19/07/19

Relever le défi de la parité dans la recherche

Wanjiru Kamau-Rutenberg
Dr Wanjiru Kamau-Rutenberg, directrice de l'organisation African women in agricultural research and development - Crédit image: SDN/Bilal Taïrou

Lecture rapide

  • Les femmes représentent seulement 30% des chercheurs en Afrique Sub-Saharienne
  • Il est crucial d’augmenter le nombre de femmes scientifiques pour mieux faire face aux défis actuels
  • Les experts appellent à une action concertée de toutes les parties prenantes pour réaliser cet objectif.

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[DAKAR] Lancée à Dakar ce 18 juillet 2019 et pour deux jours, la seconde édition du Forum mondial sur les femmes dans la recherche scientifique (en anglais, Global forum on women in scientific research – GoFoWiSeR) s’est donné pour objectif de ressembler les chercheurs et décideurs politiques, pour prendre conscience des enjeux et trouver des solutions aux questions de genre dans le secteur de la recherche scientifique.

À l’initiative de l’African women in agricultural research and development (AWARD) et d’autres organisations telles que l’Académie africaine des sciences, le UK Aid, le centre de recherche et d’innovation du Royaume Uni (United Kingdom Research and Innovation – UKRI), etc., le forum veut mettre en place des dispositifs durables pour briser le plafond de verre en améliorant l’expérience des femmes en science et en augmentant leur nombre afin d’obtenir une masse critique de femmes scientifiques.

“Nous devons être le plus inclusifs possible, pour mettre ensemble toutes les bonnes idées et toutes les personnes qui veulent travailler dans la science et la recherche, ce qui signifie que les femmes aussi doivent émettre leurs idées et participer à la recherche scientifique.”

Martin Chalfie, co-lauréat du Prix Nobel de chimie en 2008

Wanjiru Kamau-Rutenberg, directrice d’AWARD, déclare à SciDev.Net que « les femmes sont sous-représentées dans la recherche scientifique ».

« L’Afrique n’est pas le seul continent faire face à l’écart entre les genres et les données montrent même que l’Afrique n’est ni pire, ni meilleure que d’autres régions dans le monde », reconnaît-elle toutefois.

En effet, en 2013, les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (en anglais, United Nations educational, scientific and cultural organization – UNESCO) renseignent que 30% des chercheurs sont des femmes en Afrique Sub-Saharienne, soit environ un chercheur sur trois, tandis qu’elles représentent 48,5% en Europe du Sud-Est, 44,3% en Amérique latine et 16,9% en Asie du sud.

Or, les femmes représentant, selon les données de la Banque mondiale 49,54% de la population mondiale, soit pratiquement la moitié, « il est insensé de tirer parti uniquement de la moitié de la population, pour la recherche scientifique », fait remarquer Wanjiru Kamau-Rutenberg, qui appelle à une mobilisation générale.

Abondant dans le même sens, le co-lauréat du Prix Nobel de chimie en 2008, Martin Chalfie, qui déplore en passant l’infirme taux de lauréates du Prix Nobel −5,45% en 2018, selon le site officiel du Prix Nobel, rappelle pour sa part que « nous devons être le plus inclusifs possible, pour mettre ensemble toutes les bonnes idées et toutes les personnes qui veulent travailler dans la science et la recherche, ce qui signifie que les femmes aussi doivent émettre leurs idées et participer à la recherche scientifique. »

Les experts s’accordent tous sur le fait que les femmes constituent le levier à activer pour faire efficacement face aux défis actuels et amorcer le développement. 

 

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Qu’il s’agisse des changements climatiques ou, dans un contexte spécifiquement africain, du boom démographique et des besoins de sécurité alimentaire sans cesse croissants, Kamau-Rutenberg reste convaincue que la recherche scientifique sera au cœur de la résolution de ces défis que nous rencontrons.

« C’est en cela qu’il devient important d’augmenter le nombre de femmes qui peuvent contribuer à la recherche scientifique », affirme-t-elle.
Afin d’inverser les tendances et d’obtenir cette masse critique de femmes scientifiques averties, il faut d’abord un engagement politique, fait valoir Soukèye Dia Tine, directrice du financement de la recherche et du développement technologique au ministère sénégalais de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI).

C’est en cela qu’au Sénégal, où les femmes enseignantes-chercheures représentent moins de 35% de l’ensemble des chercheurs, apprend-on de Soukèye Dia Tine, les pouvoirs publics ont opté pour la discrimination positive, basée sur la compétence.

Vue des panélistes lors de la recontre de Dakar : les intervenants ont, tour à tour, évoqué la question du fossé entre femmes et hommes dans la recherche, celle des conditions de la femme dans la recherche et les moyens d'y apporter des améliorations. Crédit Image : SDN/B. Taïrou.

« La mise en place du fonds spécial dénommé Projet d'appui à la promotion des enseignantes-chercheures du Sénégal (PAPES) vise à favoriser les femmes dans la promotion de leur carrière et donc leur maintien dans le système scientifique », explique la responsable du ministère qui, pour souligner la prise en compte des dimensions compétence des femmes et pertinence des projets soumis, tient à souligner que « quoique l’on parle de discrimination positive, ce fonds est basé sur une sélection par un comité scientifique ».

Wanjiru Kamau-Rutenberg appelle quant à elle à en finir tout d’abord avec les stéréotypes et à agir sur les femmes scientifiques elles-mêmes, pour créer en elles, la confiance et la conscience quant aux opportunités existantes et les connecter entre elles à travers de solides réseaux et des relations de mentoring.

Ensuite, elle conseille d’investir dans les institutions afin qu’elles deviennent des endroits où les femmes prospèrent et innovent.

Pour finir, estime-t-elle, « il y a un travail colossal à abattre au niveau des bailleurs de fonds qui financent la recherche, pour qu’ils prennent conscience de leur rôle dans l’élimination de l’écart de genre et qu’ils se rendent compte que les femmes ont besoin d’avoir accès à des financements adéquats pour leurs recherches ».