09/12/22

De micro-subventions pour des solutions d’adaptation au changement climatique

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Une femme s'occupant de ses plantes dans une ferme intelligente face au climat dans l'ouest du Kenya. Crédit image: C. Schubert, (CC BY-NC 2.0)

Lecture rapide

  • Les petites exploitations agricoles du Sud peinent à trouver du soutien face au réchauffement climatique
  • Le financement pour les chercheurs locaux en matière d’adaptation est «trop modeste et trop lent»
  • Un projet de micro-subventions représente un «point de départ» pour gérer ces deux obstacles.

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Cet article a bénéficié du soutien de l’Adaptation Research Alliance.

[NAIROBI] Lorsque des femmes dans un village kényan ont tenté de combattre la sécheresse, elles ont rapidement rencontré des difficultés. Elles n’avaient ni les fonds ni le savoir nécessaire pour construire un puits et lorsqu’elles ont contacté une ONG pour obtenir de l’aide, elles ont été découragées par les procédures bureaucratiques et les formulaires à remplir.

Peninah Awuor, responsable du groupement communautaire villageois du district de Siaya, à quelque 650 km à l’ouest de Nairobi, la capitale, explique que  «Les critères pour obtenir un financement étaient trop rigides. Nous n’étions même pas en mesure de remplir les formulaires, qui étaient trop techniques.»

Leur cas est un exemple parmi tant d’autres des barrières auxquelles font face de nombreux agriculteurs lorsqu’ils cherchent des solutions aux problèmes liés au changement climatique. Mais une initiative de financement lancée en Novembre à la conférence sur le climat de l’ONU (COP27) en Égypte vise à débloquer la situation en soutenant des mesures d’adaptation au climat dans les pays du Sud fondées sur la recherche et dirigées localement.

Bon nombre des cadres d’action en place pour combattre les problèmes des pays du Sud, dont le changement climatique, se révèlent inefficaces car ils ont été formulés par des individus qui ne sont pas en contact avec la réalité du terrain

Jeremiah Owiti, Centre pour la recherche indépendante, Kenya

L’initiative Micro-Subventions pour la Recherche-Action Locale a été conçue par l’ Adaptation Research Alliance (ou ARA), une coalition globale dont le but est de multiplier les travaux de recherche visant à avoir un impact sur l’adaptation au changement climatique.

Suzanne Carter est responsable à l’ARA des partenariats et de l’engagement avec la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, une ONG membre de la coalition de l’ARA qui soutient les réponses nationales et régionales au changement climatique à travers des politiques et des interventions fondées sur le savoir. Elle a expliqué à SciDev.Net que «le financement pour la recherche conduite par les organisations dans les pays du Sud est toujours très faible.»

Elle a ajouté que la direction des travaux devait être assurée par des personnes basées sur place et non par des chercheurs arrivés par avion de l’extérieur :

«Il y aura peut-être encore des rôles pour des chercheurs qui ne sont pas basés sur place dans le cadre du développement des capacités et des compétences mais le contexte local reste au premier plan du fait du changement de la dynamique de pouvoir vers un modèle où l’initiative vient plus du Sud.»

Selon l’ARA, ce programme vise à mettre en relation des groupes qui cherchent à aider des communautés diverses à s’adapter au changement climatique. En se focalisant sur la recherche qui a un impact, il espère fournir des preuves concernant des solutions d’adaptation en collaboration avec les personnes les plus touchées par le changement climatique, le tout avec une vitesse d’exécution qui répond aux demandes des climatologues.

Des subventions de £15,000 (soit US$18,200) auront pour but de s’attaquer à des problèmes mis en avant par des parties prenantes locales, et d’identifier et de rectifier les disparités de savoir du bas vers le haut.

Le but escompté est l’émergence d’un processus de recherche collaboratif qui tente d’identifier des réponses appropriées.

«De sérieuses lacunes»

Il faut des améliorations en matière d’adaptation au changement climatique car il y a des sérieuses lacunes au niveau des pratiques actuelles, aussi bien au niveau de leur nature que de leur portée, d’après le dernier rapport sur l’écart d’adaptation réalisé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement.

Ce document, intitulé “Trop peu, trop lent”, affirme que le processus d’adaptation ne progresse que marginalement, ne cherche généralement pas à gérer les risques futurs associés au changement climatique, et pourrait même aggraver des faiblesses existantes ou introduire de nouveaux risques (notamment pour les plus vulnérables) à travers des insuffisances au niveau de l’implication des parties prenantes et par un manque d’attention aux contextes locaux et aux dynamiques de pouvoir.

