24/10/22

COP 27 : Les agriculteurs du sud attendent des actions concrètes sur l’adaptation

Irrigation canal in Egypt_main
Deux hommes inspectent un canal d’irrigation au Caire, en Egypte. Les agriculteurs d’Afrique et du Moyen-Orient n’ont pas accès aux ressources dont ils ont besoin pour s’adapter au changement climatique. Crédit image: Hamish John Appleby (IWMI) (CC BY-NC-ND 2.0). Cette image a été rognée.

Lecture rapide

  • Les agriculteurs du Moyen-Orient et d’Afrique n’ont pas accès aux ressources qu’il leur faut pour s’adapter
  • Le financement et les systèmes d’alerte pour les phénomènes météorologiques extrêmes sont cruciaux
  • Mais les leaders climatiques ont des doutes concernant les intentions des pays riches

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Selon des dirigeants de l’Alliance des pays en développement, des doutes planent sur les intentions des pays riches concernant la question du changement climatique.

[LE CAIRE] Rabie Abu Hashem avait bon espoir de faire une belle récolte d’olives au mois d’août. Il comptait gagner suffisamment d’argent pour rembourser une partie de ses dettes et se trouver dans une bonne position financière au début de la prochaine saison. Mais la récolte a été décevante.

Abu Hashem explique que l’évolution du climat dans la région égyptienne du Sinaï Sud a entraîné des chutes de productivité sans précédent allant jusqu’à 60 % dans son oliveraie.

Abu Hashem et d’autres agriculteurs comme lui à travers l’Afrique et le Moyen-Orient n’ont pas les moyens de faire face à ces changements. Ils mettent tous leurs espoirs dans le sommet COP27 sur le changement climatique de cette année (qui se déroulera en Egypte et a été baptisée «la COP de l’Afrique») pour obtenir des pays riches le soutien financier nécessaire afin de permettre au secteur agricole de continuer à produire de la nourriture sur une planète où il fera plus chaud.

“Il y a un écart au niveau du financement. Quand on regarde la scène du climat de façon globale, on peut voir que le monde développé est privilégié, alors que les pays en développement ont des besoins plus que pressants”

Rania Al-Mashat, ministre égyptien de la coopération

Les leaders climatiques des pays du sud affirment avoir un besoin urgent de soutien pour mettre en œuvre des mesures d’adaptation et d’atténuation face au changement climatique.

Au nombre des principales priorités, on compte de nouvelles variétés de cultures et de bétail résistantes à la chaleur et à la sécheresse, de même que des stratégies de défense et des systèmes d’alerte précoce pour les inondations, les ouragans et autres phénomènes météorologiques extrêmes.

Adaptation, atténuation, dédommagement

En signant l’accord de Paris de 2015, les pays les plus riches du monde se sont engagés à investir 100 milliards de dollars par an au titre du financement international de la lutte contre le changement climatique, et à allouer au moins la moitié de cette somme a des programmes d’adaptation au changement climatique. Cependant, selon les leaders des pays du Sud, ces promesses n’ont pas abouti à des actions concrètes.

Des pays à revenu faible et intermédiaire du Moyen-Orient œuvrent actuellement à l’élaboration d’un programme commun pour obtenir ce financement destiné à faire face au changement climatique qui fait tant défaut.

Hassan Aboelnaga, directeur exécutif du Réseau arabe pour le développement durable, explique que, si on fait exception des riches pays du Golfe, producteurs de combustibles fossiles, les priorités des communautés du Moyen-Orient sont alignées avec celles du Groupe des 77 (G77), une coalition de 134 pays en développement plus la Chine, dont l’objectif est de promouvoir les intérêts économiques collectifs de ses membres et de renforcer leur pouvoir de négociation aux Nations Unies.

Le Pakistan, récemment durement touché par des inondations, préside le G77 + Chine depuis janvier dernier et aura plus que jamais à cœur de mieux faire entendre la voix des pays en développement lorsqu’il s’agit de demander des financements pour faire face au changement climatique et un remboursement pour les dégâts irréversibles déjà causés (autrement dit des paiements pour pertes et dommages).

L’Union africaine a publié son premier Plan d’action et stratégie sur le changement climatique et le développement résistant aux changements pour la décennie à venir. Les 55 pays membres de l’Union africaine représentent plus de 1,2 milliard d’âmes et constituent la onzième économie mondiale.

