02/11/22

Le changement climatique et l’avenir : faits et chiffres

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Sulem Hire, neuf ans, remplit son jerrican avec de l’eau d’un puits de forage dans la sous-préfecture de Hadhwe, une zone de la région Somali d’Ethiopie touchée par la sécheresse. Image prise en 2017. Crédit image: Mulugeta Ayene/UNICEF Ethiopia, (CC BY-NC-ND 2.0).

Lecture rapide

  • Les pays vulnérables au changement climatique ont besoin de fonds pour l’adaptation, les pertes et les dommages
  • Les engagements financiers n’ont toujours pas été tenus alors que les températures vont augmenter
  • Mais, selon l’Agence internationale de l’énergie, «l’âge d’or du gaz» est révolu.

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Les dirigeants mondiaux ont été prévenus que du fait de leur inaction face au changement climatique, les limites cruciales d’augmentation de la température seront dépassées de plus d’un degré Celsius avant la fin du siècle.

D’après un rapport sur l’écart des émissions publié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), il n’y a actuellement pas de «voie crédible» qui permettrait de limiter l’augmentation de la température à 1,5 degrés comme les dirigeants l’avaient promis en 2015.

Le PNUE estime que les engagements pris lors de la COP26 l’an dernier à Glasgow et dans l’année qui a suivi donneraient lieu à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de moins de 1 pour cent des émissions prévues pour 2030. Cela signifie qu’on peut s’attendre à une augmentation de la température globale allant de 2,4 à 2,6 degrés d’ici 2100, même si ces engagements sont respectés.

“C’est un défi de taille, pour certains il pourrait même s’agir d’un défi impossible à relever, que de réformer l’économie mondiale et de presque diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030”

Inger Anderson, PNUE

Pour le directeur exécutif du PNUE, Inger Anderson, «il fut un temps où nous aurions pu introduire des changements graduels, mais cela n’est plus le cas», ajoutant que «seule une transformation de fond en comble de nos économies et de nos sociétés peut nous épargner un désastre climatique d’une ampleur grandissante.»

Le responsable onusien ajoute que «c’est un défi de taille, pour certains il pourrait même s’agir d’un défi impossible à relever, que de réformer l’économie mondiale et de presque diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, mais il nous incombe d’essayer.»

Inger Anderson ajoute que «chaque fraction de degré compte : pour les communautés vulnérables, pour les espèces et les écosystèmes, et pour chacun d’entre nous.»

Le document du PNUE fait partie d’une multitude de rapports qui ont pris leur place dans une véritable avalanche d’analyses rendues publiques avant la COP27, l’édition 2022 du sommet onusien sur le changement climatique qui doit se tenir en Egypte ce mois-ci.

Hausse des émissions

L’analyse des données relatives au carbone révèle que les émissions de gaz à effet de serre ont baissé dans une poignée de régions. Néanmoins, globalement, les émissions sont allées grandissant de 1990 à 2019. Elles ont baissé au tout début de la pandémie de COVID-19 qui a mis un coup d’arrêt au transport aérien et routier ainsi qu’aux activités industrielles.


Source: Our World in Data, (CC BY 4.0)

Si on dit souvent que les émissions de gaz à effet de serre sont «anthropogènes», autrement dit causées par les êtres humains, ce sont les individus et pays les plus riches qui sont responsables des émissions du passé et du présent.

Depuis 1990, 50 % des plus pauvres de la planète ont été à l’origine de seulement 16 % de la croissance totale des émissions. La part du groupe des 1 % des plus riches est de 23 %.

Une analyse de données par l’économiste Lucas Chancel du Laboratoire sur les inégalités mondiales de l’Ecole d’économie de Paris, publiée dans Nature Sustainability au mois de septembre, a conclu que la majeure partie des émissions des 1 % venait de leurs investissements plutôt que de leur consommation.

Les pays d’Afrique sub-Saharienne ont l’empreinte carbone moyenne la plus basse, alors que le très riche Luxembourg et les Etats-Unis ont l’empreinte carbone la plus élevée, selon une étude menée par l’université de Groningue, aux Pays-Bas.

Augmentation des coûts

En 2009, les pays riches qui produisent un niveau élevé d’émissions s’étaient engagés à débloquer 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, somme destinée aux pays en développement pour leur permettre de s’adapter au changement climatique et d’atténuer ses effets. En 2015, cette promesse qui n’avait pas été tenue a été répétée, la date butoir étant cette fois 2025.

Mais cet engagement n’a toujours pas été respecté. De plus, une bonne partie des fonds débloqués a pris la forme de prêts plutôt que de subventions. Les financements publics représentent la majorité des fonds et ont augmenté chaque année depuis 2015 .

Coté financement privé, on a vu par contre des fluctuations et des baisses, selon une analyse publiée en juillet par l’OCDE, une alliance de 38 pays dont l’économie est dominée par le marché.

Dégâts causés dans les communautés de la côte est des Philippines par le typhon Haiyan en 2013. Credit: Torben Bruhn, (CC BY-NC-ND 2.0).

L’OCDE a conclu que des financements liés au changement climatique d’un montant de 83,3 milliards de dollars ont été fournis aux pays en développement en 2020. Selon cette source, la majeure partie de ces fonds était destinée à atténuer les effets du changement climatique et ils étaient avant tout ciblés sur l’Asie et les pays à revenus intermédiaires.

Si, selon l’OCDE, le soutien à l’adaptation est à la hausse, la World Resources Institute (WRI), un organisme de recherche à but non lucratif, estime qu’il faut encore plus de moyens pour respecter un engagement supplémentaire pris l’année dernière par les pays à revenu élevé de fournir 40 milliards de dollars de financements destinés à l’adaptation d’ici 2025.

