28/08/23

Une Charte africaine pour prôner l’égalité dans la science

Maria Pallares Masmitja from the University of Pompeu Fabra in Spain training students in training
Des étudiants et leur enseignant. L’Afrique subsaharienne produit moins de 2 % des travaux de recherche publiés. Crédit image: Oduola Matthew / Wikimedia Commons, (CC BY-SA 4.0).

Lecture rapide

  • La Charte de l'égalité vise à renforcer le statut de l'Afrique dans la recherche mondiale
  • L’Afrique subsaharienne produit moins de deux pour cent des travaux de recherche publiés
  • Un rééquilibrage est nécessaire pour relever collectivement les défis mondiaux

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[NAIROBI] Plus de 90 universités et institutions scientifiques en Afrique ont approuvé une charte visant à redresser le déséquilibre des pouvoirs dans la production mondiale de connaissances et de recherche et à réduire l’écart entre les universités des pays à revenu élevé et celles des pays à faible revenu.

En 2018, quatre régions d’Afrique (Afrique centrale, Afrique orientale, Afrique australe et Afrique occidentale) ont produit seulement 1,6 % du total des publications scientifiques mondiales, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Alors même que ces régions représentent 10 % de la population adulte mondiale.

Toujours selon l’UNESCO, la majorité des projets de recherche en Afrique résulte des collaborations avec des pays riches – principalement les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Ces collaborations représentent jusqu’à 88 % des travaux scientifiques en Afrique orientale et centrale et 85 % en Afrique australe entre 2017 et 2019.

“L’objectif est de garantir que les universitaires, les institutions et les connaissances africaines venant du continent occupent la place qui leur revient dans les efforts scientifiques mondiaux”

Isabella Aboderin, director, Perivoli Africa Research Centre

Facilitée par le Perivoli Africa Research Centre (PARC) de l’université de Bristol, au Royaume-Uni, en association avec l’université du Cap (UTC) et l’université d’Afrique du Sud (UNISA), cette nouvelle charte tentera d’amener les chercheurs et les institutions africaines à occuper plus de place dans les alliances de recherche et les bourses mondiales afin de promouvoir la justice sociale.

Isabella Aboderin, titulaire de la Chaire Perivoli sur la recherche et les partenariats en Afrique et directrice du PARC, a déclaré que les disparités étaient une conséquence des règles du jeu inégales dans le secteur universitaire et scientifique mondial.

« Ces déséquilibres de pouvoir sont un héritage du colonialisme qui continue de désavantager les universitaires et les établissements d’enseignement supérieur africains, ainsi que les perspectives économiques et politiques plus larges du continent, et ils privent la recherche mondiale de la richesse dont elle a tant besoin en urgence », a-t-elle confié à SciDev.Net.

Selon l’UNESCO , seuls quelques universitaires très cités sont associés aux universités africaines et un trop petit nombre de chercheurs et de publications scientifiques sont africains.

Isabella Aboderin affirme que la charte, lancée en Namibie au début du mois de juillet, vise à remédier au déséquilibre de la recherche mondiale et de l’écosystème scientifique.

« L’objectif est de garantir que les universitaires, les institutions et les connaissances africaines venant du continent occupent la place qui leur revient dans les efforts scientifiques mondiaux, dans les domaines des sciences formelles, naturelles et sociales, des arts et des sciences humaines », ajoute-t-elle.

Selon la charte, un tel rééquilibrage est important pour favoriser une recherche plus riche et inclusive, nécessaire au maintien de la dignité humaine et à la lutte contre les crises auxquelles la communauté mondiale est confrontée collectivement.

La charte énonce 12 principes pour remédier aux déséquilibres de pouvoir à plusieurs niveaux – au niveau du langage, des théories et des concepts, des ressources institutionnelles et des accords de partenariat concrets.

Collaboration

Les principaux objectifs comprennent la création d’une approche radicalement nouvelle de la collaboration en matière de recherche, avec un accent particulier sur la réduction des lacunes dans la génération de connaissances scientifiques, la promotion de nouvelles normes équitables et de meilleures pratiques et l’introduction d’un cadre centré sur l’Afrique pour mesurer le succès.

Isabella Aboderin a déclaré que 91 représentants d’organismes clés de l’enseignement supérieur et des sciences d’Afrique et d’ailleurs ont officiellement approuvé ces principes et aspirations et ont résolu de soutenir et de s’engager dans les initiatives et programmes plus larges pour les réaliser.

Obed Ogega, chercheur et responsable de programmes à l’Académie africaine des sciences (AAS) à Nairobi, estime que cette initiative améliorera la collaboration en matière de recherche, même au sein du continent africain lui-même.

« Nous trouvons tout à fait fondamentale l’idée de rééquilibrer l’écosystème mondial de la science et de la recherche en référence à l’Afrique, car elle reflète ce que nous faisons à l’AAS et, plus particulièrement, les défis auxquels nous sommes confrontés sur le continent en matière de recherche », ajoute Obed Ogega qui n’a pas participé à l’élaboration de la charte.

Il déclare que la question du financement de la recherche est essentielle, car la source de financement influence l’orientation que prend la recherche.

« Si cette charte peut inciter nos gouvernements à consacrer seulement 1 % de leur budget aux universités pour la recherche, cela à lui seul peut contribuer grandement au renforcement des capacités de recherche sur le continent », conclut Obed Ogega dans un entretien avec SciDev.Net.

La version originale de cet article a été produite par l’édition de langue anglaise de SciDev.Net pour l’Afrique subsaharienne.