14/12/21

Pour une couverture sanitaire universelle pour tous en Afrique

Vaccination front page
Crédit image: NIAID

Lecture rapide

  • Onze millions d'Africains tombent chaque année dans la pauvreté en raison des frais de santé
  • Une population en bonne santé qui bénéficie de soins de qualité, c’est le gage d’économies plus fortes
  • Instaurer la CSU requiert un leadership, des financements et des mécanismes pour mesurer les progrès

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Samuel Roger Kamba, conseiller spécial en charge de la couverture sanitaire universelle auprès du  président Felix Antoine Tshisekedi de la RDC , démontre que la CSU et la vaccination, y compris contre la COVID-19, sont les moteurs de la reprise économique en Afrique.

Onze millions d’Africains tombent chaque année dans la pauvreté en raison des frais de santé élevés qu’ils doivent assumer. Les femmes et les enfants sont généralement les plus touchés et les premières victimes des carences des systèmes sanitaires.

Ajouté à cela, la pandémie de la COVID-19 et les faibles taux de vaccination sur le continent encouragent les mutations du virus et font des ravages sur les moyens de subsistance de millions d’Africains.

À l’occasion de la journée de la couverture sanitaire universelle (CSU), ce 12 décembre, force est de constater que l’accès à des soins de qualité demeure un enjeu majeur pour le continent et que des millions d’Africains n’ont pas accès aux services de santé dont ils ont besoin sans se heurter à des difficultés financières qui mettent leur existence en péril.

“L’Afrique a besoin d’un leadership fort de la part de ses dirigeants et des haut-responsables du secteur de la santé, ainsi que de stratégies claires sur le financement de la santé dans nos pays pour les 10 années à venir”

Samuel Roger Kamba

Nous sommes encore loin d’atteindre le taux de couverture de 80 % de la population en services de santé essentiels de base fixé par les Objectifs de Développement Durable (ODD) pour 2030.

Avant même l’apparition de la COVID-19, 53 % des Africains sondés par Afrobarometer déclaraient avoir manqué de soins nécessaires au moins une fois au cours de l’année passée.

Il est donc essentiel que nous assurions un accès aux soins de santé primaires de qualité, tels que la vaccination et la protection maternelle et infantile, pour réduire ces inégalités.

C’est le seul moyen d’offrir à tous les Africains une base solide pour reconstruire les économies dévastées par la COVID-19.

La vaccination est la seule intervention qui mette la majorité des ménages en contact avec les systèmes de santé cinq fois ou plus au cours de la première année de vie d’un enfant.

Engagement communautaire

En mettant en place l’infrastructure de prestation de services, les chaînes d’approvisionnement, les systèmes de collecte de données et l’engagement communautaire nécessaires à la vaccination, nous pouvons créer une plateforme à travers laquelle d’autres services de soins de santé primaires peuvent être fournis.

Cela fonctionne également dans l’autre sens : l’accès à d’autres services de base peut conduire à l’accès à la vaccination. C’est pourquoi, grâce à la collaboration entre les secteurs et à de nouveaux partenariats, nous pouvons tirer parti de tous nos atouts pour offrir à nos populations tout ce dont elles ont besoin pour mener une vie saine et réussie – de l’éducation à l’eau potable en passant par la vaccination.

Selon la Banque africaine de développement (BAD), l’Afrique aura besoin de 26 milliards de dollars d’investissements annuels pour répondre à l’évolution des besoins en matière de santé au cours de la prochaine décennie.

C’est bien peu comparé au coût de l’inaction et ses conséquences sur les économies des pays du continent. Avant même la pandémie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait déjà que les maladies coûtaient près de 630 millions d’années de vie active chaque année en Afrique, ce qui représente un coût économique de plus de 2,4 billions de dollars internationaux[1], selon un article publié par l’OMS

Une population en bonne santé qui bénéficie depuis l’enfance de soins de qualité, c’est le gage d’économies plus fortes et plus prêtes à une reprise durable.À l’inverse, et on le voit aujourd’hui, des citoyens mal soignés et peu suivis représentent un risque accru pour le monde entier, comme on peut le constater avec les nouveaux variants de la COVID-19.

Des initiatives ont déjà été prises pour améliorer la santé de nos populations. La mise en place de régimes obligatoires d’assurance maladie a permis la couverture de 15 à 30 % de la population africaine.

