18/03/22

Une nouvelle technologie pour éliminer la chenille légionnaire d’automne

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La chenille légionnaire d'automne. Crédit image: mage by Julio César García from Pixabay

Lecture rapide

  • La chenille légionnaire d’automne coûte aux agriculteurs jusqu’à 6,3 milliards de dollars par an
  • Des chercheurs créent une chenille légionnaire génétiquement modifiée pour contrôler les ravageurs
  • Mais la technologie est loin d'être prête et peut être difficile à utiliser en Afrique subsaharienne

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[NAIROBI] Selon une étude, des scientifiques ont développé une nouvelle technologie qui pourrait aider à contrôler la chenille légionnaire d’automne en libérant des mâles génétiquement modifiés qui supprimeraient les populations et ne laisseraient pas la possibilité à la progéniture suivante de survivre.

La chenille légionnaire d’automne (Spodoptera frugiperda) qui a été détectée en Afrique subsaharienne pour la première fois en 2016, pourrait entraîner la perte d’un tiers de la production de maïs dans certains pays et jusqu’à 6,3 milliards de dollars par an, selon l’étude publiée dans le revue BMC Biotechnology .

La technologie génétique développée par Oxitec, une société de biotechnologie basée au Royaume-Uni, qui modifie génétiquement les insectes pour aider à les combattre, permet la production de cohortes exclusivement mâles de la légionnaire d’automne.

Une fois relâchées dans les champs des agriculteurs, ces mâles s’accoupleront avec les chenilles légionnaires d’automne femelles nuisibles, et leur progéniture femelle ne pourront pas survivre, ce qui entraînerait moins de ravageurs pour les cultures et donc moins de dégâts.

“Lorsque nous aurons terminé le développement du produit, nous explorerons comment nous pouvons le mettre à la disposition des agriculteurs d’autres régions”

Kelly Matzen, Oxitec

« Les ravageurs des cultures continuent de propager des maladies et de dévaster la production alimentaire. La gestion actuelle de ces ravageurs dépend fortement de quelques outils, dont beaucoup ont des impacts écologiques hors cible, sont vulnérables au développement de la résistance dans la population de ravageurs et sont souvent limités dans leur efficacité », déclare Kelly Matzen, co-auteur de l’étude et directeur technique chez Oxitec.

« Il y a donc un besoin urgent de nouvelles options de lutte antiparasitaire qui offrent une plus grande efficacité et durabilité, et une empreinte environnementale plus légère », ajoute-t-elle.

Ce ravageur est originaire des Amériques mais s’est depuis propagé rapidement à travers l’Afrique, l’Australie, l’Inde et l’Asie du Sud-Est.A en croire Kelly Matzen, une première phase de ces trois ans de recherche a permis le développement précoce de la chenille légionnaire d’automne génétiquement modifiée et le test de la compétitivité de ses cohortes contre les mâles de type sauvage.

« Nous poursuivons le travail et la phase de recherche actuelle se concentre sur la réalisation d’essais de développement de produits et d’activités de gestion responsable des produits, la réalisation d’essais sur le terrain au Brésil et le pilotage de la mise à l’échelle de la technologie », explique-t-elle.

« Pour l’instant, notre objectif avec la légionnaire d’automne est d’évaluer les performances de la chenille légionnaire d’automne génétiquement modifiée au Brésil. Lorsque nous aurons terminé le développement du produit, nous explorerons comment nous pouvons le mettre à la disposition des agriculteurs d’autres régions », indique Kelly Matzen dans un entretien avec SciDev.Net.

Problèmes réglementaires

L’étude affirme que l’amélioration du contrôle de la chenille légionnaire d’automne pourrait augmenter les récoltes des agriculteurs locaux et protéger leurs moyens de subsistance.

Cela aurait aussi le potentiel d’améliorer la sécurité alimentaire grâce à la disponibilité des grains de maïs pour les pays du monde entier.

Mais Ivan Rwomushana, scientifique senior et spécialiste de la gestion des espèces invasives au centre régional pour l’Afrique de CABI, l’organisation mère de SciDev.Net, affirme qu’il sera difficile de déployer la technologie d’Oxitec en Afrique subsaharienne sans le soutien des gouvernements.

“La technologie est sophistiquée pour un agriculteur à comprendre, et on ne peut pas non plus empêcher les parasites de voler vers les champs des voisins », analyse le chercheur.Il y a aussi des problèmes réglementaires, ajoute-t-il, qui doivent être résolus pour se conformer aux lois sur la biosécurité de chaque pays dans lequel la technologie pourrait être déployée.

Ivan Rwomushana explique à SciDev.Net que « cela pourrait même être plus difficile pour une légionnaire d’automne qui est connue pour sa capacité à voler. Si un pays comme le Kenya approuvait la technologie et que les insectes étaient déployés dans l’ouest du Kenya, qu’est-ce qui les empêcherait de se déplacer vers l’Ouganda, où les lois sur la biosécurité pourraient être plus strictes ?

« Je pense qu’il y a encore beaucoup de recherches nécessaires et que cette technologie est encore loin d’être utilisée sur le terrain », conclut-il.

La version originale de cet article a été produite par l’édition de langue anglaise de SciDev.Net pour l’Afrique subsaharienne.