13/10/23

L’élevage bovin sous la menace du stress thermique

Catle farming
Le réchauffement climatique pourrait réduire la rentabilité de l'élévage bovin. Crédit image: greg westfall. (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Plus d’un milliard de vaches pourraient être touchées par le stress thermique d’ici la fin du siècle
  • Cette situation aura un impact sur la productivité de ces animaux et sur la rentabilité des exploitations
  • Les chercheurs recommandent l’élevage de races de bovins ayant une plus grande tolérance à la chaleur

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[BUKAVU] Plus d’un milliard de vaches dans le monde souffriront de stress thermique d’ici la fin du siècle à cause des perturbations climatiques, selon une nouvelle récente étude publiée dans la revue Environmental Research Letters.

Le stress thermique est un « processus consistant à essayer de maintenir la température corporelle alors qu’il devient de plus en plus difficile de le faire », explique la vétérinaire Michelle North, co-auteur de l’étude et chercheure à l’université de KwaZulu-Natal en Afrique du Sud.

L’étude précise que ce stress thermique potentiellement mortel toucherait le cheptel bovin notamment en Amérique centrale, en Amérique du Sud tropicale, en Afrique équatoriale, ainsi qu’en Asie du Sud et du Sud-Est.

“Il faut que l’animal se retrouve dans une zone de confort thermique, là où il ne ressent ni chaud, ni froid. Mais s’il doit déjà subir ou effectuer des mécanismes d’adaptation pour lutter contre l’excès de chaleur, c’est de l’énergie dépensée et ça impacte sur la productivité de l’animal”

Rodrigue Ayagirwe, Université évangélique en Afrique, RDC

Michelle North explique qu’avec un changement climatique incontrôlé, il fait plus chaud partout, « et donc de plus en plus d’endroits seront si chauds que le bétail en souffrira ».

La vétérinaire poursuit en relevant qu’avec l’expansion de l’élevage bovin, le nombre total de vaches dans le monde augmentera.

« Cette augmentation du nombre de vaches, en plus de l’augmentation générale de la chaleur, signifie que beaucoup plus de vaches seront soumises à des conditions de stress thermique. Plus d’un milliard de vaches de plus que le nombre de vaches qui subissent déjà un stress thermique aujourd’hui », soutient-elle.

Pour parvenir aux conclusions de leur étude, les chercheurs ont d’abord déterminé quel niveau de chaleur est mauvais pour les vaches, sur la base de nombreuses études scientifiques réalisées partout dans le monde.

« Comme tous les mammifères, les bovins régulent activement leur température corporelle. Lorsqu’il fait chaud, ils disposent de mécanismes spécifiques pour éviter la surchauffe, par exemple en transpirant ou en buvant de l’eau fraîche ou en se tenant à l’ombre ou dans un endroit exposé à la brise », explique Michelle North.

A l’en croire, une humidité élevée réduit la quantité de chaleur que les bovins peuvent perdre par la transpiration, rend la transpiration moins efficace et par conséquent, « ils arriveront au point où ils ne pourront plus maintenir leur température corporelle dans ses plages critiques », affirme-t-elle.

Echanges thermiques

Rodrigue Ayagirwe, enseignant en production animale et doyen de la Faculté des sciences agronomiques de l’Université évangélique en Afrique en République démocratique du Congo (RDC), affirme que l’élévation de la température favorise toujours des échanges thermiques entre l’animal et son environnement.

« Sachant que le bovin est homéotherme, sa température doit être constante pour une meilleure productivité de l’animal. Il faut que l’animal se retrouve dans une zone de confort thermique, là où il ne ressent ni chaud, ni froid. Mais s’il doit déjà subir ou effectuer des mécanismes d’adaptation pour lutter contre l’excès de chaleur, c’est de l’énergie dépensée et ça impacte sur la productivité de l’animal », déclare-t-il.

« Quand la température de l’environnement augmente, l’animal, pour s’adapter, réduit sa consommation alimentaire parce que la consommation alimentaire est aussi réputée comme étant à l’origine de l’augmentation de la chaleur interne de l’animal », explique Rodrigue Ayagirwe.

Cette situation contraint le corps de l’animal à travailler dur pour se débarrasser de l’excès de chaleur, « ce qui a des effets néfastes sur les autres processus corporels, comme la digestion des aliments, la fertilité/grossesse, la croissance, la production de lait, etc. », relèvent les auteurs de l’étude.

« En fin de compte, ces animaux peuvent mourir si le stress thermique devient trop important. Tous ces facteurs ont un impact sur la viabilité de l’élevage, réduisant le bien-être des animaux et les revenus des exploitations », ajoutent-ils.

Sélectionner les animaux

Selon Josué Aruna, président de la société civile environnementale en RDC, cette étude est une véritable alerte, car, affirme ce dernier, une partie de l’Afrique comme le Kenya et l’Ethiopie étaient des zones de haute valeur en termes d’élevage.

« Mais vu que l’environnement n’a pas été bien géré et qu’il y a la poussée du désert vers la partie orientale de l’Afrique, on a constaté qu’il y a eu cette pression liée au stress hydrique et thermique. Cela a provoqué la disparition du couvert végétal et du coup, la faible capacité du sol de générer des produits utiles aux bétails », précise-t-il.

Pour pallier ce problème, les scientifiques recommandent aux éleveurs de bétail de sélectionner des animaux qui ont une plus grande tolérance à la chaleur, des animaux qui grandissent, produisent bien et sont fertiles, même dans des conditions chaudes.

« Ils peuvent sélectionner en fonction de la race ou du type, de la forme du corps, de la couleur du pelage, etc., ou simplement en fonction des familles qui semblent peut-être mieux adaptées aux conditions locales », suggère Michelle North.

La chercheure appelle également les gouvernements à agir pour réduire le changement climatique, à abandonner les combustibles fossiles pour se tourner vers les sources d’énergies renouvelables ; mais aussi à réduire la déforestation et à accroître la protection des zones naturelles qui contribuent à amortir les effets du changement climatique.