29/09/23

Catastrophes : Créer des cours sur la gestion des risques sanitaires

Disaster
Sans formation, les sauveteurs peuvent devenir des victimes lors de la gestion des catastrophes. Crédit image: Fox News Insider (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Il est recommandé l’introduction de leçons sur la gestion des risques sanitaires lors des catastrophes
  • Le séisme qui a touché la région du Haut Atlas au Maroc a fait plus de 3000 morts et 5600 blessés
  • La coordination des interventions des différents acteurs a permis d’éviter une épidémie sanitaire

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[MARRAKECH] Du fait du séisme qui a fait 3 000 morts et 5 600 blessés au Maroc le 8 septembre dernier, la gestion du risque sanitaire lors des catastrophes naturelles s’est imposée à l’ouverture de la 2e conférence africaine sur la réduction des risques sanitaires qui se tient à Marrakech depuis le 27 septembre.

En pareille circonstance, les populations sont surtout exposées aux maladies transmissibles et la plupart des maladies sont contagieuses comme la tuberculose, la diarrhée, la rougeole etc…, soutient Delon Human, ancien secrétaire général de l’Association médicale mondiale (WMA).

« Ces maladies impactent directement les populations après la catastrophe naturelle et c’est là où la réduction des risques en santé prend tout son sens. Pour sauver des vies, il faut analyser et évaluer les risques de manière très rapide et prendre des mesures de contrôle dans l’urgence », dit-il.

“Il y a un manque de sensibilisation de la population ; les gens ne savent pas comment agir en cas de sinistre. Nous proposons d’introduire dans les écoles des cours dédiés à l’action à avoir en cas de risques naturels”

Hasnaa Chennaoui, université Hassan II, Maroc

« Il faut avoir de l’eau potable, il faut s’assurer que les services fonctionnent bien. Les personnes dans les régions touchées devraient avoir accès à tous ces services », poursuit l’expert qui est par ailleurs président de « Health Diplomats », un groupe de conseil spécialisé dans la santé, la nutrition et le bien-être.

Pour Ali Kettani, enseignant à la faculté de Médecine et de pharmacie de l’université Mohammed V de Rabat, « la médecine d’urgence et de catastrophe est une science avec des publications scientifiques, de la recherche de plus en plus riche. C’est une médecine professionnelle, spécialisée et qui est interconnectée à d’autres secteurs extrêmement importants et non médicaux ».

Autrement dit, martèle ce dernier, il faut éviter l’aide spontanée non coordonnée qui souffre de plusieurs problèmes dont l’improvisation et le manque de formation des personnes qui vont apporter une aide aux victimes de catastrophes naturelles.

« Le résultat est qu’au lieu d’être un sauveteur, on devient un fardeau. De sauveteurs, ils peuvent devenir des victimes et alourdir la prise en charge », explique-t-il.

En conclusion, poursuit Ali Kettani, « il faut être préparé. Avant l’évènement il faut être formé, avoir des protocoles. Il ne faut pas imposer son aide. Il faut évaluer le besoin localement avec les gens du terrain et chercher l’information à la source. La communication et la coordination, c’est extrêmement important. Le plus important, c’est que l’aide doit être adaptée à la demande ».

Formations spécifiques

Dès lors, Hasnaa Chennaoui, planétologue, géologue et enseignante à l’université Hassan II du Maroc, estime qu’il faut aujourd’hui mettre en place une formation dédiée aux risques naturels au sein des établissements scolaires et universitaires.

« Nous avons peu ou pas de formations spécifiques dédiées à la connaissance des risques naturels. Je recommanderais aux chercheurs d’avoir plus d’implication dans la sensibilisation et le partage de leur savoir et de leurs recherches avec le grand public », affirme-t-elle.

« Les travaux de recherche existent et ils sont de très bonne qualité, mais il y a ce gap entre ces travaux et leur prise en compte dans les instances de décisions et avec le grand public », insiste la spécialiste.

« Il y a un manque de sensibilisation de la population ; les gens ne savent pas comment agir en cas de sinistre.  Nous avons un rôle à jouer là-dessus. Nous proposons d’introduire dans les écoles des cours dédiés à l’action à avoir en cas de risques naturels », suggère-t-elle.

Pour le séisme survenu récemment au Maroc, Saaïd Amzazi, ancien ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique du Maroc revient sur la gestion des risques sanitaires associés à cette catastrophe.

Selon ses explications, la réactivité du ministère de la Santé et de la protection sociale en liaison avec l’Inspection de santé militaire a permis une prise en charge rapide des blessés de tous degrés au sein des différentes structures hospitalières régionales, y compris au sein des hôpitaux médico-chirurgicaux de campagne qui ont été rapidement installés.

Cela a permis, précise-t-il, d’écarter tout « risque épidémique grâce aux efforts conjugués des différents intervenants ».

Prévention

Ali Kettani renchérit en disant que toutes les victimes du séisme ont été traitées dans la région. « Il y a eu zéro pénurie de médicaments, zéro pénurie de sang et surtout pas de transfert des victimes dans les régions », affirme-t-il.

Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), ce désastre humanitaire affecte près de 100 000 enfants tandis que le ministère marocain de l’éducation nationale fait état de 530 établissements scolaires et 55 internats endommagés.

« Près de 300 000 personnes se retrouvent sans toit et quelque 60 000 maisons ont été endommagées et le tiers d’entre elles détruites, des villages entiers ont été rayés de la carte », énumère Saïd Amzazi qui insiste sur le rôle de la recherche scientifique dans la prévention des séismes.

A l’en croire, le séisme de Al Haouz, qui a dévasté la région du Haut-Atlas le 8 septembre dernier, a connu une activité sismique en 1953 et il était quasiment oublié.

« Aujourd’hui, c’est un séisme d’une autre nature, de magnitude 7 jamais enregistré au Maroc. Donc nous faisons appel à nos chercheurs qui ont une très grande expertise, à nos géophysiciens, géologues et structuralistes pour mener des études détaillées et caractérisées pour évaluer ce type de séisme et pour contribuer à la compréhension de la sismologie continentale et nationale », recommande l’ancien ministre marocain.