Au mois d’octobre, plus de 250 revues de santé des quatre coins du monde ont publié simultanément un éditorial appelant les dirigeants mondiaux à répondre aux attentes de justice climatique pour l’Afrique.

Les 16 auteurs de cet éditorial,  issus de revues biomédicales prestigieuses du continent africain, ont déclaré qu’atteindre l’objectif des 100 milliards de dollars était maintenant «crucial d’un point de vue global pour prévenir les risques systémiques inévitables si on laisse des sociétés en crise», et que des ressources supplémentaires doivent maintenant également être introduites pour pertes et dommages.

La question du soutien pour pallier aux dégâts irréversibles causés par le changement climatique (les «pertes et dommages») bénéficie d’une attention accrue. On s’attend à ce que les pays à revenu faible et intermédiaire ainsi que les communautés vulnérables lui donnent une impulsion majeure à la COP27. Les pays qui par le passé ont contribué le moins aux émissions sont les premiers concernés par le changement climatique et ils veulent que les pays riches les dédommagent.

Depuis 2017, environ la moitié de toutes les demandes formulées par l’ONU pour un soutien suite à un désastre climatique n’ont pas été satisfaites. Les pays qui sont les moins à mêmes de payer ont dû trouver 33 milliards de dollars pour se remettre d’inondations, d’incendies et d’autres conditions météorologiques extrêmes.

L’analyse de l’ONG internationale Oxfam a aussi révélé que chaque fois qu’un pays demandait 2 dollars pour faire face à une catastrophe climatique, il recevait environ un dollar.

Systèmes en transition

Les systèmes agricoles industriels sont parmi les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, tandis que, globalement, les systèmes alimentaires sont responsables de 80% du déboisement et de 70% de l’utilisation d’eau douce, ainsi que le principal facteur derrière la perte de la biodiversité sur terre.

C’est ce qu’affirme le dernier rapport sur les Perspectives mondiales pour la terre publié par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULD).

Selon ce document, fruit de cinq années de travail, quelque 40% de la terre de notre planète pourraient maintenant être dégradés. Les engagements nationaux en vertu desquels un milliard d’hectares de terres dégradées pourraient être réhabilités d’ici 2030 nécessiteraient des dépenses pouvant atteindre 1,7 mille milliards, affirme la CNULD.

Le rapport ajoute que les monocultures intensives et le déboisement sont responsables de la majeure partie des émissions de carbone liées au changement d’utilisation des terres, tandis que les oxydes nitreux liés au recours aux engrais et les émissions de méthane provenant de l’élevage constituent la «part la plus grande et ayant le plus d’impact» des émissions de gaz à effets de serre produits par le secteur agricole.

Le rapport conclut que «ce qui est clair et sans ambiguïté, c’est qu’il nous faut des mesures coordonnées pour ralentir de façon significative ou inverser les changements climatiques, la dégradation des terres, et la perte de la biodiversité afin de sauvegarder la santé humaine et les moyens d’existence, garantir la sécurité alimentaire et de l’eau, et léguer un héritage durable aux générations futures.»

Bientôt la fin pour les combustibles fossiles ?

Des structures de soutien et de gouvernance sont en train d’être mises en place pour le Partenariat pour une transition énergétique juste annoncé lors de la COP 26 par l’Afrique du Sud aux côtés de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Les économies développées qui font partie du partenariat se sont engagées à débloquer 8,5 milliards de dollars sur les trois à cinq années à venir afin de soutenir la transition de l’Afrique du Sud vers une économie à faibles émissions. D’après un rapport de la WRI sur les progrès réalisés suite à la COP26, un plan d’investissement devrait être annoncé lors de la COP27.

Les dirigeants des pays du G7 ont initié un partenariat similaire avec l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam et le Sénégal, mais la WRI précise que pour le moment on ne dispose pas de détails supplémentaires, y compris pour ce qui est du montant du soutien accordé à ces différents pays.

Toutefois, pour l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’«âge d’or du gaz» est révolu. C’est ce que l’AIE a annoncé lorsqu’elle a publié l’édition 2022 de son rapport sur les Perspectives énergétiques mondiales juste avant la COP27.

Si l’AIE a indiqué que l’intensification des mesures politiques, des prix à court terme élevés, et des inquiétudes autour de la sécurité énergétique contribueraient à accélérer la fin de cet «âge d’or», elle a aussi estimé que le gaz fossile continuerait de jouer un rôle «crucial» alors que l’on observe une baisse des flux arrivant par pipeline en Europe ainsi que de la demande d’importation des pays asiatiques.

D’après les perspectives énergétiques mondiales de l’AIE, les répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et leur impact durable sur les politiques énergétiques relatives aux combustibles fossiles amèneront la demande mondiale pour «tous les combustibles fossiles» à atteindre son niveau maximal en 2025.

Pour Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE : «Les marchés de l’énergie et les politiques ont changé du fait de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et pas seulement pour le moment mais pour les décennies à venir.»

Il ajoute que «même dans le contexte politique actuel, on peut observer que le monde de l’énergie est au beau milieu d’une évolution spectaculaire. Les réactions gouvernementales à travers le monde pourraient bien faire de cette période un tournant historique qui nous mettra une fois pour toutes sur la voie d’un système d’énergie plus propre, plus abordable et plus sûr.»

Cet article fait partie de notre Gros Plan sur «La COP de la crise pour l’Afrique»

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.