04/11/22

Une “collaboration radicale” requise pour l’adaptation au changement climatique

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Un agriculteur de la région du Bas-Nyando au Kenya met à l’épreuve des mesures d’adaptation au changement climatique. Crédit image: V. Atakos (CCAFS). (CC BY-NC 2.0)

Lecture rapide

  • Les scientifiques cherchent à aider les familles à s’adapter au changement climatique
  • Des plans d’adaptation ciblant des contextes spécifiques visent à répondre à toute une gamme d’impacts
  • Des collaborations «radicales» entre communautés et chercheurs pourraient se révéler cruciales

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Cet article a été publié avec le soutien de l’ Adaptation Research Alliance.

[NAIROBI] David Kitavi est l’un des fondateurs et directeurs du Centre pour l’enfance d’Ushirika, une école située au cœur de Kibera, un quartier informel de la banlieue de Nairobi, la capitale kenyane. Il joue un rôle central dans de la vie du centre où il interagit régulièrement avec les écoliers comme avec les parents.

« Beaucoup d’enfants dans cette école sont vulnérables et viennent de familles pauvres » explique-t-il à SciDev.Net pendant une visite du centre. « Bon nombre de ces parents qui ont des difficultés financières ont migré depuis les zones rurales à la recherche d’emplois offrant un revenu pour leurs familles.»

Ces familles ont souvent quitté les régions rurales lorsque les revenus générés par leur principale occupation, à savoir l’agriculture, se sont devenus trop modestes pour répondre à leurs besoins. Selon David Kitavi, ces familles ont été touchées par des périodes prolongées de sécheresse qui ont donné lieu à des faibles rendements agricoles, notamment pour les produits de base tels que le maïs et le haricot.

Il y a beaucoup de bon travail réalisé au niveau communautaire qui pourrait être pris en compte dans les stratégies d’adaptation au changement climatique, mais il est peu visible au niveau des décideurs

Joanes Atela, coordonnateur d’ARIN et directeur du programme pour des économies résistantes au climat à l’ACTS

« Nous avons réalisé qu’il était nécessaire d’autonomiser les familles vulnérables pour faciliter leur adaptation au changement climatique et améliorer la sécurité alimentaire », explique David Kitavi.

Il a donc commencé à travailler avec l’Africa Research and Impact Network (ARIN). Ce réseau, basé à Nairobi, réunit plus de 200 chercheurs et décideurs de 36 pays qui échangent les résultats de recherches pouvant permettre aux communautés de mieux s’adapter au changement climatique.

Par le biais d’une micro-subvention de l’Adaptation Research Alliance (ARA), un réseau global de chercheurs et d’organisations travaillant sur l’adaptation, l’ARIN a établi des laboratoires communautaires d’adaptation dans des quartiers informels de Nairobi.

Ces micro-subventions consistent en des sommes modestes d’argent et ont pour but de soutenir le développement d’activités au niveau des pays ainsi que d’accroître la résistance des communautés au changement climatique.

Charles Tonui, chercheur à l’ARIN et à l’African Centre for Technology Studies (ACTS), précise que « à travers les laboratoires communautaires, nous avons voulu faire en sorte que la compréhension du risque climatique au niveau des communautés soit prise en compte dans la planification du risque climatique, surtout pour les villes

Pour Joanes Atela, coordonnateur d’ARIN et directeur du programme pour des économies résistantes au climat à l’ACTS, « il y a beaucoup de bon travail réalisé au niveau communautaire qui pourrait être pris en compte dans les stratégies d’adaptation au changement climatique, mais il est peu visible au niveau des décideurs.»

Un laboratoire communautaire sur l’adaptation au changement climatique à Nairobi.

Réponse aux risques

Charles Tonui confie à SciDev.Net que l’ARIN a fait la synthèse des points de vue de plus de 3000 personnes, dont 150 organisations communautaires des quartiers informels de Nairobi ainsi que des décideurs du gouvernement et de la société civile focalisés sur l’adaptation au changement climatique.

« Nous avons conclu que l’interprétation du risque climatique chez les populations urbaines pauvres diffère de celle des décideurs et même de la société civile », dit-il.

Dans le quartier informel de Mukuru, précise-t-il, le gouvernement local ne tient pas compte du risque climatique dans le plan d’aménagement et « nous avons aussi constaté que l’intégration du risque climatique fait défaut dans de nombreuses villes d’Afrique. »

Jesse DeMaria-Kinney, responsable du secrétariat de l’ARA, les populations locales doivent être des partenaires traités sur un pied d’égalité avec les communautés des décideurs et des chercheurs lorsqu’il s’agit de développer et de mettre en œuvre un savoir efficace sur l’adaptation.

