20/06/23

Subventionner le traitement de l’infertilité en Afrique

Bébé secoué
De plus en plus de couples ont des difficultés à procréer. Crédit image: Brian Odwar de Pixabay

Lecture rapide

  • A l’échelle mondiale, une personne sur six est touchée par des problèmes d’infertilité
  • Le coût des technologies de procréation assistée les rend inaccessibles à la majorité des couples
  • Les experts appellent les Etats à subventionner les soins de santé liés à l’infertilité

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[BUKAVU] « Il est important de s’assurer que l’infertilité est priorisée par les ministères de la santé et toutes les parties prenantes ; et que les pays et les gens ont accès à un traitement abordable de l’infertilité ».

Ce vœu est de Gitau Mburu du département de santé sexuelle, reproductive et recherche de l’organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, co-auteur d’un rapport sur la prévalence de l’infertilité de 1990 à 2021 à travers le monde.

Ce rapport, publié en avril 2023, montre qu’à l’échelle mondiale, environ une personne sur six est touchée par l’infertilité à un certain stade de la vie. Avec une prévalence plus élevée dans la région africaine de l’OMS et plus faible dans la région de la Méditerranée orientale.

“Dans nos conditions, nous faisons ce que nous pouvons. Mais, il y a certains niveaux de soins auxquels les gens ne pourront pas accéder s’il n’y a pas de subventions. L’état doit subventionner les soins de santé liés à l’infertilité”

Kenny Raha, Université évangélique en Afrique, Bukavu

« Le rapport montre que 13,1 % des gens dans les régions d’Afrique connaitront le problème d’infertilité et cette proportion n’est pas significativement différente de ce qu’on a pour le reste du monde», explique Gitau Mburu.

Or, dans le même temps, les auteurs de la revue systématique de l’Oxford Academic sur les coûts financiers des technologies de procréation assistée pour les patients dans les pays à revenu faible et intermédiaires notent que cette technologie n’est pas toujours accessible.

Vu que les patients dépensent environ la moitié de leur revenu annuel moyen pour en bénéficier dans les pays disposant de mécanismes de financement public. Alors que dans les pays dépourvus de mécanismes de financement, le coût représente même plus du double de leur revenu annuel moyen.

« Notre examen s’est principalement concentré sur l’inaccessibilité en raison du coût élevé du traitement de l’infertilité, souvent non couvert par l’assurance maladie dans de nombreux pays à faible revenu », explique Purity Njagi co-auteur de cette revue.

« En outre, les services de santé sont souvent sous-financés dans de nombreux pays à faible revenu, et il y a un manque de volonté politique pour donner la priorité au traitement de l’infertilité au milieu des défis de santé concurrents », ajoute-t-il dans un entretien avec SciDev.Net.

Aussi les spécialistes du continent partagent-il le vœu de Gitau Mburu de voir une attention particulière accordée à ce fléau. C’est le cas de Kenny Raha, gynécologue-obstétricien spécialisé dans la prise en charge des couples infertiles à l’hôpital de Panzi en République démocratique du Congo (RDC).

« Dans nos conditions, nous faisons ce que nous pouvons. Mais, il y a certains niveaux de soins auxquels les gens ne pourront pas accéder s’il n’y a pas de subventions. L’état doit subventionner les soins de santé liés à l’infertilité », dit-il.

Enfants

Pour ce dernier, « cette subvention va faciliter l’accès aux soins et dès qu’il y a accès aux soins de fertilité, il y aura reconstruction de couples, parce que les couples sans enfants dans notre communauté ont beaucoup de problèmes ».

Kenny Raha, par ailleurs enseignant à la faculté de médecine de l’Université évangélique en Afrique de Bukavu (RDC), insiste sur le fait que l’accès aux traitements de fertilité est un besoin dans les pays africains où l’enfant a une place de choix.

« Les soins de fertilité sont un problème non seulement de santé publique mais aussi un problème social et économique. Lorsque deux personnes se sont mariées et qu’elles n’arrivent pas à avoir des enfants, cela créé des discordances au niveau du couple et de leurs familles respectives », corrobore Léa Babone, président de la société civile santé en RDC.

Le rapport de l’OMS note que l’infertilité est provoquée principalement par des anomalies dans le système reproductif de l’homme ou de la femme, en plus de l’âge avancé et des infections, particulièrement les infections sexuellement transmissibles.

« Elle est l’incapacité d’avoir une grossesse pour un couple qui est sexuellement actif sans contraception. Mais actuellement, la notion de l’âge entre en compte. Pour des jeunes couples de moins de trente ans on va dire qu’il y a un problème de fertilité s’il y a l’intervalle de deux ans », explique Kenny Raha.

« Entre trente et trente-cinq ans, c’est après une année qu’on peut s’inquiéter. Entre trente-cinq et quarante ans, c’est après six mois. Au-delà de quarante ans, c’est immédiatement qu’il faut trouver une solution », ajoute l’universitaire.

Prévention

Et Gitau Mburu d’ajouter que « l’un des vides significatifs que nous avons est que la prévention, le diagnostic et le traitement de l’infertilité dans plusieurs pays et régions, y compris en Afrique, ne sont pas adéquats ».

« Le niveau de prévention, de diagnostic et de traitement que nous voyons est faible et dans plusieurs endroits, le traitement est disponible dans le secteur privé et pas vraiment disponible dans le secteur public », insiste-t-il.

Le rapport de l’OMS montre que dans de nombreux contextes aux ressources limitées, comme l’Afrique subsaharienne, l’infertilité est souvent négligée en raison de nombreux besoins de santé concurrents, ainsi que des taux de fécondité relativement élevés et des familles nombreuses.Des facteurs qui peuvent non seulement masquer l’infertilité dans les populations, mais qui peuvent aussi avoir eu pour effet de dissuader le financement public du traitement de l’infertilité

Pour Gitau Mburu, en plus d’accorder une priorité aux problèmes d’infertilisé dans les ministères de la Santé, « il ne faut pas stigmatiser l’infertilité parce que dans plusieurs endroits, elle est stigmatisée. Notre rapport indique le besoin de politiques et stratégies pour aider à prévenir, diagnostiquer et traiter l’infertilité ».

En outre, Léa Babone plaide pour le renforcement des mesures au niveau des programmes nationaux de la santé de la reproduction.