En parallèle, les gouvernements africains ont également mené des réflexions autour de l’instauration de la CSU, permettant de garantir une plus grande dispersion du « risque santé » et d’assurer un financement plus équitable et pérenne de la santé en Afrique.

Il y a trois axes clés pour avancer la mise en place de la CSU à travers le continent et contribuer à une reprise économique inclusive et durable : un leadership fort, des financements publics, et des mécanismes pour mesurer les progrès et améliorer les politiques.

L’Afrique a besoin d’un leadership fort de la part de ses dirigeants et des haut-responsables du secteur de la santé, ainsi que de stratégies claires sur le financement de la santé dans nos pays pour les 10 années à venir.

Leadership fort

Ce leadership fort et déterminé sur la CSU est essentiel pour montrer les engagements fermes qui sont pris en faveur des populations africaines et la volonté de les voir exécutés au niveau des pays.

La République Démocratique du Congo, sous l’impulsion du président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, s’est engagée dans cette voie en mettant en place le Conseil national de la couverture santé universelle le 1er juin 2021 et en adoptant le plan stratégique national de la CSU pour orienter et poser les jalons de l’instauration d’une CSU.

Ce plan est la démonstration du besoin d’une vision à long terme pour assurer au peuple congolais ce droit fondamental qu’est la santé.

En sa qualité de président en exercice de l’Union africaine, le président Tshisekedi a aussi indiqué qu’il fallait inscrire la CSU parmi les priorités du continent en matière de santé.

Le deuxième obstacle à l’implémentation de la CSU reste le manque de financements publics. Sur le continent, rares sont les pays qui respectent l’engagement pris lors de la Déclaration d’Abuja de consacrer 15 % de leur budget au secteur de la santé.

Dépendance

Cette situation crée une forte dépendance du secteur vis-à-vis de l’aide internationale. Alors qu’un secteur de la santé financé par des fonds publics nationaux est le meilleur moyen de réduire les inégalités sociales, à l’inverse, la stagnation et la limitation des dépenses publiques nationales sont largement dommageables pour les populations qui se trouvent ainsi contraintes de payer des sommes importantes pour être soignées.

Finalement, les progrès vers la CSU doivent être mesurés par les taux de prise en charge des principaux soins ou prestations et par la protection contre les difficultés financières.

Chaque pays d’Afrique a son propre contexte, mais pour permettre à tous de comparer et apprendre des uns et des autres, nous devons mettre en place des mécanismes pour mesurer et évaluer efficacement les progrès et les résultats en termes de CSU.

Nous devrons effectuer un suivi des financements, des services aux patients, de l’équité à l’accès, de l’état de préparation ainsi que de la gouvernance.

Nous devrons nous mettre dans une posture d’apprenant, avec la flexibilité de prendre les meilleures pratiques et les partager plus largement à travers le continent.

“Il est intolérable que la maladie soit encore synonyme de ruine financière. Les services de santé ne doivent pas seulement bénéficier à ceux qui peuvent les payer”

Samuel Roger Kamba

Des initiatives comme la deuxième conférence panafricaine sur la CSU qui se tiendra à Kinshasa en janvier 2022 sont à saluer et à encourager.

Cette conférence réunira les principaux acteurs du continent pour partager les meilleures pratiques et réfléchir aux politiques les plus adaptées à ce contexte particulier que nous vivons.

Il est intolérable que la maladie soit encore synonyme de ruine financière. Les services de santé ne doivent pas seulement bénéficier à ceux qui peuvent les payer.

Pour atteindre les objectifs de la CSU, il faut assurer pour tous une qualité de services de santé pour améliorer la santé de ceux qui les reçoivent.Cela passe bien sûr par la vaccination contre la COVID-19 mais aussi contre toutes les autres maladies que l’on peut prévenir par les vaccins.

Cela ne pourra se faire qu’en s’appuyant sur de solides systèmes de santé et de surveillance des maladies. Plus que jamais, il est nécessaire d’instaurer la CSU à travers un leadership fort et déterminé, des investissements de taille, et des mécanismes d’évaluation et d’amélioration dans chaque pays d’Afrique.

La reprise économique en dépend, des millions de vie dans le monde entier en dépendent. Dans ce contexte, ces plans d’actions et 26 milliards de dollars par an paraissent bien peu au vu des retours attendus.

Références

[1] Les dollars internationaux sont une unité monétaire hypothétique ayant le même pouvoir d’achat que le dollar américain aux États-Unis.