28/02/23

Quelles solutions pour accélérer la production de vaccins en Afrique ?

covax-vaccine
Un médecin se prépare à administrer une dose de vaccin contre la COVID-19. Crédit image: AMISOM Photo/Mokhtar Mohamed, Public Domain

Lecture rapide

  • L'Afrique ne produit que 1% de ses vaccins de routine, d’où une dépendance excessive vis-à-vis des importations
  • Le continent manque actuellement d'infrastructures et de technologies pour produire localement des vaccins
  • Les accords d'achat anticipé pourraient constituer une solution

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Cet article a été produit avec le soutien de Global Health Strategies.

[LAGOS] La pandémie de la COVID-19 a mis en évidence l’importance des vaccins dans le contrôle des maladies infectieuses en Afrique subsaharienne et provoqué un regain d’intérêt pour la recherche et le développement de vaccins à travers le continent.

Pourtant, à l’heure actuelle, l’Afrique ne produit qu’un pour cent de ses vaccins de routine.

« L’Afrique doit renforcer cette capacité de produire des vaccins », déclare à SciDev.Net Ebere Okere, conseiller technique principal à l’Institut Tony Blair pour le changement global et conseiller principal honoraire en santé publique des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies.

Cette capacité insuffisante à produire des vaccins rend la région dépendante des importations pour ses besoins en vaccins et la rend vulnérable à une crise vaccinale lors des urgences sanitaires.

“Nous parlons de la vie de millions de personnes plutôt que de la rentabilité de quelques entreprises”

Cyril Ramaphosa, chef de l’Etat sud-africian

La pandémie de la COVID-19 a déclenché des discussions entre les dirigeants mondiaux, les chercheurs et les scientifiques sur des sujets allant de la recherche et de l’innovation à la fabrication de vaccins et même la politique de production de vaccins.

Pourtant, en novembre 2022, les dirigeants d’Afrique et d’Europe se sont trouvés à couteaux tirés lors d’une réunion à Bruxelles, en Belgique, sur la manière dont l’Afrique pourrait commencer à développer et à fabriquer des vaccins vitaux.

Au cœur du malentendu se trouvaient les lucratifs droits de propriété intellectuelle. L’Union européenne (UE) avait proposé d’aider l’Afrique à construire des usines de fabrication de vaccins, mais avait refusé de renoncer aux droits de propriété intellectuelle qui donneraient aux Africains le droit de dupliquer les vaccins et d’accélérer leur production.

Immoral

De leur côté, les dirigeants africains avaient fait valoir qu’en pleine troisième année de pandémie, il était immoral de refuser les droits de propriété intellectuelle, alors que cela impliquait que les Africains auraient un accès inégal aux vaccins vitaux contre la COVID-19.

« Nous parlons de la vie de millions de personnes plutôt que de la rentabilité de quelques entreprises », avait alors déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa lors d’une conférence de presse.

Alors que les dirigeants n’étaient pas parvenus à s’entendre lors du sommet de février 2022, certaines concessions ont été faites.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne – l’organe exécutif de l’UE – a déclaré que le bloc serait ouvert à davantage de discussions autour de la dérogation. Discussions qui seraient dirigées par Ngozi Okonjo-Iweala, la directrice générale nigériane de l’Organisation mondiale du commerce.

Centres de vaccination

Ces pourparlers ont conduit à la création de centres de fabrication de vaccins au Sénégal, en Afrique du Sud, au Rwanda, en Algérie et au Nigeria – dont la plupart ne sont pas encore fonctionnels.

Ces hubs devraient utiliser la technologie vaccinale révolutionnaire qui sous-tend les vaccins à succès de Pfizer et de Moderna contre la COVID-19, connue sous le nom d’ARN messager (ARNm), pour répliquer les vaccins existants et stimuler la recherche pour la production de nouveaux. La technologie pourrait viser des maladies telles que la tuberculose, le paludisme et le sida.

Pourtant, Cyril Ramaphosa a insisté sur le fait que jusqu’à ce qu’il y ait une suppression des « barrières de propriété intellectuelle », « l’opérationnalisation complète du hub d’ARNm » sera entravée.

En novembre de l’année dernière, Gavi, l’Alliance du vaccin, âgée de 23 ans ; qui réunit les acteurs des secteurs public et privé pour créer un accès égal aux vaccins pour les enfants, a souligné dans un rapport que l’Afrique ne produisait que 0,1 % des vaccins mondiaux, bien qu’elle abrite 17 % de la population mondiale et 58 % des décès liés à des maladies évitables par la vaccination chez les enfants de moins de cinq ans.

2040

En avril 2021, la Commission de l’Union africaine et les Centres africains de contrôle des maladies se sont engagés à élaborer un cadre pour atteindre 60 % des vaccins de routine dont l’Afrique a besoin fabriqués localement d’ici 2040

« Nous dépendons trop d’un système mondial qui ne nous donne tout simplement pas la priorité, pour la fourniture de la plupart des technologies dont nous avons besoin pour notre système de santé », confie Ebere Okere à SciDev.Net.

« Ainsi, le travail qui est en cours de développement actuellement… ne résoudra pas seulement le problème de la pandémie actuelle, mais jettera les bases pour que nous ayons plus de résilience dans notre système », ajoute-t-il.

Elle indique que l’Afrique doit trouver un moyen d’engager et de convaincre les pays riches et l’industrie pharmaceutique d’accéder aux dérogations à la propriété intellectuelle.

Comme Cyril Ramaphosa l’a suggéré à Bruxelles, au cœur de la politique de recherche et de production de vaccins se trouvent les profits.

En termes simples, l’argent prime sur la vie. « Nous parlons de la vie de centaines de millions de personnes, plutôt que de la rentabilité de quelques entreprises », avait réitéré le président sud-africain en demandant que l’Afrique soit soutenue dans l’ouverture d’une voie durable vers la fabrication de vaccins.

Une solution, selon Deborah King, responsable de la recherche sur les vaccins chez Wellcome, consisterait en des accords d’achat anticipés, où les gouvernements accepteraient d’acheter un nombre spécifique de doses avant leur production.

Cela pourrait être, selon cette dernière, un moyen d’obtenir les financements nécessaires pour produire des vaccins sur le continent, tout en garantissant la rentabilité des fabricants.

Le groupe de conseil BCG, dans une note de recherche sur l’accélération de la fabrication de vaccins en Afrique, recommande également des accords d’achat anticipés.

Il ajoute que les fabricants africains devraient se concentrer sur les vaccins présentant des « contraintes d’approvisionnement élevées » et une « faible complexité de fabrication », tels que les vaccins contre le rotavirus et la méningite.

« Bien qu’il n’y ait pas de panacée pour les défis auxquels sont confrontés les fabricants de vaccins africains, un vaste écosystème de fabrication de vaccins est impératif », ajoute le cabinet de conseil.

« Il améliorera la sécurité de l’approvisionnement en vaccins, aidera à mieux lutter contre les maladies endémiques et contribuera à la préparation mondiale à la pandémie tout en stimulant le développement socio-économique du continent », dit-il.

La version originale de cet article a été produite par l’édition de langue anglaise de SciDev.Net pour l’Afrique subsaharienne.

Cet article a bénéficié du soutien de Global Health Strategies (GHS), une organisation qui utilise la communication et le plaidoyer pour aider à provoquer des changements profonds dans les domaines de la santé et du développement à travers le monde.