20/04/17

L’agroforesterie avec de nouvelles variétés de café arabica

Coffee plant
Des cerises de café Crédit image: Flickr / Viêt Nnâm Nguyên

Lecture rapide

  • De nouvelles variétés de café arabica sont à l’essai en agroforesterie dans 4 pays
  • Des clusters vont être créés pour assurer la qualité et la traçabilité de la production
  • Les arbres fruitiers à associer aux caféiers sont fonction des choix du producteur

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La culture du café est au centre d’un projet de recherche que vient de lancer le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) en vue de son adaptation à l’agroforesterie pour faire face au changement climatique.
 
L’objectif ultime étant de développer un nouveau concept d’approvisionnement de l’Europe (premier consommateur mondial) en café de qualité, 100 % traçable, issu de l’agroforesterie.
 
Intitulé Breeding Coffee for AgroForestry Systems (Breedcafs), ce projet est financé par le programme européen de recherche et d’innovation H2020 (Horizon 2020) et connaît la participation de torréfacteurs européens et de producteurs de café de quatre pays : Nicaragua, Salvador, Vietnam et Cameroun.
 

“Je suis persuadé que les variétés proposées vont se développer très bien au Cameroun dans nos essais et vont donner des cafés d'exception”

Benoît Bertrand
Chercheur au CIRAD (France)

 
Si l’arabica et le robusta sont les deux espèces de cafés cultivés à travers le monde, seul l’arabica est concerné par cette étude qui consiste concrètement à introduire de nouvelles variétés d’arabica et d’en étudier le comportement dans des conditions climatiques extrêmes.
 
"De nouvelles variétés hybrides, produites par le CIRAD avec ses partenaires seront expérimentées suivant plusieurs scénarios de hausse de température, d’enrichissement en CO2 et sous différents régimes hydriques et de lumière", peut-on lire dans l’article de présentation du projet publié sur le site du CIRAD.
 
"L’idée est de comprendre les mécanismes moléculaires de l’adaptation à l’agroforesterie et d’identifier des gènes candidats pour la sélection de variétés hautement productives et adaptées à l’agroforesterie", ajoute le texte.
 
Le CIRAD justifie cette initiative de recherche par le fait que jusqu’à présent, peu de variétés de café s’accommode de l’agroforesterie qui est pourtant considérée comme "une voie d’adaptation de la production caféière au changement climatique"
 
SciDev.Net a pris contact avec Benoît Bertrand chercheur au CIRAD et coordinateur de Breedcafs, qui donne ici un aperçu des raisons de cette difficile adaptation.
 
"Cultivé en agroforesterie, dit-il, le caféier qui est un arbuste reçoit moins de soleil, donc moins d'énergie. Il a tendance à pousser moins vite et à produire moins vite. Les variétés ne sont pas toutes équipées de la même façon pour répondre à ce défi. Elles n'ont pas les mêmes gènes et donc ne vont pas forcément s'adapter correctement à cette contrainte".
 

Clusters agroforestiers

 
A en croire le CIRAD, le café est cultivé dans plus de 55 pays tropicaux. Originaire d'Ethiopie, le café arabica est bien adapté à la montagne (de 1000 à 2000 m d'altitude). En Afrique, il est cultivé dans un certain nombre de pays : Ethiopie, Tanzanie, Kenya, Burundi, Rwanda, Cameroun ; et un peu en Ouganda, au Togo, au Zimbabwe et en Zambie.
 
"Je suis persuadé que les variétés proposées vont se développer très bien au Cameroun dans nos essais et vont donner des cafés d'exception (specialty coffee)", assure Benoît Bertrand. Ajoutant que le pays a été retenu pour cette phase pilote parce qu’il est le seul pays africain francophone où l'on cultive l'arabica de façon significative et parce qu’il a un grand potentiel de développement avec ses zones montagneuses.
 
Reste maintenant à savoir si les producteurs vont adopter ces nouvelles variétés. Pour les chercheurs du CIRAD, tout dépendra également de la gouvernance de la filière dans les pays concernés.
 
Mais, au-delà de cette variable, les initiateurs du projet y associent le développement de clusters agroforestiers (réseaux de producteurs) pour lui donner un peu plus de chance de réussite.
 
Ainsi, expliquent-ils, "les producteurs feront du commerce avec les torréfacteurs en réduisant à un le nombre d'intermédiaires. Pour cela ils devront définir un cahier des charges spécifiques pour respecter la qualité du produit, un peu comme une appellation d'origine. Cela devrait leur assurer des revenus réguliers et plus importants".
 
A ce propos, l’on apprend que deux clusters sont prévus pour être expérimentés au Cameroun et au Viet Nam sur le modèle d’un prototype développé au Nicaragua et qui regroupe en tout 80 producteurs exploitant un total quelque 1 300 hectares (ha) en agroforesterie.
 

Arbres fruitiers

 
Une autre préoccupation est celle de savoir quels arbres fruitiers peuvent le mieux être associés à la caféiculture dans le cadre de cette agroforesterie, notamment en Afrique et au Cameroun en particulier.
 
Interrogé à ce sujet par SciDev.Net, Philippe Vaast, autre chercheur du CIRAD, mais qui collabore avec le Centre international de recherche en agroforesterie (ICRAF), fournit des indications : "De manière générale, dit-il, sont préférables les arbres fruitiers qui n'ont pas un ombrage trop dense. Car, un excès d'ombrage réduit fortement la floraison des caféiers en dessous, et aussi leur ensoleillement, leur capacité photosynthétique et in fine leur production de cerises de café".
 
Toutefois, tient à souligner l’intéressé, "il n'y a pas de recette universelle et d'espèces fruitières parfaites. Le choix des espèces d'arbres à associer aux caféiers se fait en fonction des conditions écologiques de la zone et des préférences du fermier".
 
Par conséquent, "tout est question de compromis. Si votre manguier, exemple d’arbre à fort ombrage, rapporte un revenu qui compense ou qui est supérieur à celui des 6 à 10 caféiers qui sont trop fortement ombragés et qui produisent peu, le fermier peut choisir de mettre ces manguiers pour diversifier son revenu".
 
"Par contre, poursuit-il, si les arbres fruitiers produisant un fort ombrage rapportent peu, il vaut mieux en mettre un minimum (moins de 10 par ha) voire les tailler dans les semaines qui précédent la floraison des caféiers, au risque de diminuer leur production de fruits, et donc privilégier celle des cerises de café".
 
Et il conclut : "il est cependant certain que si vous passez au-delà de 50 à 60% d'ombrage, donc plus de 80 à 100 arbres par ha, votre ombrage agroforestier va réduire trop fortement votre production de café".
 
Quoi qu’il en soit, SciDev.Net a appris que les chercheurs de l’ICRAF ont développé un prototype d’outil d’aide à la décision pour aider les producteurs agricoles à opérer des choix d’espèces d’arbres fruitiers en fonction des connaissances agroforestières locales. Un outil qui sera davantage vulgarisé à la faveur du projet Breedcafs
 
Prévu pour durer quatre ans (2017 – 2021), ce projet qui est mis en œuvre dès ce mois d’avril 2017 est doté d’un budget de 4,5 millions d’euros, soit juste un peu moins de trois milliards de FCFA.