09/04/09

Nouvelle polémique sur les effets des changements climatiques sur les maladies

Il existe des preuves irréfutables démontrant que les changements climatiques ont été à l'origine d'apparition d'épidémies chez les coraux, mais l'histoire des maladies humaines est-elle aussi simple? Crédit image: Flickr/hdptcar

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L’opinion répandue selon laquelle les changements climatiques ne peuvent qu’accroître le poids des maladies infectieuses vient d’être remise en cause, suscitant un débat qui pourrait s’étendre aux professionnels de la santé, aux environnementalistes et aux décideurs politiques.

Des milliers d’articles qui prédisaient une corrélation entre la hausse des températures et la recrudecsence d’ insectes vecteurs de maladies ont été publiés ces dernières années.

Cependant, un écologiste soutient à présent que l’impact des changements climatiques sera beaucoup plus complexe qu’on ne le pense, entraînant même  une baisse de la prévalence de certaines maladies infectieuses.

Kevin Lafferty, chercheur en écologie pour le Service géologique des États-unis à l’Université de Californie, Santa Barbara, expose son point de vue dans le numéro d’avril de la revue Ecology. Cette revue publie cinq articles de réaction reflétant les "opinions extrêmes et opposées que l’article de Lafferty a suscitées chez ses pairs," selon Kenneth Wilson de l’Université de Lancaster au Royaume-Uni, qui a rédigé un autre article de suivi pour la revue.

L’article de Lafferty « va semble-t-il susciter un autre débat houleux entre écologistes" et même chez  d’autres spécialistes "à cause des implications en matière de financement et des conséquences politiques susceptibles de découler de la remise en cause du lien entre les changements climatiques et  les maladies infectieuses, " estime Wilson.

Dans son article, Lafferty soutient que la hausse des températures due aux changements climatiques ne représente qu’un facteur parmi de nombreux facteurs socioéconomiques et environnementaux qui déterminent les changements climatiques. Il est plus probable que les changements climatiques modifient plutôt que grossissent la population d’insectes vecteurs de maladies, et certaines régions pourraient même connaître une baisse de la prévalence des maladies, écrit-il. L’écologie est essentielle pour comprendre ces complexités.

"[L’impact des changements climatiques] pourrait être relativement mineur, surtout en ce qui concerne un certain nombre de maladies humaines infectieuses pour lesquelles on sait que d’autres facteurs, tels que l’économie, jouent un rôle majeur," a-t-il précisé au reporter de SciDev.Net.

Par exemple, les pays situés en haute altitude et les pays riches disposent des ressources nécessaires pour lutter contre le paludisme et le traiter. Par conséquent, le fait que leur environnement devienne plus propice pour les moustiques n’implique pas nécessairement une augmentation du nombre de cas de paludisme.

Les facteurs tels que la longueur de la journée, un facteur plus saisonnier que climatique, peuvent affecter les vitesses de propagation, et les précipitations peuvent jouer un rôle complexe dans la modification des habitats des vecteurs des maladies. Les actions de l’homme comme l’occupation des terres et les méthodes de lutte contre les maladies ont également un impact sur le nombre de cas.

Lafferty pense que des analyses simplistes de la question concluent souvent à une conséquence unidirectionnelle ; la prévalence des maladies infectieuses s’accroîtrait.

 « Je ne veux pas dire que nous ne devrions pas étudier cette question, ce qui m’intéresse c’est créer un cadre dans lequel nous pourrions  l’étudier plus efficacement, » précise-t-il. « Je crois que nous devrions nous inquiéter du fait que l’accent est trop mis sur les changements climatiques au détriment d’autres effets véritablement importants sur lesquels nous pouvons agir, telle que l’économie ».

En réaction à cette hypothèse, Mercedes Pascual de l’Université du Michigan, aux Etats-Unis, et Memo Bouma de l’Université de Londres, au Royaume-Uni, ont répondu dans un article que même si la présence géographique d’un moustique, disons celui qui est vecteur du paludisme, n’augmente pas, ces moustiques pourraient se répandre dans des régions plus peuplées ou plus vulnérables. Pour ces deux chercheurs, les populations des pays où le paludisme est présent ont tendance à se concentrer dans des zones à faible risque, à haute altitude, et par conséquent la progression du paludisme en altitude pourrait déboucher sur une hausse de la prévalence de cette maladie.  .

Pascual et Bouma s’inquiètent également du fait que les conclusions de Lafferty pourraient être interprétées comme signifiant que les changements climatiques n’ont aucun effet sur l’évolution des maladies infectieuses.

De plus, certains auteurs relèvent qu’il existe déjà des preuves irréfutables que les changements climatiques ont entraîné la prévalence de certaines maladies humaines et ont été à l’origine d’apparition soudaine et spectaculaire d’épidémies chez des animaux amphibies, des mollusques et crustacés, et des coraux.

Toutefois, Sarah Randolph, de l’Université d’Oxford, écrit dans son article paru dans la revue Ecology qu’"un discours par trop simpliste" sur l’impact des changements climatiques est « moralement indéfendable s’il détourne l’attention des organismes de santé publique de la nécessité d’une action plus efficace orientée vers les causes réelles ».

Lien vers l’article complet de Lafferty dans Ecology

Vous pouvez obtenir les articles complets auprès de Chritine Buckley de Ecological Society of America à l’adresse email [email protected].