10/04/24

Côte d’Ivoire : L’infertilité des jeunes couples devient préoccupante

Infertility
De plus en plus de couples en Afrique peinent à connaître la joie d'accueillir un bébé. Crédit image: Harbor Life, CC BY-NC-SA 2.0

Lecture rapide

  • Un couple sur cinq reçus en consultation au CHU de Cocody souffre de problèmes d’infertilité
  • L’alimentation et le tabac comptent parmi les causes de ce problème qui touche de plus en plus de jeunes
  • La médecine traditionnelle représente une alternative vu le coût de la procréation médicalement assistée

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[BOUAKE] Dans le cadre du 4è congrès de la Société africaine francophone d’histologie, embryologie et cytogénétique, tenu du 12 au 16 mars à Bouaké, en Côte d’Ivoire, une centaine d’experts biologistes de la reproduction, venus de plusieurs pays africains, ont réfléchi sur le thème : « L’infertilité du couple et pathologie génétique ».

Des résultats de plusieurs études présentées à cette occasion, j’ai appris que sur la période 2017-2018, un couple sur cinq qui vient en consultation au centre hospitalier universitaire (CHU) de Cocody, à Abidjan (Côte d’Ivoire), est victime d’infertilité. L’âge moyen se situant autour de 37,5 ans chez les femmes et 47 ans chez les hommes.

Victor Yao, le président de la Société ivoirienne d’histologie, embryologie et cytogénétique, affirme même que « l’infertilité en Côte d’Ivoire, selon quelques travaux, touche des couples de plus en plus jeunes, intellectuels et cela pose un problème de santé publique avec leur corollaire de gros problèmes psychologiques qui influent sur leurs rendements au travail. »

“Il faut décomplexer l’infertilité pour en parler comme des maladies courantes à l’instar du paludisme”

Joël Landry Okon Abou, université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan

Charles Aka Koffi, directeur de cabinet du ministre ivoirien de la Santé, de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle, renchérit en affirmant que « 13% des couples en Afrique, de plus en plus jeunes » sont sujets à l’infertilité.

Une réalité que Joël Landry Okon Abou de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan confirme en faisant remarquer que « depuis une dizaine d’années, les concentrations spermatiques chez les hommes, dans tous les pays, ont tendance à décliner », précisant que « si cela continue, on ne pourra plus se reproduire ».

Selon un communiqué de presse de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) produit en avril 2023, les problèmes d’infertilité concernent environ 17,5 % de la population adulte, ce qui représente environ une personne sur six dans le monde.

En Afrique, Charles Aka Koffi regrette un « manque d’études spécifiques pour en mesurer l’ampleur » ; reconnaissant que « sa prévalence inconnue sur le continent met l’infertilité parmi les maladies orphelines dont la prise en charge est élevée. »

Une situation qui s’explique, comme le soutient Victor Yao, par le fait que « en Afrique, tout ce qui touche au sujet sexuel est tabou ». D’où la recommandation de Joël Landry Okon Abou qui estime qu’il faut décomplexer l’infertilité pour en parler comme des maladies courantes à l’instar du paludisme.

Définie comme l’incapacité d’obtenir une grossesse après 12 mois de rapports sexuels continus et non protégés, « l’infertilité émane de comportements comme le tabagisme, l’alcoolisme, les mauvaises habitudes alimentaires et l’obésité qui altèrent la qualité du sperme chez l’homme », explique le médecin Alice Tuo, en spécialisation d’histologie, embryologie et cytogénétique à la faculté des Sciences de la santé de Cotonou  au Bénin.

Pour expliquer le taux élevé de jeunes couples victimes de l’infertilité, Anatole Laleye du laboratoire de biologie humaine de la faculté des Sciences de la santé de Cotonou au Bénin évoque le mode de vie. A cela, il ajoute « des causes infectieuses, des perturbateurs endocriniens qui découlent des cubes d’assaisonnement, des vêtements trop serrés et des sous-vêtements synthétiques »

Dans son communiqué de presse d’avril 2023, l’OMS souligne le besoin urgent d’accroître l’accès à des soins de fertilité abordables et de haute qualité pour ceux qui en ont besoin.

Médecine traditionnelle

Au cours de la conférence de Bouaké, Emmanuel Jocelin Affy Mataphouet, en spécialité physiologie animale et biologie de la reproduction et du développement à l’UFR Sciences et technologie de l’université Alassane Ouattara de Bouaké en Côte d’Ivoire, a présenté ses travaux de recherche qui montrent que « 80% de la population africaine a recours à la médecine traditionnelle pour le traitement de l’infertilité. »

Il explique ce recours aux plantes « qui ont des atouts, des qualités », par le « coût onéreux de l’assistance médicale à la procréation comme la fécondation in vitro ou l’insémination artificielle ».

En effet, insiste Alice Tuo, « la procréation médicalement assistée est coûteuse et les populations à revenus maigres préfèrent se tourner vers la phytothérapie pour pallier aux problèmes d’infertilité du couple ». Une démarche qui ne se révèle pas vaine…

« Les plantes que nous étudions sont déjà utilisées par la médecine traditionnelle pour le traitement de certaines pathologies. Il s’agissait de voir leurs réactions sur le système de reproduction. On a obtenu des résultats très probants qui ont révélé une amélioration de la fertilité », soutient Emmanuel Jocelin Affy.

Il précise toutefois que cette étude porteuse d’espoir, menée sur des animaux, doit maintenant se poursuivre sur les humains après les autorisations nécessaires de la Commission d’éthique.

Au regard de l’ensemble des résultats des travaux menés et présentés  au cours de cette conférence, Coulibaly Founzégué Amadou, président du Groupe Interafricain d’études, de recherches et d’application sur la fertilité reconnaît que « les plantes médicinales pourraient être un bonus dans ce que nous savons déjà. »

« Avec la recherche scientifique, à partir de nos plantes ici, on trouve des molécules secondaires, moins toxiques pour permettre aux démunis de pouvoir faire des enfants de façon naturelle », soutient pour sa part Joël Landry Okon Abou

Une position que partage aussi Marius Agagba de la faculté des Sciences de la santé de Cotonou au Bénin. Il affirme en effet que « des recettes à base de plantes se révèlent efficaces selon une étude menée au Bénin dans la prise en charge de l’infertilité ».

Ainsi, Anatole Laleye, l’espoir de vaincre l’infertilité est permis avec les progrès qui se font aussi bien en médecine classique qu’en médecine traditionnelle.