28/03/24

Trois quarts du sel consommé au Sénégal ne sont pas assez iodés

Salt
75 % du sel de cuisine consommé au Sénégal présentent une carence en iode. Crédit image: joyosity (CC BY 2.0 )

Lecture rapide

  • Seulement 25% du sel produit et consommé au Sénégal ont une teneur adéquate en iode
  • Insuffisamment iodé, la plupart du sel contient des particules dangereuses pour la santé
  • La carence en iode peut provoquer des troubles de croissance ou des maladies thyroïdiennes

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Cet article a été produit avec le soutien de l’Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (IOSRS).

[DAKAR] « Au Sénégal 75% des sels de cuisine ne sont pas adéquatement iodés » tel est la conclusion d’une étude sur l’évaluation de la qualité du sel de cuisine consommé au Sénégal.

Réalisée dans le cadre de l’Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (IOSRS), l’étude avait pour objectif principal d’évaluer par iodométrie la teneur du sel consommé au Sénégal en iode et son niveau de contamination en éléments traces métalliques (ETM) et autres minéraux inorganiques.

En effet, exploité sans être traité, le sel peut comporter des contaminants naturels en quantités variables selon l’origine et la méthode de production. Or, le sel de cuisine ne doit pas contenir de contaminants en quantité et sous des formes pouvant nuire à la santé du consommateur.

“Une carence en iode peut être préjudiciable pour la santé de l’individu. Elle peut contribuer à l’apparition de certains troubles, d’anomalies de croissance ou de développement, à l’instar du goitre et d’autres maladies thyroïdiennes”

Mame Awa Dieng? diététicienne

D’après les normes de l’OMS et celles du Codex Alimentarius, les limites maximales suivantes ne doivent par exemple pas être dépassées : 2 mg / kg pour le cuivre, 2 mg / kg pour le plomb, 0.1 mg / kg pour le mercure, etc.

« Cette étude montre que 25% des 125 échantillons de sel collectés sont adéquatement iodés, c’est-à-dire qu’elles ont des teneurs comprises entre 30-50 ppm (particules par million). On note la présence d’ETM avec des teneurs en cuivre et plomb supérieures à celle édictées par la règlementation », indique Tidiane Diop, l’auteur de l’étude.

« Les analyses montrent la présence de sulfate de calcium, de sulfate de magnésium, de chlorure de magnésium, de chlorure de potassium, de fluorure de sodium, de fluorure de potassium dans le sel », ajoute le chercheur qui est par ailleurs enseignant-chercheur à la faculté des Sciences et techniques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Tidiane Diop conclut que « cette étude montre que « 75% du sel ne sont pas adéquatement iodés. De plus, il y a du sel contaminé en ETM et en minéraux inorganiques comme les sulfates, carbonates, etc. Ces résultats inquiétants soulignent la nécessité d’un renforcement de la stratégie d’iodation et du raffinement du sel au Sénégal ».

Chaque année, le Sénégal produit plus de 450 000 tonnes de sel ; ce qui fait du pays le leader de la production de sel en Afrique de l’ouest. Une grande partie de cette production proviendrait de plus de 15 000 petits producteurs artisanaux installés pour la plupart dans les régions de Fatick, Kaolack, Saint-Louis, dans le Gandiol et à Dakar au lac rose.

Equilibre hydrique

Pour Barnabé GNING, directeur général de la Santé publique, la question du sel au Sénégal est une problématique à plusieurs composantes que l’Etat travaille à prendre en charge en mettant en place des approches spécifiques.

« Il y a quelques années, dit-il, l’iodation du sel était un défi. Les populations n’y étaient pas très favorables. C’était méconnu et on ne disposait pas d’infrastructures adéquates. La diversité des sources d’approvisionnement rendait également la généralisation de l’opération presque impossible ».

Oligo-élément considéré comme essentiel pour l’organisme, l’iode joue un important rôle dans la santé et le développement d’un individu. Quant à lui, le sel, un des ingrédients les plus utilisés en cuisine, contribue au bien-être. C’est du moins ce qu’explique Mame Awa Dieng diététicienne et nutritionniste exerçant en clientèle privée à Dakar.

« Le sel contient un micronutriment appelé sodium. C’est ce micronutriment qui permet à l’organisme de maintenir un équilibre hydrique entre l’intérieur et l’extérieur des cellules. C’est cela qui favorise la transmission entre les cellules nerveuses et la concentration musculaire. L’organisme a besoin d’environ 5 g de sel par jour, », dit-elle dans un entretien avec SciDev.Net.

« Une carence en iode peut être préjudiciable pour la santé de l’individu. Elle peut contribuer à l’apparition de certains troubles, d’anomalies de croissance ou de développement, à l’instar du goitre et d’autres maladies thyroïdiennes », ajoute Mame Awa Dieng.

Carence

Pour Barnabé GNING, les résultats de cette étude ainsi que ceux de toute recherche menée à terme sont une source de données qui aident à la décision et qui favorisent le renforcement des campagnes de sensibilisation.

« Cette étude du professeur Diop nous rappelle notre rôle d’être ouverts à la recherche et est une opportunité pour communiquer avec les populations sur les risques liés à la consommation du sel en trop grande quantité ou pas adéquatement iodé », dit-il.

« Elle nous rappelle aussi l’importance de renforcer la coopération multisectorielle avec le ministère du commerce, de l’industrie, de l’enseignement supérieur et autre pour une prise en charge efficace de la problématique du sel », conclut le directeur général de la santé publique.

Soukèye Da Tine, directrice du Financement de la recherche scientifique et du développement technologique au ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation du Sénégal propose quelques pistes pour faciliter une telle adoption par les décideurs des résultats de la recherche scientifique.

« Pour améliorer la collaboration entre les politiques et les chercheurs, dit-elle, il faut entre autres penser à la création d’un conseil national de la recherche et de l’innovation qui servirait de cadre permanent de concertation réunissant toutes les parties prenantes de la recherche. »

Elle insiste sur la mise en place de supports de diffusion des résultats de la recherche pour les rendre « simples et faciles à exploiter », ainsi que le vote d’une loi d’orientation de la recherche et de l’innovation pour construire un système national de recherche et d’innovation « cohérent et efficace ».

Cet article a été produit avec le soutien de l’Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (IOSRS), qui vise à renforcer les capacités institutionnelles de 17 agences publiques de financement de la science en Afrique subsaharienne.