20/05/15

La peste porcine refait surface dans le nord du Cameroun

Elevage de porcs 2
Elevage de porcs. Crédit image: Rivonala Razafison

Lecture rapide

  • Divagation des bêtes et manque d’hygiène favorisent l’expansion de la maladie
  • Aucun vaccin ni traitement ne sont encore disponibles contre cette affection
  • L’élevage du porc tient une place non négligeable dans l’économie des deux pays.

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Une épizootie de peste porcine africaine sévit depuis le début du mois de mai, dans les départements du Mayo Danay et Mayo Kani dans la province de l’Extrême-Nord du Cameroun, limitrophe du Tchad.

Interrogé par Scidev.Net, Kidmo Mbraogue, Responsable départemental de l’élevage du Mayo Danay, indique que "au moins 400 porcs sont déjà morts, tués par la maladie ou alors abattus par les services vétérinaires".

"La peste porcine africaine est une maladie infectieuse extrêmement mortelle et contagieuse. Elle tue au bout de trois jours", explique ce médecin vétérinaire.

Il ajoute que "Dans l’Extrême-Nord, les éleveurs désignent la maladie sous l’appellation de maladie rouge, du fait de la rougeur de l’abdomen et des oreilles des porcs malades".

Cette épizootie, poursuit-il, est arrivée "dans cette partie du Cameroun fin avril par des élevages infectés de la région tchadienne du Mayo Kébi, à la suite d’échanges transfrontaliers".

Cependant, la propagation de cette épizootie dans cette région du Cameroun a aussi été favorisée "par le manque d’hygiène dans les porcheries et le grand nombre de porcs en divagation", reconnaît David Soulna, l’un des plus grands éleveurs de porcs du village Datchekeka, particulièrement atteint par la maladie.

“Aucun abattoir digne de ce nom n’existe chez nous comme le veut la réglementation. Il n’y a que des tueries que nous rencontrons partout. Or, un abattoir permet de détecter la maladie et de prendre des mesures correspondantes.”

Solofoniaina Rakotondrahanta, Directeur des Malagasy professionnels de l’élevage (MPE)

Outre l’abattage systématique des porcs, l’autre mesure prise est l’interdiction de la circulation du bétail entre les deux départements touchés.

Sans oublier l’interdiction du commerce et des échanges de bétail avec le reste du pays ainsi que la désinfection systématique des porcheries.

Ce dispositif de surveillance devrait demeurer en place pendant six mois ; même si, à en croire Kidmo Mbraogue, "la maladie est désormais sous contrôle".

Cette épizootie rappelle celle de 2010 qui avait vu l’abattage de quelque 25 000 porcs dans la même province ; et fait déjà craindre une hausse des prix de la viande de porc sur les marchés.

Mais, le Cameroun n’est pas le seul pays africain concerné en ce moment par la peste porcine africaine.

Une récente étude menée à l’Obihiro University of Agriculture and Veterinary Medicine au Japon pointe du doigt l’attitude des éleveurs malgaches dont l’ignorance de la loi entrave la lutte contre cette maladie sur la Grande Île.

La maladie qui a décimé presque 100 % du cheptel national en 1997-1998 est aujourd’hui devenue endémique à Madagascar, selon Julie Ravaomanana du département de Recherche zootechnique et vétérinaire du Centre national de recherche appliquée au développement rural (Fofifa).

"Nos éleveurs sont malins. Ils connaissent les symptômes ; mais, sans hésitation, ils recourent à la vente à perte dès les premiers signes suspects, contribuant ainsi à la propagation du virus", regrette-t-elle.

Pour Solofoniaina Rakotondrahanta, Directeur des Malagasy professionnels de l’élevage (MPE), la situation est aggravée par l’absence de structures adéquates d’abattage.

"Aucun abattoir digne de ce nom n’existe chez nous comme le veut la réglementation. Il n’y a que des tueries que nous rencontrons partout. Or, un abattoir permet de détecter la maladie et de prendre des mesures correspondantes", remarque-t-il.
La conséquence c’est que malgré l’interdiction, les porcs sont toujours en divagation et les populations continuent de consommer de la viande contaminée.

"La viande a même un goût légèrement affadi dans ce cas en raison de la présence de toxines dans l’organisme de l’animal. Mais aucun risque de zoonose pouvant affecter la santé humaine n’est à craindre", confirme Julie Ravaomanana.

Malheureusement, pour l’heure, dit cette chercheuse, il est impossible d’éradiquer cette maladie parce qu’aucun vaccin ni traitement ne sont disponibles.

Le moins que l’on puisse dire est que cette maladie a de grandes conséquences sur l’économie des pays concernés.

A Madagascar, la filière porcine, incorporée dans l’élevage à cycle court touche 71,7 % de la population et est l’une des activités les plus porteuses pour le monde rural.

Au Cameroun, la province de l’Extrême-Nord représente à elle seule près de 25% de la production nationale de porcs estimée en 2014 à 1,7 millions de têtes ; tandis que le pays produit 47 000 tonnes de viande de porc par an sur une demande estimée à 75 000 tonnes.