09/09/10

Sécurité de l’eau et changements climatiques : comment la science peut aider ?

Les stratégies pour faire face aux pénuries d'eau doivent être adaptées aux conditions locales Crédit image: Flickr/Curt Carnemark/World Bank

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Les décideurs ont besoin de meilleures informations sur l’impact régional qu’auront les changements climatiques sur les approvisionnements en eau, et sur les stratégies d’adaptation possibles.

Pendant des siècles, la production alimentaire — et de ce fait, le développement social — a reposé en grande partie sur l’accès à l’eau, ressource nécessaire pour cultiver ou élever le bétail. Disposer de suffisamment d’eau ne représente, toutefois, qu’une partie d’un problème plus vaste : il s’agit, en effet, d’avoir de l’eau à l’endroit et au moment où on en a le plus besoin.

Or, ces dernières décennies, l’équilibre fragile entre les approvisionnements en eau et les besoins humains est de plus en plus menacé par la croissance démographique, l’urbanisation et, plus récemment par les changements climatiques.

On estime que l’une des plus grandes conséquences de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère sera l’augmentation considérable dans la variabilité des précipitations et dans la fréquence et l’intensité des événements extrêmes, comme les sécheresses ou les inondations. Les changements climatiques sont largement considérés comme un facteur important ayant contribué aux inondations dévastatrices au Pakistan, par exemple, ainsi qu’aux récentes coulées de boue en Chine et aux feux de forêts en Russie.

L’augmentation probable dans la variabilité des précipitations pourrait avoir des effets tout aussi dévastateurs, quoique moins immédiatement visibles, sur la production alimentaire et les moyens de subsistance en milieu rural. Même une courte période de sécheresse au cours de la saison des récoltes peut dévaster les ressources alimentaires dans certaines régions de l’Afrique, où les agriculteurs dépendent presque entièrement des pluies pour irriguer leurs cultures.

Si dans ces régions les décideurs politiques nationaux et les communautés locales ne peuvent de manière appropriée anticiper, se préparer et s’adapter à de telles pénuries, le résultat pourrait être la famine pour des millions de personnes.

S’Adapter à la variabilité

Cette semaine, nous consacrons un dossier spécial à ces questions avec une série d’articles examinant les liens entre les changements climatiques et la sécurité de l’eau, mettant en évidence les lacunes dans nos connaissances, et fournissant des conseils aux décideurs.

La tâche qui incombe aux scientifiques et aux technologues consiste à fournir des outils robustes permettant de prédire et de prévoir les pénuries régionales et locales. Il leur faut aussi s’assurer que ces outils soient appropriés pour les contextes dans lesquelles ils seront utilisés.

Un article de fond résume les questions clés, passant en revue les différentes façons dont les changements climatiques devraient affecter la sécurité de l’eau, et décrivant les différentes stratégies de gestion de l’eau — qu’elles soient techniques ou sociales — pour les atténuer.

Un obstacle majeur à la mise en œuvre de telles stratégies dans les communautés locales du monde en développement, selon le chercheur en climatologie Mark New de l’Université d’Oxford, est l’incertitude avec laquelle nous pouvons prédire les changements au niveau régional ou local. La solution, suggère-t-il, consiste à s’assurer que les projets de gestion de l’eau ont suffisamment de souplesse et d’options intégrées pour faire face à de grandes variations de l’approvisionnement en eau.

Richard Taylor, un hydrogéologue auprès de l’University College de Londres, fait écho à la préoccupation de New quant à l’inexactitude des prédictions. Il fait valoir que les méthodes actuelles d’évaluation de la pénurie de l’eau en Afrique, en particulier, ne sont pas adaptées aux réalités locales, et prône la mise en place d’un nouvel indicateur sachant mieux aider les décideurs à prévoir les changements à venir.

Pour Matthew McCartney, un hydrologue à l’Institut international de Gestion de l’Eau (IWMI), à Addis-Abeba, en Ethiopie, le plus grand défi auquel sont confrontés les plus pauvres du monde en développement réside dans leur capacité à gérer la variabilité des précipitations.

Le stockage de l’eau peut se révéler utile, dit-il, à condition d’être adapté aux contextes locaux. Il appelle à une recherche plus poussée sur l’évaluation de l’efficacité des différentes options de stockage de l’eau.

David Molden de l’IWMI, à Colombo, au Sri Lanka, met également en évidence les avantages potentiels du stockage approprié de l’eau — mais en soulignant que ce n’est là qu’une des possibilités parmi un large éventail de solutions à petite échelle adaptées aux besoins des agriculteurs locaux. Ces solutions, dit-il, sont capitales pour l’amélioration de la sécurité de l’eau et l’augmentation de la productivité, en dépit des changements climatiques.

Une illustration de la façon dont cet objectif est atteint dans la pratique est proposée par Aisling Irwin et Aditya Ghosh dans un article de fond sur le recours croissant aux techniques de ‘récupération des eaux de pluie’. Irwin met en évidence un programme de captage sur le toit au Sri Lanka, où 35.000 systèmes ont été installés depuis 1995, et examine quels sont les facteurs qui déterminent la réussite ou l’échec de telles initiatives.

Des informations fiables

Ensembles, ces articles mettent en lumière deux questions essentielles qui doivent être abordées si l’on espère doter les pauvres du monde des outils nécessaires pour relever les défis futurs auxquels sera confrontée la production alimentaire.

D’abord, d’importants efforts sont nécessaires pour améliorer la précision régionale des prédictions quant à l’impact des changements climatiques sur les approvisionnements en eau. Une telle démarche est essentiel pour renforcer la confiance que les décideurs accordent aux prédictions au niveau local, afin de les convaincre de prendre les mesures nécessaires, souvent coûteuses, pour s’adapter aux pénuries d’eau — ou aux excédents — auxquels leurs communautés auront à faire face.

Ensuite, la technologie nécessaire pour répondre à ces menaces doit être conçue de manière à pouvoir prendre en compte les conditions et les capacités locales. Les communautés n’adopteront de nouvelles stratégies que si elles sont convaincues de leur réussite, et seulement si elles disposent à la fois des connaissances et des moyens pour mettre ces stratégies en application.

Une bonne communication scientifique est essentielle pour ces deux tâches. Les médias ont clairement un rôle clé à jouer dans l’interprétation des travaux des chercheurs en climatologie, afin de les disséminer dans un langage que les décideurs régionaux et les communautés locales peuvent comprendre, leur permettant ainsi de voir la pertinence des conclusions des scientifiques.

De même, les journalistes et les autres communicateurs scientifiques ont un deuxième tâche toute aussi importante : fournir à la fois des informations fiables et des commentaires éclairés, contribuant ainsi à amener les communautés locales à prendre elles-mêmes les mesures techniques, sociales et politiques nécessaires pour réduire au maximum les perturbations de la production alimentaire.

David Dickson
Directeur, SciDev.Net