21/01/21

Q&R : Les primates sont un grand atout pour l’écotourisme

Jonah Ratsimbazafy article
Jonah Ratsimbazafy. Crédit image: Jonah Ratsimbazafy

Lecture rapide

  • L’Afrique et Madagascar abritent ensemble le plus grand nombre de primates dans le monde
  • Ces animaux contribuent au maintien de l’intégrité et de la composition floristique des forêts
  • Ils sont aussi des agents polinisateurs et représentent un atout considérable pour l’écotourisme

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En 2020, le primatologue malgache Jonah Ratsimbazafy a été élu à la tête de l’International Primatological Society (IPS), une association internationale regroupant des chercheurs de différentes nationalités dont les préoccupations gravitent autour de la protection des primates.

Il devenait ainsi le tout premier Africain à se hisser à ce poste dans cette organisation âgée de plus de trente ans et dont il est membre au même titre qu’environ trois cents autres primatologues du monde entier.

“Il serait souhaitable de sensibiliser des jeunes chercheurs pour qu’ils entreprennent leurs recherches dans leurs pays d’origine dans le but de lutter contre la pauvreté”

Jonah Ratsimbazafy

Quelques mois après son élection, il donne, dans cette interview accordée à SciDev.Net, un aperçu de l’intérêt de la protection des primates pour l’Afrique et la manière dont il compte marquer son passage à la tête de cette institution.

Quels défis vous interpellent en tant que président de l’IPS ?

C’est en effet la première fois que le président de l’IPS est issu du continent africain ; même si l’Afrique et Madagascar présentent ensemble le plus grand nombre de primates dans le monde. Il est certain donc, qu’à partir de maintenant, les yeux du monde entier se tourneront vers l’Afrique, et surtout, vers Madagascar. C’est un grand défi auquel je dois faire face. Les nombreuses années que j’ai passées en tant que membre de l’IPS m’ont permis d’identifier les améliorations à apporter dans sa gestion.

Entre autres, il y a la sensibilisation de tous les chercheurs du monde entier à organiser des actions comme le Festival mondial des lémuriens que nous célébrons à Madagascar depuis 2014. Ce serait spécifique aux primates des pays concernés. Par exemple, un festival des gorilles, un festival des orangs-outangs, etc. en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et partout dans le monde, même là où des primates sont en captivité.

Je plaiderai aussi pour l’institution d’une journée mondiale des primates et j’encouragerai une étroite collaboration entre les chercheurs et l’Etat dans les pays abritant encore des primates. En outre, il serait souhaitable de sensibiliser des jeunes chercheurs pour qu’ils entreprennent leurs recherches dans leurs pays d’origine dans le but de lutter contre la pauvreté.

Quel est l’intérêt de la primatologie et des primates pour le développement ?

Les primates sont, d’un point de vue génétique, cousins de l’Homme. Ils sont proches des humains dans la classification du règne animal. Il n’y a que 2 % de différence entre la formule génétique de l’Homme et celle des primates appelés “bonobos”.Ils sont des agents disperseurs des graines forestières. Certains jouent le rôle de polinisateurs des plantes. Ces animaux contribuent ainsi de façon évidente au maintien de l’intégrité et de la composition floristique des forêts. Je réitère que plus de la moitié des espèces de primates du monde vivent en Afrique et à Madagascar. Ils représentent un atout considérable pour l’écotourisme.

A quels problèmes sont confrontés les primates aujourd’hui ?

Le plus gros problème concerne la déforestation due à la culture sur brûlis, l’exploitation forestière incontrôlée, les activités minières… qui sont toutes autant de causes accélérant la perte d’habitat à l’origine de la disparition de ces mammifères. La chasse et l’élevage en captivité pour faire des primates des animaux de compagnie sont aussi une menace réelle pesant sur leur survie.

La préservation de leur habitat reste donc le plus gros défi pour l’Afrique en raison du taux élevé de la pauvreté, la mère des vices. Il est indispensable d’œuvrer pour l’amélioration des moyens de subsistance des communautés dont les revenus dépendent directement des ressources naturelles, afin de faire baisser la pression sur ces habitats. La mauvaise gouvernance et la corruption constituent un autre défi de taille.

Qu’est-ce que Madagascar peut tirer comme profit du fait d’avoir un de ses citoyens à la tête de l’IPS ?

En tant que président, je pourrai faire connaître les résultats des recherches réalisées par des chercheurs malgaches sur la scène internationale et surtout inciter les bailleurs de fonds à investir dans la recherche et la protection des primates à Madagascar. J’essaierai aussi de mettre en avant le développement de l’écotourisme basé sur la découverte des lémuriens ou “zaha-varika” ou lemur watching à Madagascar.

Je rêve aussi de voir s’ériger une statue géante de lémurien et un musée aux normes internationales, abritant des fossiles, qui sera source de revenus pour le tourisme à Madagascar. Pour que la connaissance et la protection des lémuriens, ces espèces emblématiques de la Grande Ile, ne soient pas sources de discorde mais, au contraire, source de développement pour les Malgaches.