22/02/23

RDC : Le Sud-Kivu peine à se débarrasser d’une épidémie de peste des petits ruminants

Sheep
La peste des petits ruminants représente une menace pour l'économie et la sécurité alimentaire de familles rurales. Crédit image: minka2507 de Pixabay

Lecture rapide

  • Des centaines de chèvres et de moutons ont déjà été tués depuis septembre 2022
  • C’est la deuxième fois que cette maladie virale touche la province du Sud-Kivu après celle de 2017
  • Les experts recommandent la vaccination des animaux et une limitation des mouvements des animaux

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[BUKAVU] Plusieurs localités du Sud-Kivu en République démocratique du Congo (RDC) sont en proie à une épidémie de peste des petits ruminants. Depuis l’apparition de la maladie au mois de septembre 2022, des centaines de petits ruminants (chèvres, moutons…) ont été tués, selon des estimations de la Division provinciale de pêche et élevage du Sud-Kivu.

Dans les villages touchés, la situation préoccupe les éleveurs. « J’ai constaté que deux de mes chèvres avaient la diarrhée. Je ne savais pas de quoi il s’agissait », raconte Justin Aganze, éleveur dans la localité de Kalehe qui est la plus touchée.

« Après quelques jours, les deux sont mortes. Huit autres ont commencé à présenter des symptômes similaires et sont aussi mortes. Actuellement, je crains pour les autres qui ne sont pas encore malades. L’élevage est mon activité principale pour subvenir aux besoins de ma famille », déplore l’éleveur.

“Il faut des lois qui contrôlent le mouvement des animaux à l’intérieur du pays mais aussi entre les pays. Mais au niveau des zones où la maladie est déclarée, il faut des méthodes qui consistent à abattre tous les animaux malades”

Rodrigue Ayagirwe, université évangélique en Afrique (UEA), Bukavu

Pour Léonard, son voisin et éleveur depuis plusieurs années, c’est la première fois que ses chèvres sont atteintes par cette maladie.  « J’avais 30 chèvres. Aujourd’hui il n’en reste plus que 12 à cause de cette maladie. La chèvre présente des signes de tremblements et après, elle meurt », dit-il.

« La chèvre est considérée comme la vache des pauvres. Et quand un paysan qui avait autant de chèvres voit comment il est en train de les perdre, c’est vraiment un impact négatif sur l’économie de ce ménage et sur sa sécurité alimentaire », fait savoir Rodrigue Ayagirwe, enseignant en production animale et doyen de la faculté des Sciences agronomiques de l’université évangélique en Afrique (UEA) de Bukavu.

Pour limiter la propagation de la maladie, une première phase de vaccination du petit bétail encore non infecté s’est tenue au mois de janvier dernier. Pendant dix jours, près de 15 000 bêtes ont été vaccinées.

Une deuxième phase de vaccination a débuté le 13 février. Elle concerne la localité de Mwenga jusqu’ici épargnée par la maladie.

C’est la deuxième fois que la peste des petits ruminants se déclare dans le Sud-Kivu. En 2017, elle avait décimé près de 80% du cheptel, d’après la Division provinciale de pêche et élevage.

En effet, la peste des petits ruminants, est une maladie qui se caractérise par une forte mortalité, explique Edouard Ndiyo Bahogwerhe, vétérinaire en service à la Division provinciale de pêche et élevage du Sud-Kivu.

« Pour les animaux qui en sont atteints, on peut arriver à plus de 50% de mortalité. Pour les éleveurs, c’est une maladie à craindre car quand vous perdez plus de 50% de votre cheptel, c’est vraiment inquiétant », soutient-il.

Pour Rodrigue Ayagirwe, cette résurgence s’explique entre autres par l’importation des animaux des autres provinces et des pays voisins.

L’universitaire estime aussi que des recherches « poussées » doivent être entreprises, car « il y a des animaux qui tombent malades, il y en a qui vont mourir, d’autres vont survivre si on fait un traitement symptomatique », déclare-t-il.

« L’épidémie peut passer, mais en passant, il y a toujours ce qu’on appelle des réservoirs à virus. Les réservoirs à virus sont soit les animaux sauvages, soit d’autres animaux qui sont tolérants, c’est-à-dire qu’ils ne développent pas la maladie mais ils gardent le virus et une fois en contact avec un animal fragile, la maladie peut encore surgir », explique –t-il.

Mouvements des animaux

La peste des petits ruminants est une maladie causée par un virus proche de la rougeole chez l’homme et de la peste bovine. Elle se caractérise notamment par la fièvre, des difficultés respiratoires, des écoulements nasaux, la diarrhée, la toux, des lésions au niveau de la bouche.

Elle se transmet généralement d’un animal à l’autre par les gouttelettes propagées en l’air lorsque des animaux infectés toussent ou éternuent.


A en croire l’universitaire Rodrigue Ayagirwe, sa période d’incubation est de 3 à 6 jours et au bout d’une semaine, les signes sont visibles chez l’animal. Toutefois, il souligne qu’il faut une confirmation auprès d’un laboratoire « parce qu’il y a d’autres maladies virales qui se caractérisent par des symptômes similaires ».

Il rappelle aussi que le traitement de cette pathologie est plus préventif que curatif comme pour la plupart des maladies virales.

Pour ce dernier, « il faut des lois qui contrôlent le mouvement des animaux à l’intérieur du pays mais aussi entre les pays. Mais au niveau des zones où la maladie est déclarée, il faut des méthodes qui consistent à abattre tous les animaux malades ».

« L’autre méthode, c’est la quarantaine pour réduire la progression de la contamination. Mais la méthode la plus courante actuellement, c’est la vaccination des animaux », conclut-il.

Pascal Isango, chef de bureau chargé de l’élevage à la Division de pêche et élevage, explique d’ailleurs que la propagation de la maladie est due à « l’absence d’une vaccination systématique couvrant toutes les provinces du pays ».Pour l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la vaccination est un outil clé pour contrôler et éradiquer la peste des petits ruminants dans les pays où elle est endémique.

Outre la vaccination, la Stratégie mondiale de l’Organisation qui vise l’éradication de la peste des petits ruminants à l’horizon 2030, propose de commencer par contrôler la maladie dans les zones très endémiques, puis de consolider ces efforts de contrôle là où un faible niveau endémique a été atteint et où l’éradication est faisable ou déjà effective.