« Ce que l’ARA appelle une “collaboration radicale” aidera les chercheurs à mieux cerner le problème que nous vivons dans toute sa complexité. Il en résultera que la collaboration sera plus utile et pertinente pour les besoins des communautés et des autres utilisateurs finaux.»

Il ajoute qu’il faut du temps pour développer des collaborations de ce type ; car, il y a peu de chances qu’elles émergent après une seule réunion ou un premier atelier de travail. Jesse DeMaria-Kinney souligne par ailleurs qu’il faut de nouvelles approches pour trouver des solutions d’adaptation au changement climatique.

Collaborations pour l’adaptation

A en croire Joanes Atela, il existe une multitude de possibilités de transformer des plateformes ayant vocation à réagir en situation d’urgence en plateformes durables, ancrées dans les communautés, qui montreraient la voie à suivre en matière de compréhension du risque climatique.

Charles Tonui précise qu’actuellement 14 bénéficiaires de subventions de l’ARA organisent des conférences hebdomadaires et mensuelles prises en charge par les communautés pour partager les expériences et les idées sur l’adaptation au changement climatique. Au total, 25 micro-subventions ont été accordées par l’ARA en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Jesse DeMaria-Kinney explique que cette approche de l’adaptation conduite par les communautés passe par la mise en œuvre de principes de recherche focalisés sur l’obtention d’un impact ; les chercheurs forgeant des relations avec les acteurs concernés depuis les politiques jusqu’à la mise en œuvre.

Ces relations, explique-t-il, visent à créer des projets impulsés par les besoins de communautés qui réagissent au changement climatique, tout en favorisant un développement à long terme des capacités et une réduction des inégalités structurelles.

Pour Jesse DeMaria-Kinney, « une telle collaboration implique un investissement initial de temps pour établir et renforcer des relations de confiance. »

Le responsable du secrétariat de l’ARA ajoute que « le changement climatique touche les communautés à des degrés variables à travers le monde et nous devons employer l’expertise et les éléments de preuve des différents types de savoir qui existent afin de trouver des solutions appropriées. »

Jesse DeMaria-Kinney relève que par le biais de la mobilisation des collaborations radicales, les membres de la communauté qui emploient les outils d’adaptation rejoignent les équipes de recherche tandis que les chercheurs participent à la mise en œuvre sur le terrain.

« Par conséquent, les actions d’adaptation auront des impacts qui répondront aux besoins de ceux qui sont les plus touchés par le changement climatique ».

D’après Joanes Atela, l’adaptation au changement climatique dépend largement de son contexte et doit répondre aux besoins d’une zone spécifique. Il ajoute qu’il est aussi important de tenir compte du caractère divers des communautés vulnérables des pays du Sud qui comptent en leur sein des femmes, des enfants, des communautés marginalisées et des immigrés.

Albert Salamanca, chercheur au Centre pour l’Asie de l’Institut pour l’environnement de Stockholm (Suède), souligne que les communautés ont leurs propres connaissances et systèmes de savoir qui sont particulièrement vastes parmi les populations autochtones, de nombreuses communautés ayant un savoir écologique traditionnel qui leur appartient collectivement.

« Par conséquent, les chercheurs, notamment ceux formés aux méthodes scientifiques occidentales, doivent comprendre l’existence de cette forme de savoir et faire en sorte qu’elle puisse être utilisée dans des contextes d’adaptation », dit-il dans un entretien avec SciDev.Net.

« Autrement dit, ce qu’il nous faut, c’est que les deux parties se retrouvent à mi-chemin et cherchent des moyens de faire en sorte que leurs systèmes de savoir respectifs puissent se renforcer mutuellement, plutôt que de se réfuter ». Si cela se produit, explique Albert Salamanca, l’emploi de pratiques d’adaptation sur le terrain aura un impact et une signification accrus.

« L’adaptation est locale » souligne ce dernier qui ajoute que « les groupes et les communautés font face à des situations qui exigent qu’ils s’adaptent là où ils vivent et gagnent leurs vies.»

Pour Jesse DeMaria-Kinney, des collaborations soutenues entre chercheurs, communautés et décideurs pourraient être la clé pour développer les outils dont les communautés ont besoin pour s’adapter au changement climatique.

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.

Cet article a bénéficié du soutien de l’Adaptation Research Alliance (ARA), une coalition internationale d’instituts de recherche focalisés sur l’adaptation au changement climatique, de gouvernements, de communautés et d’entreprises.