10/11/21

COP26 : les pays riches « hésitent à réparer les pertes dues au climat »

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Les habitants se sont réfugiés sur les toits des immeubles suite aux inondations provoquées par un cyclone au Mozambique en 2019. Crédit image: World Vision, (CC BY 2.0).

Lecture rapide

  • Les pays touchés par le climat demandent plus de soutien pour les « pertes et dommages »
  • Les défenseurs de cette cause trouvent que cette question a été évitée lors de la COP 26
  • L'Écosse est le seul pays à avoir promis de l'argent pour compenser les dommages dus au climat

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Des mesures urgentes doivent être prises pour changer le ton « toxique » des négociations relatives aux impacts irréversibles du changement climatique, ont déclaré des leaders de la science et de la société civile aux dirigeants politiques lors de la COP 26.

Les délégués affirment que les pays riches se sont opposés aux appels des pays touchés par le climat à un soutien financier pour à la fois éviter et faire face aux pertes et aux dommages.

L’expression « pertes et dommages » renvoie aux impacts irréversibles du changement climatique qui ne peuvent plus être évités ni par l’adaptation, ni par l’atténuation.

Ils sont généralement associés à des événements météorologiques extrêmes tels que les inondations, la sécheresse et les feux de forêt.

“Lorsque les pays développés ont promis 100 milliards de dollars, c’était pour l’adaptation et l’atténuation. C’était à une époque – 2009 – où pratiquement personne ne parlait de pertes et de dommages (…) Nous soutenons qu’il existe un besoin supplémentaire de financement pour faire face aux pertes et aux dommages”

Sven Harmeling, CARE International

Les leaders non gouvernementaux de la cause climatique ont déclaré que le financement climatique, en particulier pour les pertes et les dommages, est pour les pays en développement l’une des questions les plus importantes à soulever lors du sommet.

Mais certains disent que l’espace pour poser le problème a été restreint et les pourparlers sur les pertes et les dommages mis de côté.

Des centaines de personnes se sont rassemblées lundi dernier dans les salles de la zone bleue de la COP 26 pour se joindre à une réunion sur les pertes et dommages organisée par la présidence de la COP et le Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, mais beaucoup ont été refoulées lorsque la salle a atteint sa capacité d’accueil.Saleemul Huq, directeur du Centre international pour le changement climatique et le développement (ICCCAD) au Bangladesh, a déclaré que les pourparlers sur les pertes et les dommages devaient faire appel au cœur et à l’humanité des négociateurs.

« Malheureusement, les négociations s’enlisent dans des problèmes toxiques de responsabilité et d’indemnisation. Nous devons penser à l’humanité. C’est ce que nous demandons ici et nous n’obtenons pas grand-chose en retour », a-t-il déclaré lors de la réunion de la présidence de la COP.

Le gouvernement écossais a promis la semaine dernière un million de livres sterling (1,36 million de dollars US) pour les pertes et dommages, soutenant un partenariat avec le Climate Justice Resilience Fund basé aux États-Unis pour aider les communautés à se reconstruire après les événements liés au climat.

Bien que ce chiffre soit petit, il pourrait s’agir de « la goutte qui déclenche la pluie », selon James Bhagwan, secrétaire général de la Conférence des églises du Pacifique.

Engagement

Il y a douze ans, lors du sommet de l’ONU sur le climat à Copenhague, les pays développés avaient convenu de mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020 pour la finance climatique ; un engagement qui n’a pas encore été tenu.

Sven Harmeling, responsable des politiques mondiales sur le changement climatique et la résilience chez CARE International, estime que les pays en développement sont « réduits au silence » par les pays riches qui ont résisté aux appels à discuter du financement des pertes et dommages.

« Nous pensons que c’est absolument inapproprié, dit-il. Lorsque les pays développés ont promis 100 milliards de dollars, c’était pour l’adaptation et l’atténuation. C’était à une époque – 2009 – où pratiquement personne ne parlait de pertes et de dommages. »

« Nous soutenons également qu’il existe un besoin supplémentaire de financement pour faire face aux pertes et aux dommages. Les pays développés n’aiment pas cette idée et ils n’aiment pas non plus l’idée d’un flux de financement séparé. Je pense qu’il existe des moyens pratiques d’intégrer l’adaptation et les actions en cas de perte et de dommage, mais ce n’est toujours pas la même chose », indique Sven Harmeling

Mohamed Adow, directeur du groupe de réflexion sur l’énergie et le climat « Power Shift Africa », a déclaré que les discussions sur les pertes et dommages ignorent souvent la question du financement pour éviter les discussions sur la responsabilité légale et l’indemnisation.

Mais il ajoute que les négociations étaient allées au-delà de la question de l’indemnisation, et qu’il y avait de nombreuses façons de fournir un soutien sans assumer de responsabilité.Maria Laura Rojas Vellejo, directrice exécutive du groupe climatique colombien à but non lucratif « Transforma », déclare pour sa part que la qualité du soutien financier disponible pour les pertes et les dommages serait cruciale.

« Ce que j’entends par qualité, c’est comment les ressources disponibles pour le financement climatique sont-elles mises à la disposition des pays en développement ? Le problème, c’est qu’une grande partie [des ressources] sont disponibles sous forme de prêts, ce qui augmente la dette publique des pays. Cela ne devrait pas être le cas », explique Maria Laura Rojas Vellejo.

Elle soutient que des « prêts concessionnels » – ceux qui ont des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché ou des périodes de remboursement plus longues – et des subventions devraient être disponibles, plutôt que des prêts commerciaux et privés uniquement. »

Lors du dernier sommet sur le climat, la COP 25 à Madrid en 2019, le « Santiago Network » a été créé pour éviter, minimiser et remédier aux pertes et dommages en catalysant l’assistance technique aux pays en développement vulnérables au climat.

« Jusqu’à présent, [le Santiago Network] n’était qu’un site web sur lequel quelques organisations se sont inscrites », constate Sven Harmeling. « Il n’y a pas encore de capacité de secrétariat, les fonctions ont été très larges. Il est important de préciser les prochaines étapes », relève-t-il.

« En tant que mesure provisoire, il doit y avoir un secrétariat clairement dédié avec un soutien financier. J’espère que nous y arriverons d’ici la fin de cette COP », conclut Sven Harmeling.

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.