21/12/21

La pandémie accroît la demande en eau en bouteille et la pollution

Bottled water
La COVID-19 a entrainé une plus forte consommation de l'eau en bouteille en Afrique. Crédit image: Aqua Science Arizona (CC BY-SA 2.0)

Lecture rapide

  • Un pic de la demande en eau en bouteille a été enregistré à l’aube des mesures contre la COVID-19
  • Rien ne permet de dire que cette forte demande a accentué la pollution par les bouteilles en plastique
  • En revanche, les outils de protection individuelle contre la maladie ont accentué la pollution plastique

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[DOUALA] Déjà en augmentation quasi-constante depuis quelques années dans un certain nombre de pays de la région, la production et la consommation de l’eau en bouteille en Afrique subsaharienne ont effectué un bond en avant avec l’arrivée de la pandémie de la COVID-19.

L’un des pays qui illustrent le mieux cette situation est le Cameroun où la production de l’eau en bouteille a connu une croissance de 25,6% entre 2019 et 2020, puis de presque 24% entre 2020 et 2021, d’après les statistiques d’Euromonitor International, une organisation spécialisée dans les études de marché.

“La pollution par les bouteilles en plastique n’est pas si aiguë comparativement à celle due aux sachets plastiques. Les bouteilles sont la plupart du temps recyclées par les vendeuses d’eau ou de jus. Ceci a permis de créer une filière de récupération des bouteilles en plastique”

Adams Tidjani, IMEM, Sénégal

Cette progression correspond à un volume de production qui est passé de 402,8 millions de litres en 2019 à 506,1 millions en 2020, puis à 627,2 millions de litres en 2021 (voir les deux graphiques ci-dessous ).

Ces tendances se confirment à la Société des eaux minérales du Cameroun (SEMC) qui est l’un des leaders du marché local de l’eau minérale naturelle.Dans un entretien accordé à SciDev.Net, Hélène Kenmegne-Siaka, directrice de la communication et de la RSE[1] du Groupe SABC[2] (société mère de la SEMC), affirme que « un pic de la demande a été observé suite à la première annonce des mesures barrières mises en place par l’Etat. Ce qui peut se comprendre par la ruée des ménages dans les points de vente en vue de faire des achats et des réserves en prévision », dit-elle.

« De plus, de nombreux particuliers et entreprises ont distribué gratuitement de l’eau en bouteille dans les communautés défavorisées au cours des premiers stades de la pandémie », ajoute Euromonitor International dans son analyse sur le Cameroun.

Autre explication, la concurrence : « Nous assistons chaque année aux entrées de nouvelles marques sur le marché, avec cette particularité d’avoir un positionnement accessible, tout cela concourt à favoriser la démocratisation et justifie la hausse de la consommation. Le souci de consommer sain et faire attention dans cette période de pandémie est probablement un argument supplémentaire », confirme Hélène Kenmegne-Siaka.

Il est cependant difficile de dire si cette hausse de la consommation de l’eau en bouteille a entraîné une accentuation de la part des bouteilles ayant contenu de l’eau dans la pollution plastique en Afrique subsaharienne.

Car, « les données et les informations à jour et fiables sur la gestion des déchets font encore défaut dans la plupart des pays. Ainsi, nous ne savons pas si un pays est allé jusqu’à différencier réellement les flux de déchets plastiques, en particulier les bouteilles en plastique », justifie Alexander Mangwiro, responsable de la gestion des programmes au bureau Afrique du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).Mais, de l’avis d’Adams Tidjani, professeur de physique nucléaire à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal et fondateur de l’Institut des métiers de l’environnement et de la métrologie (IMEM), il est peu probable que l’augmentation de la consommation de l’eau en bouteille ait impacté la pollution de manière considérable.

« La pollution par les bouteilles en plastique n’est pas si aiguë comparativement à celle due aux sachets plastiques. Les bouteilles sont la plupart du temps recyclées par les vendeuses d’eau ou de jus. Ceci a permis de créer une filière de récupération des bouteilles en plastique », explique-t-il.

Masques faciaux

« D’autre part, ces bouteilles, si elles ne sont pas recyclées dans cette filière, sont récupérées et recyclées industriellement. Donc, la pollution par les bouteilles en plastique est moins périlleuse », ajoute l’universitaire.

Pourtant, Hellen Dena, responsable de la communication et Story Manager chez Greenpeace Africa, constate que « dans beaucoup de zones urbaines, les bouteilles en plastique obstruent les cours d’eau, entraînant des inondations. La pollution plastique déborde des décharges africaines ».

Des bouteilles ayant contenu de l’eau obstruent le lit d’une rivière à Douala au Cameroun. Crédit photo: SDN/JC

Là où les différents experts s’accordent sur la contribution de la COVID-19 à la pollution plastique en Afrique, c’est lorsqu’il s’agit de la quantité de masques faciaux et autres outils de protection individuelle jetés dans la nature.

Pour Hellen Dena, « l’utilisation excessive de masques faciaux à usage unique pour essayer de contenir la pandémie a ajouté plus de pollution toxique à notre environnement déjà trop pollué ».

Dans une étude publiée en juin 2021, des chercheurs du Convenant University d’Ota (Nigeria) affirment que la pollution par les déchets plastiques dans les pays africains augmente de façon exponentielle depuis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré l’infection à coronavirus comme une pandémie.

                       Estimation de la production de déchets plastiques dans quelques pays d’Afrique

Selon le constat de ces chercheurs, les équipements de protection individuelle à base de plastique, y compris des millions de masques chirurgicaux, de blouses médicales, d’écrans faciaux, de lunettes de sécurité, de tabliers de protection, de contenants de désinfectant, de chaussures en plastique et de gants ont été largement utilisés pour réduire le risque d’exposition au Coronavirus.

« Notre estimation suggère que plus de 12 milliards de masques médicaux et en tissu sont jetés chaque mois, ce qui donne la probabilité qu’un équivalent d’environ 105 000 tonnes de masques faciaux par mois pourrait être jetés dans l’environnement par les Africains », peut-on lire. (Voir tableau ci-dessus et carte ci-après)

Par ailleurs, la pandémie a aussi une incidence sur la gestion des déchets plastiques. Car, observe Alexander Mangwiro, « les installations de collecte, de stockage, de recyclage et d’élimination fonctionnent à capacité réduite ; les systèmes de collecte des déchets municipaux ont été gravement perturbés en raison des mesures de confinement ; et le déversement illégal de déchets plastiques est en augmentation, même dans les pays développés ».

Chez Greenpeace, on se félicite néanmoins de ce que l’Afrique soit à la pointe de la lutte contre le plastique, « avec 34 pays sur 54 ayant adopté une réglementation pour éliminer progressivement les plastiques à usage unique », souligne Hellen Dena.

Sauf que « dans les filières de recyclage des bouteilles en plastique, on peut déplorer le manque d’hygiène, ce qui peut favoriser la propagation de la COVID 19 », redoute Adams Tidjani. Soulignant cependant au passage qu’aucune étude scientifique n’a encore confirmé cet état de fait.

Références

[1] Responsabilité sociétale des entreprises

[2] Société anonyme des brasseries du Cameroun