06/07/22

Pourquoi l’Afrique centrale se réchauffe plus vite que le reste du monde

Drought
Parmi les premières conséquences de ce réchauffement climatique figure l'assèchement de certains cours d'eau. Crédit image: Marufish (CC BY-SA 2.0)

Lecture rapide

  • Le réchauffement climatique en Afrique centrale est estimé à 1,1°C, contre 1,09°C de moyenne mondiale
  • Cette situation entraîne une certaine rareté de l’eau et la baisse de la production de certaines céréales
  • Des experts appellent à s’inspirer des réponses endogènes utilisées avec succès dans certaines localités

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[DOUALA] Le 28 juin 2022, j’ai participé à un wébinaire organisé par le Centre de recherche pour le développement international (CRDI) à travers sa représentation pour l’Afrique de l’ouest et du centre.

Les panélistes invités à cette conversation ont échangé sur le thème « Urgence climatique en Afrique centrale : Impacts et perspectives » en s’inspirant du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

De l’exposé liminaire d’Edmond Totin qui est maître-assistant à l’université nationale d’agriculture du Benin, j’ai appris que l’Afrique centrale (et plus généralement l’Afrique), est la région du monde qui contribue le moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, c’est elle qui subit le plus les dommages qui en résultent.*

“L’étendue et l’amas du continent africain font que la traversée des airs ne se fait pas d’un trait comme si on était sur une petite superficie”

Pointfocal GIEC, Congo.

« Actuellement le réchauffement global de la terre est estimé à 1,09°C contre 1,1°C pour l’Afrique centrale », a rappelé Edmond Totin dans son propos résumant le chapitre réservé à l’Afrique dans le 6e rapport du GIEC.*

Comment s’explique ce paradoxe qui fait que ce soit le plus petit pollueur qui subisse le plus les conséquences des émissions de gaz produites par les autres pays? Cette question n’a pas manqué d’être soulevée.

Et ce qui a retenu mon attention est qu’il n’existe pas de réponse précise à cette préoccupation. Dès lors, les différents panélistes n’ont fait qu’émettre des hypothèses.

« Je pense que cela dépend de plusieurs facteurs. Il ne s’agit pas que du climat mais aussi de l’urbanisation, du mode d’occupation des terres et de l’accroissement de la population. Tous ces facteurs pourraient expliquer cette situation », répond Edmond Totin qui est l’un des auteurs du rapport du GIEC.*

Pour Denis Sonwa, chercheur principal au CIFOR (Centre pour la recherche forestière internationale), cette « injustice climatique » est liée à la sensibilité du relief de l’Afrique centrale.

« Quand il y a une source d’émission, dit-il, chaque région du monde va répondre en fonction de ses événements climatiques ou de son relief. Donc, si vous avez une zone qui a une sensibilité importante et qui peut facilement absorber la source de chaleur, il va de soi qu’à ce moment-là vous pouvez avoir un réchauffement plus important. Donc, les paramètres biophysiques contribuent à expliquer l’absorption ou pas du gaz émis vers la surface terrestre ».

Gervais Ludovic Itsoua, expert en gestion des ressources naturelles et changements climatiques, insiste sur cette question des paramètres géophysiques en expliquant que « l’étendue et l’amas du continent africain font que la traversée des airs ne se fait pas d’un trait comme si on était sur une petite superficie.»

« Le fait que l’Afrique soit très étendue joue en sa défaveur quand il s’agit des gaz à effet de serre », poursuit ce dernier qui est par ailleurs point focal du GIEC et coordonnateur des communications nationales à la Ccnucc (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Ndlr) pour la République du Congo.

Conséquences

Quoi qu’il en soit, il ressort de cette conférence que les conséquences du réchauffement climatique en Afrique centrale sont déjà perceptibles. Tant au niveau de la biodiversité que de l’écosystème.

Le rapport du GIEC cite par exemple le dessèchement de certains cours d’eau; entrainant le manque d’eau dans les ménages et dans les ouvrages hydroélectriques…*

Dans le système alimentaire, on constate la baisse de la productivité des cultures. « Les rendements de maïs et de blé ont respectivement diminué de 5,8% et de 2,3% en moyenne entre 1974 et 2008 », indique le rapport.

La bonne nouvelle cependant est que des solutions endogènes existent et sont utilisées dans certains pays. Au Cameroun par exemple, « les paysans du mont Oku et de Mbaw qui pratiquent une agriculture de subsistance ont utilisé leurs connaissances autochtones pour faire face aux impacts de la variabilité et des changements climatiques », peut-on lire.La sociologue congolaise (RDC) Marguerite Nzuzi Kenge qui faisait partie du panel de discussions appelle d’ailleurs les pays à s’appuyer sur les femmes en milieu rural pour « sortir de l’enclos du changement climatique ».

« 80% des activités de subsistance en zone rurale sont faites par des femmes qui maitrisent non seulement les saisons mais aussi les méthodes endogènes. On peut donc s’appuyer sur elles en les formant et en les autonomisant, pour une bonne adaptation aux défis du moment », explique cette dernière qui est experte genre et question sociale.

Et pour que ces solutions soient efficaces sur le long terme, Denis Sonwa invite les Africains à un dialogue transfrontalier et à la résilience des chercheurs.

« Ce travail concerté permettra de mettre à la disposition des populations et des autorités, les prévisions climatologiques et de mieux planifier les déforestations pour le développement », propose le chercheur.

Le GIEC prévient que si d’ici 2040, rien n’est fait pour freiner considérablement le réchauffement de la planète, les conséquences seront « désastreuses ».

« Nous devons tout faire pour ne pas dépasser le seuil de 1,5°C de réchauffement parce qu’à 2°C, ce sera la catastrophe », réitère Edmond Totin.

  *  Cet article a été mis à jour le 7 juillet 2022 pour préciser ou compléter certains passages après avoir eu accès à l’enregistrement du wébinaire.