22/02/22

Côte d’Ivoire : 2021 aura été l’année la plus chaude depuis 61 ans

Farmin Côte d'Ivoire
Avec la rareté des pluies, les producteurs agricoles doivent trouver un autre moyen pour arroser les cultures. Crédit image: USAID Land (CC BY-NC-SA 2.0)

Lecture rapide

  • Avec 27,3°C, la température moyenne de 2021 dépasse celle de la période 1980 - 2010 de +1,19°C.
  • Ce réchauffement croissant entraine des pertes de rendement dans l’agriculture, l’élevage et la pêche
  • Selon un expert, ce phénomène est irréversible et il convient de trouver des stratégies d’adaptation

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[ABIDJAN] Selon le « Résumé pluviométrique et thermique de l’année 2021 en Côte d’Ivoire » que vient de produire la Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique (SODEXAM), c’est en 2021 que la Côte d’Ivoire a connu son année la plus chaude en 61 ans.

A en croire ce document que SciDev.Net a pu consulter, « la température moyenne annuelle enregistrée en Côte d’Ivoire au cours de l’année 2021 a été de 27,3°C, soit une hausse de +1,19°C par rapport à la période 1981-2010 (26,2°C). »

Ce même document précise que cette hausse est la plus élevée enregistrée dans le pays depuis 1961. Elle est suivie respectivement des années 2010 (+0,8°C) et 2018 (+0,7°C). La moyenne de 27,3% obtenue en 2021 représente aussi une augmentation de +0,71°C par rapport à l’année 2020 où la température moyenne se situait à 26,6°C.

“La variabilité climatique est irréversible aujourd’hui. La Côte d’Ivoire doit dédramatiser cette situation et former les paysans pour que ceux-ci aient une capacité d’adaptation et de résilience”

Simplice Yao Koffi, université Péléforo Gon Coulibaly, Korhogo

« Les émissions de gaz à effet de serre sont essentiellement dues aux activités humaines », explique Fulgence N’guessan, chef du service des prévisions marines et générales à la SODEXAM, membre de l’équipe de production de ce document produit par la direction de la météorologie nationale de la SODEXAM.

Cette dernière rappelle aussi que « les différentes réunions de la COP[1] attirent l’attention de l’ensemble des dirigeants du monde sur le risque d’un réchauffement catastrophique global de notre planète ».

Fulgence N’guessan soutient que « en Côte d’Ivoire ce réchauffement se manifestera particulièrement au plan environnemental par des fortes pluies, une élévation des températures, et des inondations, et au niveau social à travers l’insécurité alimentaire et les maladies… »Le géographe Simplice Yao Koffi, maître de conférences à l’université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo (nord), indique que « au regard de ces chiffres [de la Sodexam], il ressort que les activités humaines qui sont à l’origine de la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère sont en train de favoriser la variabilité climatique. »

« Le problème se situe au niveau de la pluie qui ne vient pas vite et s’arrête très tôt. Auparavant, à partir de mai, on avait la pluie ; on commençait les labours vers le 25 mai. Maintenant, c’est à fin juin qu’on débute, souvent fin juillet et les conséquences sont désastreuses au niveau des récoltes », regrette Ouattara Daouda, producteur de coton à Niéllé dans le nord du pays.

« Comme il ne pleut suffisamment, il n’y a pas assez d’herbes pour les bœufs. Ils souffrent et on est obligé d’acheter des tourteaux et des résidus de maïs pour les nourrir. Les bœufs se débrouillent avec les tiges de maïs et de coton », renchérit l’éleveur Ouattara Lognigué.

Selon les explications de ce dernier, cette situation est aggravée par le fait que les bêtes n’ont pas non plus assez d’eau pour se désaltérer et elles s’affaiblissent, tandis que leurs petits ne tètent pas bien à cause de cette insuffisante alimentation.

Pêche

Contacté par SciDev.Net, le ministère ivoirien des Ressources animales et halieutiques souligne les effets de ce réchauffement climatique sur la pêche.

« L’augmentation de la température de l’océan causée par le changement climatique, oblige les poissons à migrer des zones équatoriales vers des zones plus froides, et entraîne aussi une diminution de leur taille. Ce phénomène de réchauffement agit également sur la quantité des réserves halieutiques et leur taux de mortalité », explique Julien Djou, chef de service Études, statistiques et documentation dans cette institution.

Sur un tableau émanant de ce service, l’on peut par exemple constater que la pêche industrielle a produit 434 tonnes de poissons en 2020 contre 996 tonnes en 2019 et 212 tonnes en 2018. Quant à la pêche artisanale, elle est passée de 316 tonnes en 2018 à 223 tonnes en 2019 puis 789 tonne en 2020.

« Certes on constate une hausse des quantités débarquées avec la hausse également des navires de pêche, mais il y a une baisse du rendement pour chaque pêcheur. Autrement dit, ce qu’un pêcheur pouvait avoir hier est plus important que ce qu’un pêcheur est capable d’avoir aujourd’hui en une sortie de pêche en termes de qualité de poisson et de quantité », analyse Julien Djou.Pour faire face à ce phénomène, Yéo Tayourou, doctorant à l’université Nangui Abrogoua d’Abidjan et au Centre national de recherche agronomique affirme que la recherche scientifique « développe des stratégies pour limiter l’impact sur la production agricole à travers les cultures sous serre, sous filet, hors sol, l’agriculture biologique, l’agroécologie, la formation des producteurs aux nouvelles techniques de production, de conservation et de transformation des produits agricoles. »

Pour Simplice Yao Koffi, par ailleurs associé au Centre de recherche pour le développement (CRD) de l’université Alassane Ouattara., « la variabilité climatique est irréversible aujourd’hui. La Côte d’Ivoire doit dédramatiser cette situation et former les paysans pour que ceux-ci aient une capacité d’adaptation et de résilience ».

Références

[1] Conference of parties (conférence des parties). La dernière, la COP 26 s’est déroulée en novembre à Glasgow (Royaume-Uni) tandis que la COP 27 se déroulera à Charm el-Cheikh (Egypte) en novembre 2022.