22/04/22

Du papier issu du bananier pour combattre les ravageurs de la pomme de terre

Visit to Grace Rock farm, Kenya
Une unité de production de semences de pommes de terre au Kenya. Crédit image: N.Ronoh/CIP, CC BY-NC-SA 2.0

Lecture rapide

  • Les nématodes à kyste représentent 60 % des pertes de production de la pomme de terre en Afrique de l'Est
  • Mais un papier fabriqué à partir de déchets de bananier tue le ravageur et augmente les rendements
  • La technologie pourrait profiter aux producteurs de pommes de terre et renforcer la sécurité alimentaire

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[NAIROBI] Selon une étude, envelopper les semences de pomme de terre dans un papier développé à partir de déchets de bananiers recyclables réduit leur infestation par un ravageur dévastateur de la pomme de terre, multipliant par cinq le rendement.

Les nématodes à kystes de la pomme de terre (PCN[1]) entraînent des pertes de production de plus de 60 % au Kenya et les producteurs de pommes de terre d’autres pays d’Afrique de l’Est tels que le Rwanda et l’Ouganda sont également en proie à des ravageurs destructeurs.

La technologie connue sous le nom de « wrap and plant » (envelopper et planter) consiste à enfermer les semences de pommes de terre avant leur mise en terre, dans un papier absorbant épais fabriqué à partir de fibres de bananiers, créant une barrière protectrice pour les plantes contre les dommages causés par le PCN.

“La prochaine étape consiste à faire participer les fabricants de papier et à convaincre les agriculteurs d’acheter le papier pour semer les pommes de terre”

Baldwin Torto, ICIPE

Cette approche a été testée au Kenya pendant les saisons agricoles 2016 et 2017 et s’est révélée sans danger pour les agriculteurs et l’environnement, selon l’étude publiée dans Nature Sustainability.

« L’étude était une preuve de concept et la prochaine étape consiste à faire participer les fabricants de papier et à convaincre les agriculteurs d’acheter le papier pour semer les pommes de terre », déclare Baldwin Torto, scientifique principal à l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (ICIPE) et co-auteur de l’étude.

Cette technologie, dit-il, a le potentiel d’être utilisée pour protéger d’autres tubercules tels que l’igname et la patate douce contre les ravageurs du sol.Les nématodes à kyste de la pomme de terre sont des vers microscopiques qui endommagent cette plante, provoquant le flétrissement et la décoloration des feuilles, des kystes sur les racines, des racines réduites, un nanisme de la plante et une faible récolte.

Ces vers vivent sur les racines des plantes de la famille des solanacées telles que les pommes de terre et les tomates.

Baldwin Torto affirme que cette technologie biologique peut être la réponse à la réussite de la production de pommes de terre et à la lutte contre les ravageurs hautement destructeurs de la pomme de terre.

Il qualifie cette étude de révolutionnaire car elle fournit la preuve que la communication chimique entre la racine de pomme de terre et le nématode à kyste peut être bloquée à l’aide d’un papier à base de feuille de bananier recyclable.

Le papier absorbe environ 90% des produits chimiques qui stimulent l’éclosion chez le PCN et les sécrétions restantes qui traversent le papier ne sont pas assez puissantes pour permettre aux œufs qui éclosent de trouver des racines de pomme de terre, entraînant la mort des vers.

L’étude a également prouvé que la technologie réduit considérablement le besoin d’utiliser des pesticides, indiquent les chercheurs.

A en croire Baldwin Torto, la pomme de terre est la deuxième culture de base la plus importante d’Afrique de l’Est et la technologie « envelopper et planter » est un stimulant prometteur pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que pour les revenus des ménages.

Applicabilité

Elly Ouma Atieno, scientifique associée à l’International Potato Center, déclare : « les résultats sont très encourageants du point de vue de la recherche. En termes d’applicabilité, je pense qu’il reste encore beaucoup à faire pour les adapter aux conditions de l’agriculteur local ».

Ce dernier ajoute que les agriculteurs ont encore du mal à utiliser des semences certifiées qui ne sont parfois pas disponibles ou abordables. Il serait important de mener une analyse coûts-avantages, car la technologie entraîne des coûts supplémentaires en termes de main-d’œuvre et d’achat du papier, dit-il.Elly Ouma Atieno explique que la culture  de la pomme de terre est devenue une activité importante en Afrique de l’Est au cours des 20 dernières années, la production passant de 1,6 million à 3,4 millions de tonnes métriques.

Mais cette croissance est largement due à l’augmentation des plantations plutôt qu’à l’amélioration de la productivité, ajoute-t-il.

« Les résultats ont montré un potentiel pour augmenter les rendements », dit le chercheur, ajoutant que les résultats sont bons aussi bien pour les agriculteurs, les entreprises fournissant le papier que les gouvernements locaux.

La version originale de cet article a été produite par l’édition de langue anglaise de SciDev.Net pour l’Afrique subsaharienne.

Références

[1] Potato cyst nematodes