Le plan d’action vise à renforcer la capacité d’adaptation des communautés touchées par le changement climatique et à poursuivre un développement à faible émission.

Lors d’une réunion au mois de septembre avant la 27è Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27), les membres de l’Union africaine ont indiqué avoir besoin de sommes allant jusqu’à 50 milliards de dollars par an pour faire face à une augmentation de température de 1,5 degré et jusqu’à 60 milliards de dollars par an pour une augmentation de moins de 2 degrés.

Le ministre égyptien des finances, Mohamed Maait a précisé qu’entre 3 et 9% des budgets des pays étaient alloués à l’atténuation des effets du changements climatique. Il s’agit là d’un fardeau énorme dans le contexte de la relance suite à la COVID-19 et de la crise persistante des prix alimentaires.

Joindre le geste à la parole

Si les demandes de ces pays sont fondées sur des travaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) – des preuves scientifiques montrent déjà qu’au Moyen-Orient et en Afrique, les températures ont augmenté à un rythme deux fois supérieur à la moyenne mondiale.

Les positions des Etats du Golfe sont, elles, plus en alignement avec celles du Groupe des vingt (G20), un forum intergouvernemental réunissant 19 des plus grandes économies du monde et l’Union européenne.

«Les Etats du Golfe prendront soin d’éviter tout engagement qui aura un impact négatif au niveau de leur production de pétrole et de gaz» affirme Ahmed Kandil, chef du programme de sécurité énergétique au Centre Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques, dans un entretien avec SciDev.Net.

Il ajoute que : «Ils présenteront leurs programmes pour atteindre la neutralité carbone en encourageant le recours aux nouvelles technologies. »

Ahmed Kandil précise qu’il a des doutes concernant la viabilité des technologies proposées, telles que la capture et le stockage du carbone ou encore l’hydrogène dite «verte».

Ecart

Lors de la réunion de septembre du Forum économique mondial sur l’impact du développement durable, où la COP27 était au centre des discussions, le ministre égyptien de la coopération, Rania Al-Mashat a lancé un appel pour que les engagements des pays riches concernant le changement climatique se traduisent par des actes.

Selon le ministre, «il y a un écart au niveau du financement. Quand on regarde la scène du climat de façon globale, on peut voir que le monde développé est privilégié, alors que les pays en développement ont des besoins plus que pressants.»

Il a précisé que «l’Egypte a tenté au cours des derniers mois de préparer le terrain pour déterminer comment des pays différents peuvent concrètement avancer vers des projets réalisables.»

Magdy Allam a un point de vue plus pessimiste concernant les chances de succès dans ce domaine à la COP27. Le secrétaire général de l’Union des experts arabes de l’environnement a déclaré à SciDev.Net que l’invasion russe de l’Ukraine fera obstacle aux efforts des pays en développement pour d’obtenir des financements soutenant des projets d’adaptation au changement climatique ou encore des engagements de la part des pays riches de progressivement abandonner les combustibles fossiles.

Pour lui, «la guerre a provoqué une crise économique catastrophique et a entraîné des problèmes d’approvisionnement énergétique [au niveau des combustibles fossiles].»

Il ajoute que «je ne pense pas que la COP27 va réussir à remporter un succès que ce soit par un soutien pour la tendance vers un abandon progressif du charbon ou en mobilisant des fonds considérables pour atténuer l’impact du changement climatique qui seraient en mesure de franchir le pas de l’engagement à la mise en œuvre.»

Un avis partagé par Hassan Aboelnaga, pour qui l’absence annoncée du nouveau souverain du Royaume-Uni, vu comme un ardent partisan de l’action sur le changement climatique, a déçu certains, tandis que le président américain, Joe Biden, a fait pression sur les pays exportateurs de pétrole, membres de l’OPEP+, pour qu’ils augmentent leur production de pétrole afin de garantir une offre abondante et des prix bas.

Hassan Aboelnaga note que «l’OPEP+ a annoncé le 5 octobre qu’elle diminuerait la production de pétrole de deux millions de barils par jour, soit 2 % de l’offre mondiale de pétrole. Néanmoins, l’insistance américaine montre bien que la crise énergétique contribuera peut-être à la marginalisation des questions environnementales à la COP27. »

Cet article fait partie de notre Gros Plan sur «La COP de la crise pour l’Afrique».

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net..