Selon le rapport, les flux financiers internationaux pour l’adaptation à destination des pays en développement représentent à peine un dixième des besoins estimés (ils pourraient atteindre US$160-340 milliards par an d’ici 2030 et US$315-565 milliards par an d’ici 2050).

Des progrès ont toutefois été réalisés lors de la rencontre internationale en Égypte : des contributions additionnelles d’un montant total de plus de US$230 millions ont été faites au Fonds d’adaptation établi en 2001 pour financer les programmes d’adaptation dans les pays en développement.

Les gouvernements sont aussi tombés d’accord lors du sommet pour développer un cadre afin de progresser vers l’Objectif mondial d’adaptation, dans le but d’accroître la résistance au changement climatique parmi les plus vulnérables. L’accord sera finalisé à la COP28 en 2023 et informera le premier «Bilan mondial», un processus d’une durée de deux ans destiné à évaluer la mise en œuvre de l’Accord de Paris (le traité international juridiquement contraignant sur le changement climatique adopté en 2015).

Les initiatives telles que les micro-subventions de l’ARA pour la recherche sont vues seulement comme un point de départ dans la lutte contre un problème qui nécessite des interventions à tous les niveaux. Les subventions ont pour objectif d’aider à identifier des questions urgentes qui confrontent les communautés et d’entamer le processus de formulation conjointe de solutions.

Suzanne Carter précise que «La montant de ces subventions est modeste et elles ont donc uniquement pour but d’entamer le processus», ajoutant qu’ «Une question brûlante qui a été identifiée nécessitera peut-être une intervention d’une durée beaucoup plus longue pour obtenir une réponse.» Suzanne Carter qui conclut que «Du fait qu’on rassemble toutes les parties prenantes, il y a une base solide à partir de laquelle on peut construire quelque chose et faire des dossiers pour obtenir d’autres subventions : cela pourrait être ou du financement pour le changement climatique ou une aide au développement, en fonction des circonstances.»

Succès enregistrés

Pour Bruce Currie-Alder, responsable de programme d’adaptation climatique au sein du Centre de recherches pour le développement international du Canada (CRDI), le modèle de l’ARA constitue «la prochaine étape en matière de recherche sur l’adaptation, marquant une évolution vers la mise en œuvre et établissant un lien avec les besoins concrets et les demandes de conseil, de savoir et d’inspiration sur la question de savoir comment bien vivre avec un climat qui évolue.»

Il a noté que de nombreux succès ont été enregistrés suite à des collaborations radicales suivant le «principe de la recherche focalisée sur l’impact» préconisé par l’ARA.  Il cite à titre d’exemple la Collaborative Adaptation Research Initiative in Africa (CARIAA), à laquelle ont participé plus de 450 personnes représentant plus de 40 organisations dans 15 pays africains.

Bruce Currie-Alder précise que «En moins de quatre ans, le CRDI a contribué collectivement à plus de 20 stratégies et plans locaux ou nationaux, fournissant par exemple des informations sur les approches que les gens empruntent pour échapper à l’érosion côtière ou comment saisir l’occasion pour l’autonomisation des femmes.»

Jeremiah Owiti, directeur exécutif du Centre pour la recherche indépendante, un institut privé de recherche et groupe de réflexion basé à Nairobi, s’est félicité de la tentative de l’ARA de trouver une solution aux vulnérabilités au climat en employant une approche de bas en haut :

«C’est ce type d’approche de bas en haut que nous, dans la sphère des politiques publiques, réclamons depuis de nombreuses années» a déclaré Mr Owiti, qui n’est pas associé à l’initiative de l’ARA, dans un entretien avec SciDev.Net, ajoutant que :

«Bon nombre des cadres d’action en place pour combattre les problèmes des pays du Sud, dont le changement climatique, s’avèrent inefficaces car ils ont été formulés par des individus qui ne sont pas en contact avec la réalité du terrain.»

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.

Ce reportage a bénéficié du soutien de l’Adaptation Research Alliance. L’ARA est une coalition globale qui soutient la recherche focalisée sur l’action visant à contribuer aux solutions d’adaptation et à réduire les risques associés au changement climatique.