagnie s’engage à reboiser et à protéger l’empreinte minière », affirme Emmanuel Randriambinintsoa, chef de la Circonscription régionale de l’environnement et des forets (CIREF) de Moramanga.*
En ce qui concerne la restauration proprement dite, une équipe conjointe d’agents d’appui, sous le contrôle direct de la CIREF et d’Ambatovy, s’occupe du suivi quotidien des activités s’y rapportant, relève Emmanuel Randriambinintsoa.*
Toutefois, l’initiative de la firme suscite des réserves parmi les scientifiques malgaches. Heriniaina Ramanankierana, directeur général de la Recherche scientifique auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, explique que dans le cadre d’un projet minier, la politique de conservation de la biodiversité et d’habitats forestiers concerne trois points essentiels.
Il cite notamment les habitats touchés par le projet et leur biodiversité, les habitats forestiers aux environs de la mine et les communautés locales impactées directement ou indirectement par les activités minières.
Or, « dans son intégralité, l’étude parle seulement d’habitat forestier détruit par les activités minières, ce qui est très peu considérable en matière de conservation », commente-t-il.
Impliquer les chercheurs locaux
Au sujet de la biodiversité, il estime qu’il est difficile de croire qu’Ambatovy arrive à son objectif de « zéro perte nette » si on considère les trois niveaux d’organisation de la biodiversité (la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité écosystémique).
« Il a été mentionné même qu’aucune donnée n’est disponible sur la conservation au niveau espèce », ajoute l’expert.
« Personnellement, je suis tout à fait d’accord qu’on exploite nos ressources minières. La seule manière de bien faire les choses est d’impliquer les scientifiques locaux et les communautés depuis la conception jusqu’à la fermeture. Il faut que l’Etat soit fort pour y parvenir », conclut Heriniaina Ramanankierana.
Avec plus de 8 milliards de dollars d’investissement, Ambatovy est le plus grand investissement étranger jamais réalisé sur l’île.
D’une durée d’au moins 29 ans à partir de 2012, il a une capacité de production annuelle de 60 000 tonnes de nickel raffiné et de 5 600 tonnes de cobalt raffiné.
La contribution financière directe d’Ambatovy à l’économie malgache était estimée à environ 50 millions de dollars en 2018.
* Ce paragraphe a été mis à jour le 25 avril 2022 pour corriger l’orthographe du nom de la source qui s’y exprime ainsi que le nom de l’institution pour laquelle elle travaille.