10/03/14

Ouganda: Controverse au sujet de l’impact de la loi anti-homosexualité

2013.10.13 Blantyre
Crédit image: Flickr/ Travis Lupick

Lecture rapide

  • La loi a été promulguée, après qu'un panel d'experts eurent estimé qu'ils ne pouvaient établir un lien entre l'homosexualité et la génétique
  • Selon des spécialistes, elle pourrait saper les efforts de contrôle du VIH et porter préjudice aux programmes de formation du personnel de santé par des expatriés
  • Selon une conseillère du président, les homosexuels pourront continuer de recevoir des soins de santé.

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[KAMPALA] La loi anti-homosexualité promulguée le mois dernier (25 février) en Ouganda suscite une controverse au sujet de son impact potentiel sur l'accès aux soins de santé.
 
Avant sa promulgation, le président ougandais, Yoweri Museveni, avait consulté une équipe de scientifiques du ministère de la Santé et de l'Université de Makerere, afin de déterminer si la génétique joue un rôle dans l'homosexualité.

Mais les chercheurs ont dit ne pas être en mesure d'affirmer de manière définitive s'il existait un gène susceptible de prédisposer à l'homosexualité. Ils ajoutent que l'homosexualité pourrait être, entre autres, la résultante d'expériences et de la pression de tierces personnes.

“La loi va éloigner des Ougandais homosexuels des services de santé, de peur d'être arrêtés ou de subir des violences”

Asia Russell, Health GAP

"Dans toute société, il y a un petit nombre de personnes ayant des tendances homosexuelles et la pratique a besoin d'être régulée, comme tout autre comportement humain, en particulier pour protéger les plus vulnérables", estime l'équipe de chercheurs, dirigée par Wilson Byarugaba, ancien chef de la cellule de Génétique moléculaire et humaine, au département de pathologie de l'Université de Makerere.

Les scientifiques appellent à "d'autres études pour aborder la sexualité dans le contexte africain."
Mais Frank Mugisha, militant homosexuel ougandais, explique à SciDev.Net que l'éclairage scientifique demandé par Yoweri Museveni a été "formulé de façon à cacher les véritables motivations de  la loi."

Asia Russell, directeur de la politique internationale à Health GAP, une organisation américaine qui agit pour la promotion des droits des personnes vivant avec le VIH/sida, a pour sa part déclaré: "Cette loi porte atteinte aux droits humains, promeut la discrimination et va porter un coup à la lutte contre le VIH. Elle va éloigner des Ougandais homosexuels des services de santé, de peur d'être arrêtés ou de subir des violences."

Et d'ajouter: "De façon ironique, elle criminalise les efforts, tels que ceux du ministère de la Santé, visant à établir des cliniques pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes, une initiative annoncée fin 2013. Ces populations ont besoin de services, pas de criminalisation."

Vanessa Kerry, directrice générale de l'ONG Seed Global Health, basée aux Etats-Unis, renchérit: "Nous avons des contraintes, pour ce qui est de l'envoi en toute sécurité en Ouganda de volontaires  lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres."

Seed Global Health appuie des médecins et des infirmières qui aident à former une nouvelle génération de fournisseurs de soins médicaux et de soins infirmiers en Ouganda et dans d'autres pays.
 
Mais selon l'ancienne vice-présidente ougandaise, Speciosa Wandira Kazibwe, aujourd'hui conseillère principale du président sur ​​les questions liées à la population et à la santé, la loi n'affectera pas les prestations dans le secteur de la santé.

"Quand les gens vont à l'hôpital, ils ne sont pas traités selon leurs orientations sexuelles, mais comme des êtres humains qui cherchent à être guéris. Je ne vois aucune ingérence dans la conduite normale des affaires en raison de la promulgation de la loi anti-homosexualité", estime Wandira Kazibwe.

La décision de Yoweri Museveni a suscité une vive réaction de la part de certains bailleurs de fonds occidentaux, la Norvège indiquant qu'elle n'honorera pas le versement d'une somme de 8 millions de dollars, au titre de l'aide au développement; le Danemark a quant à lui dit renoncer au versement de millions de dollars du gouvernement en signe de protestation, comme indiqué dans le journal britannique The Guardian du 25 février dernier.

Les États-Unis et l'Autriche ont pour leur part annoncé qu'ils réexamineraient leurs subventions à Kampala, tandis que le Royaume-Uni affirme qu'il continuera de soutenir l'Ouganda par d'autres moyens.

Mais Speciosa Wandira-Kazibwe défend l'action du président Museveni, déclarant: "Au sujet des relations de l'Ouganda avec l'Occident, le président a déjà exprimé son avis et en tant que chef d'Etat, sa sagesse doit être respectée."

Cet article a été produit par le desk Afrique sub-saharienne de SciDev.Net.