27/04/23

Le Sénégal produit 8 types de blé adaptés à la chaleur

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Le Sénégal met au point des variétés de blé adaptés aux climats chauds d'Afrique. Crédit image: $uraj tripathi de Pixabay

Lecture rapide

  • Des chercheurs de l’ISRA ont homologué huit variétés de blé adaptés aux climats chauds
  • L’objectif est de produire cette céréale afin de réduire la dépendance du pays aux importations
  • Cependant, il faudra attendre au moins une décennie pour avoir des résultats probants

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[DAKAR] Des chercheurs de l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) ont annoncé avoir mis au point et homologué huit variétés de blé dur et tendre, adaptées aux conditions climatiques du pays ; confirmant ainsi que la culture du blé est désormais possible au Sénégal.

« Les variétés de blé tendre telles que Hamat, Alioune Pendao et Dire 15 sont d’origine égyptienne et malienne », déclare Amadou Tidiane Sall, chargé de recherche et sélectionneur de blé à l’ISRA, interrogé par SciDev.Net.

Ces variétés ont été introduites au Sénégal dans les années 2010. Alors que les variétés de blé dur, telles que Haby, Amina et Dioufissa sont de la lignée de sélection du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA), précise le chercheur. Elles ont ensuite été testées dans les conditions agro-climatiques de la vallée du fleuve Sénégal.

“Ces variétés ont été testées en milieux paysans, pour leur qualité meunière et boulangère, mais aussi leurs caractéristiques pour la DHS (distinction, homogénéité et stabilité”

Amadou Tidiane Sall, ISRA

L’homologation de ces huit variétés est l’aboutissement d’un long processus. Des centaines de variétés améliorées et traditionnelles ainsi que des lignées de sélection ont été introduites. Ensuite, testées dans deux stations expérimentales de la vallée à Fanaye au Sénégal et à Kaedi en Mauritanie, explique Amadou Tidiane Sall.

A l’en croire, c’est après plusieurs saisons de criblage et d’évaluation de rendement que les huit variétés ont été sélectionnées. « Ces variétés ont été testées en milieux paysans, pour leur qualité meunière et boulangère, mais aussi leurs caractéristiques pour la DHS (distinction, homogénéité et stabilité) », confie-t-il.

Interrogé par SciDev.Net, Saliou Ndiaye, enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure d’agriculture (ENSA), souligne qu’il y a eu des avancées sur la question de la culture du blé dans les rives du fleuve Sénégal.

Les travaux de recherche en thèse sur ces questions montrent bien la possibilité de cultiver du blé dur servant à la fabrication des semences et des pâtes. Cependant, précise ce chercheur agronome, « avec des rendements relativement faibles, soit 1 à 2 tonnes par hectare ».

Au Sénégal, la consommation annuelle de blé par habitant est passée de 27 kg en 2002 à 42 kg en 2020, soit une augmentation de l’ordre de 56% en l’espace de 18 années, rapporte l’ISRA dans une note de synthèse du Bureau d’analyses macroéconomiques (BAME) de l’ISRA publiée en mai 2022.

Ce qui montre, selon l’Institut, l’évolution croissante de la démographie, de l’urbanisation et des habitudes alimentaires, en faveur des produits du blé, augmentant ainsi les importations.

D’ailleurs, « pour satisfaire ses besoins en consommation de blé estimés à un peu plus de 180 000 tonnes par an pour une valeur de 160 milliards de FCFA (plus de 268 millions USD) en 2020 » comme le relève l’ISRA, le pays dépend entièrement des importations, relève l’ISRA.

Souveraineté alimentaire

Pour réduire cette dépendance vis-à-vis des importations, le ministère de l’Agriculture, de l’équipement rural et de la souveraineté alimentaire du Sénégal (MAERSA) a mis en place un programme pilote de production de blé.

C’est à ce titre que l’Institut sénégalais de recherches agricoles a initié un programme de production de semences de prébase de cette céréale.

Pour Saliou Ndiaye, l’intérêt est de porter « les projections pour arriver à la sécurité alimentaire sur diverses autres céréales dont celle pour laquelle nous sommes totalement dépendants de son importation, qui est le blé », dit-il.

Le chercheur relève que le pays a plus d’avantages comparatifs sur d’autres cultures comme le maïs « dont nous sommes encore dépendant à plus 50 % ». A cause, précise-t-il, « de son incorporation dans les aliments de bétail et de volaille ».

Le président de l’association des consommateurs du Sénégal, Momar Ndao, pense que l’homologation de ces variétés de blé est une prouesse significative pour le pays. « Nous accueillons cette nouvelle avec beaucoup d’espoir et de joie parce que nous dépendons beaucoup de la consommation du blé qui est importé », soutient-il.

Donc, « si nous arrivons à produire un blé résistant à la température en territoire sénégalais, argumente-t-il, cela va nous permettre de pouvoir relever le défi de la souveraineté alimentaire par rapport au blé », affirme cet acteur de la société civile.

Mais pour arriver à une indépendance en matière de blé et atteindre une autosuffisance, Amadou Tidiane Sall soutient que « il faut d’abord chercher à être indépendant par rapport aux semences, produire suffisamment de semences certifiées, former les producteurs aux bonnes pratiques culturales, subventionner les intrants…».Et enfin encourager « les meilleurs producteurs en les mettant en rapport avec les meuniers pour l’achat de la production », conseille-t-il.

Si les spécialistes s’accordent à dire que le blé est une nouvelle niche de production à exploiter, « les échéances sont parfois de 10 à 25 ans pour espérer voir des résultats probants », tempère Saliou Ndiaye.

Pour l’équipe de recherche de l’ISRA, l’heure est à la vulgarisation à grande échelle. A en croire Amadou Tidiane Sall, l’Etat compte dès novembre 2023 emblaver 1000 ha, et « il y a plusieurs autres initiatives privées pour le développement de la culture », conclut-il.