15/01/24

La méthode Kangourou pour sauver les bébés prématurés

Kangaroo Mother Care 3
Face à la rareté des couveuses, la méthode kangourou est fortement recommandée pour les bébés prématurés. Crédit image: UNICEF Cameroun.

Lecture rapide

  • La méthode kangourou consiste à assurer un contact cutané prolongé entre la mère et son bébé
  • Elle permet à l’enfant né avant terme de recevoir la chaleur nécessaire pour compléter sa maturité
  • Au Cameroun, 3 bébés sur 10 meurent du fait des complications de la prématurité en l’absence de couveuses

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[DOUALA] La méthode kangourou est le moyen « idéal » pour mener à terme la croissance des enfants prématurément mis au monde. Des experts de l’Organisation mondiale de santé (OMS) et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) l’ont réitéré à la faveur de la journée mondiale de la prématurité qui s’est célébrée le 17 novembre.

l’OMS considère comme prématurés les enfants qui naissent avant terme. C’est-à-dire avant six mois (très grande prématurité), entre 6 et 7 mois (grande prématurité) ou entre 7 et 8 mois (prématurité moyenne).

Selon les explications d’Agathe Christelle Dongmo, sage-femme et responsable de la maternité à l’hôpital catholique de la cité SIC à Douala au Cameroun, la méthode kangourou consiste à « poser le bébé nu sur le ventre nu d’un adulte qui est généralement l’un des parents ou un membre de la famille de l’enfant, pendant des heures ».

“La méthode kangourou ne nécessite aucune dépense. Donc, elle est propice aux familles à faibles revenus. De plus, elle peut se pratiquer dans tous les coins et recoins du pays où on n’a pas toujours un plateau technique adéquat pour prendre en charge les enfants prématurés”

Berlyse Halmata Ngum, UNICEF Cameroun

Ce contact cutané, entre l’enfant et son parent peut être prolongé de 8 à 24 heures par jour, précise l’UNICEF qui appuie le gouvernement camerounais dans la promotion de cette méthode à travers le programme « Kangaroo Mother Care » (KMC).

A en croire Agathe Christelle Dongmo, l’objectif est de faire ressentir à l’enfant, grâce à un adulte, la chaleur du sein maternel pour compléter les jours qui manquent à sa maturation. Elle précise qu’on peut associer, dans la mesure du possible, couveuse et méthode Kangourou.

Berlyse Halmata Ngum est spécialiste santé à la représentation de l’UNICEF au Cameroun. Pour elle, la méthode Kangourou comporte de multiples avantages dans le contexte de l’Afrique subsaharienne, à commencer par sa gratuité.

« Contrairement à la couveuse, elle ne nécessite aucune dépense. Donc, elle est propice aux familles à faibles revenus. De plus, elle peut se pratiquer dans tous les coins et recoins du pays où on n’a pas toujours un plateau technique adéquat pour prendre en charge les enfants prématurés », explique la spécialiste à SciDev.Net.

Elle ajoute que cette méthode permet de diminuer le stress, le taux d’infection, de septicémie et d’améliorer la croissance et le gain de poids chez l’enfant avec l’augmentation du taux d’allaitement. « Cette méthode permet de réduire de 32% les décès », précise Berlyse Halmata Ngum.

Selon le ministère de la Santé publique du Cameroun, la prématurité est l’une des causes majeures de décès en néonatologie. Le pays enregistre en moyenne 28 décès sur 1000 naissances vivantes avant l’âge de 28 jours et 3 nouveau-nés sur 10 y meurent des suites des complications de la prématurité.

Consommation d’alcool

Parmi les causes de la prématurité au Cameroun, les experts citent les grossesses sans le moindre suivi, les infections chez la mère, la consommation régulière de l’alcool pendant la grossesse, le paludisme, l’anémie, la malnutrition, le diabète, l’hypertension, de nombreux avortements ou accouchements antérieurs…

Le déficit de couveuse dans les hôpitaux n’arrange pas les choses : « Parfois, on a une seule couveuse pour 100 enfants prématurés dans une région. Si votre enfant n’a pas une grâce spéciale, il ne peut pas y entrer. Quelquefois, on est obligé de les y mettre pour quelques minutes seulement, à tour de rôle », décrit Agathe Christelle Dongmo.

Sandrine Fosto Djebet est maman d’une petite fille née à 6 mois et demi en 2013 à l’hôpital Laquintinie, le plus important hôpital de Douala, la capitale économique du Cameroun. En l’absence de couveuse disponible, la méthode Kangourou avait permis de sauver son enfant.

« Chaque jour, je posais ma fille sur mon ventre nu et on passait des heures dans cette position. J’en profitais pour avoir des moments privilégiés avec elle et lui parler comme je le faisais quand elle était dans mon ventre», confie la maman l’air nostalgique.

Ce n’est pourtant pas de gaieté de cœur que  Sandrine Fosto Djebet avait opté pour la méthode Kangourou : « Ma fille avait fait une semaine dans la couveuse et j’avais continué avec la méthode kangourou parce qu’elle ne supportait pas la couveuse », dit-elle.

« De plus, il y avait d’autres enfants plus petits que ma fille qui avaient plus besoin de la couveuse. Comme il n’y en avait pas assez pour tous les enfants, la pédiatre m’avait recommandé la méthode Kangourou », témoigne Sandrine Fosto Djebet à SciDev.Net.

Energie électrique

Même lorsqu’il y a des couveuses disponibles, son utilisation peut se révéler compliquée dans un contexte d’instabilité de la fourniture de l’énergie électrique et de rareté d’une main d’œuvre qualifiée. En mars 2023, le Cameroun avait été ému par la nouvelle d’un bébé calciné dans une couveuse à l’hôpital régional de Nkongsamba dans l’ouest du pays, suite à une panne électrique.

« Nous avons généralement des couveuses importées, parfois trop vielles, souvent dépannées par des techniciens qui n’ont pas la certification technique du fabricant. Cette débrouillardise nous expose à des dangers », explique Serge-Armel Njidjou, promoteur d’une start-up qui produit des couveuses fonctionnant à l’énergie solaire.

Pour ce dernier, la fabrication locale est la « meilleure » solution à ces dysfonctionnements : « nous avons conçu et fabriqué un modèle de couveuse solaire et connectée. Elle peut fonctionner partout, y compris en zone en difficultés énergétiques », dit-il.

« Sa fabrication locale assure une maintenance de proximité et des modalités d’acquisitions flexibles. Sa connectivité permettant un suivi distanciel par les pédiatres qui sont encore peu nombreux dans le pays », ajoute-t-il.

Malheureusement, la start-up de Serge-Armel Njidjou peine à s’imposer sur le marché par manque de soutien adéquat.

Face aux conséquences liées à cet environnement incertain, le personnel de santé pense qu’il faut travailler en amont pour éviter au maximum d’avoir des enfants prématurés à la naissance, à travers notamment un bon suivi de la grossesse et une alimentation saine et équilibrée de la mère.