03/12/20

Madagascar : ancrer la culture de la vanille dans l’agroécologie

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Une plantation de vanille sous un recouvrement moyen à Andramanolotra, Sambava (Madagascar) en Novembre 2019. Crédit image: Marie Rolande SOAZAFY

Lecture rapide

  • La production de la vanille à l’ombre des arbres attire les ennemis des ravageurs, protégeant les cultures
  • Cette approche permet parallèlement de cultiver cette épice sans dégrader l’environnement
  • Un expert local préconise la mise en application des résultats de cette étude

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[ANTANARIVO] Une récente étude focalisée sur les taux de prédation suivant l’utilisation des terres met en exergue le fait que la vanille, cultivée dans des systèmes agroforestiers, peut fournir une opportunité en matière de conservation de la biodiversité et la préservation des écosystèmes.

Pour ce faire, une équipe internationale de chercheurs ont utilisé 2 880 chenilles artificielles pour évaluer les taux de prédation sur différentes parcelles comprenant de vieilles forêts, des fragments de forêt non brûlés, des jachères herbacées et ligneuses issues des cultures sur brûlis ainsi que des rizières.

Ils ont alors constaté que la prédation a été plus élevée sur les terres non brûlées que dans les habitats plus ouverts précédemment brûlés, et que dans les rizières. De plus, il a été enregistré des densités élevées de tiges et de végétation dans les zones ayant un fort taux de prédation.

“Le plus important est le passage à la mise en application du résultat [et] elle demande encore une autre étape de la recherche”

Nirina Rakotoarimanga, Centre national de recherches sur l’environnement

« Les insectes peuvent être des polinisateurs ou ravageurs, selon le cas, tandis que les prédateurs limitent l’accroissement des populations d’insectes. Il s’agit d’une question d’équilibre », explique Marie Rolande Soazafy, co-auteur de l’étude et enseignante au centre universitaire régional de Sava à Madagascar.

« La plantation de vanille est basée sur l’agroforesterie ; car les vanilliers ont besoin d’arbres pour leur servir de supports et d’ombrage », indique pour sa part Anjaharinony Rakotomalala, doctorant à l’université d’Antananarivo et lui aussi co-auteur de l’étude publiée dans le Journal of Applied Ecology.

Ce type de culture, selon la conviction de l’équipe internationale qui a mené la recherche, pourrait ainsi aider à conserver la biodiversité et à protéger les terres contre la dégradation.

Nirina Rakotoarimanga, enseignant-chercheur rattaché au Laboratoire de microbiologie de l’environnement auprès du Centre national de recherches sur l’environnement admet que cette étude est déjà une étape majeure vers l’éveil de la conscience sur la nécessité de « cultiver tout en préservant la nature ».

« Leur travail démontre la possibilité de préserver la nature ou faire œuvre de restauration en dehors des forêts existantes même si le résultat de la recherche ne parvient pas directement aux planteurs de vanille [par manque de sensibilisation] », analyse l’expert.

Pesticides

D’après ce dernier, les mangeurs de feuilles sont les ennemis potentiels de la culture de la vanille à Madagascar et la gestion de l’équilibre basée sur les taux de prédation fera éviter tout éventuel recours aux pesticides. De la sorte, dit-il, la vanille malgache restera pour longtemps un produit bio et pourra ainsi préserver son prestige.

« Le plus important est le passage à la mise en application du résultat [et] elle demande encore une autre étape de la recherche », confie Nirina Rakotoarimanga à SciDev.Net.

Celui-ci met toutefois en garde contre le fait qu’il n’y ait pas que les insectes qui soient les ennemis de la vanille. Selon ses explications, il y a aussi les champignons ; et il se demande alors si la diversité des plantes poussant avec les vanilliers favorise des maladies fongiques ou non.

Nous avons choisi de travailler sur la filière vanille « parce qu’elle fait vivre plusieurs ménages [plus de 80 000 planteurs recensés] tout en étant respectueuse de l’environnement par rapport à d’autres types de cultures », soutient Marie Rolande Soazafy.

Or, la principale région productrice de vanille de Madagascar – le nord-est de l’île – compte aussi parmi les zones constamment sujettes à une intense déforestation liée aux cultures sur brûlis.

Madagascar est le premier producteur mondial de cette épice dont elle revendique 80% de la production globale. Mais la montée de nouveaux producteurs à savoir la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Indonésie, l’Ouganda et les Comores menace de briser ce quasi-monopole.