25/10/13

Les cafés scientifiques pour inspirer les futurs scientifiques africains

Uganda Kyankwanzi-Kiboga
Crédit image: Flickr/Trees for the Future

Lecture rapide

  • En Ouganda, les scientifiques peuvent aller dans les écoles pour échanger avec les enfants sur la science
  • Cette initiative inspire les élèves à embrasser des carrières scientifiques, mais son financement prendra bientôt fin
  • Un spécialiste appelle le gouvernement et le secteur privé à soutenir l’initiative.

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Inidy Achom, 15 ans, élève au lycée de Gulu, dans le nord de l’Ouganda, a toujours voulu devenir chercheuse, mais elle n’a jamais imaginé que le chemin vers la carrière qu’elle s’est choisie la conduirait à l’agriculture, du moins jusqu’à ce qu’elle prenne part les 18 et 19 septembre à la conférence sur les cafés scientifiques en Afrique qui s’est tenue à Kampala, en Ouganda.

Désormais, Achom semble savoir exactement ce qu’elle veut être dans une dizaine d’années – obtentrice ou biotechnicienne.

Sa détermination à réaliser ce rêve lui a été inspirée pendant un débat lors d’un café scientifique intitulé « Biotechnologie moderne et OGM : une mauvaise nouvelle pour l’Ouganda ».

Il existe plusieurs types de cafés scientifiques – où les scientifiques entretiennent la population d’une localité  sur les lieux où elle se rassemble habituellement.

Le type de café scientifique auquel Achom a participé dans son lycée est un modèle dans lequel les scientifiques vont dans les établissements scolaires discuter avec les élèves.

Ce modèle permet également aux enseignants d’apprendre à transmettre les connaissances scientifiques en dehors de la salle de classe.

Achom a été inspirée par Geoffrey Arinaitwe, phytogénéticien et consultant auprès de l’Institut national de recherche agricole en Ouganda (NARO), qui a pris la parole au cours du café scientifique de Kampala.

Lors de la session, le phytogénéticien a expliqué comment on peut mettre à profit la biotechnologie pour fabriquer du yaourt, l’une des boissons préférées d’Achom. 

Les travaux d’Arinaitwe portent sur l’augmentation de la teneur de la banane en vitamine A, une denrée de base consommée par la quasi-totalité de la population en Ouganda.

Toujours à cette occasion, un élève a voulu savoir si l’on retrouve déjà les organismes génétiquement modifiés (OGM) en Ouganda. 

« A ma connaissance, il n’y a pas d’OGM en Ouganda », a répondu Geoffrey.  « Les grosses bananes que vous voyez sont des hybrides ».

 

Retombées des cafés scientifiques

Duncan Dallas, le créateur des cafés scientifiques, décrit leur rôle comme suit : « Les cafés scientifiques permettent de faire voyager les enfants dans le futur où ils vivront.

L’évolution de la science n’a jamais été aussi rapide et, de nos jours, elle change la vie des gens de manière plus concrète ».

Il estime en outre que les « cafés scientifiques favorisent des échanges permettant aux jeunes de  tout remettre en cause, de ne pas toujours être d’accord avec tout dans la vie, et de  réfléchir par contre sur les problèmes et y d’apporter des solutions ».

“C’est un nouveau concept et nous allons le promouvoir parce que nous avons été impressionnés par les cafés scientifiques organisés dans nos établissements scolaires.”

Nsamba Lyazi, commissaire ougandais à l’enseignement secondaire

Aujourd’hui, l’enseignement de la science dans le monde entier pose problème parce que peu de temps est consacré aux jeunes apprenants, dont l’intérêt pour les disciplines scientifiques s’estompe, alors que la science est un paramètre capital pour le développement, affirme Dallas.

D’après lui, en Afrique, la plupart des enfants ne posent pas de questions, ils se contentent d’apprendre leurs leçons pour passer leurs examens.

Selon Betty Kituyi Mukalu, coordonnatrice du projet Café Scientifique-Ouganda, même si l’apprentissage de la science doit être basé sur le questionnement, il doit soulever des questions et promouvoir le débat, tout en recherchant des solutions et en entreprenant des actions.

Elle souligne que les cafés scientifiques ne diluent pas la science, mais donnent aux apprenants la chance de voyager dans le monde moderne et le futur.

Nsamba Lyazi, commissaire ougandais à l’enseignement secondaire, en convient : « c’est un nouveau concept et nous allons le promouvoir parce que nous avons été impressionnés par les cafés scientifiques organisés dans nos établissements scolaires. Nos élèves doivent se livrer à la concurrence et se distinguer dans les disciplines scientifiques. Lorsque les jeunes sont en face de  modèles, ils sont inspirés et c’est cet objectif que nous poursuivons ».

En 2009, le gouvernement ougandais a autorisé l’initiative Café scientifique à échanger avec les jeunes gens dans les établissements scolaires.

Aujourd’hui, 35 établissements et 17 districts participent à ce programme.

« C’est devenu très populaire. Changer l’état d’esprit d’un peuple vis-à-vis de la science passe par l’implication des plus jeunes, parce que l’avenir leur appartient », affirme Lyazi.

 

Un complément à l’enseignement des sciences

L’objectif des cafés scientifiques est de corriger une lacune plus profonde de l’enseignement des sciences dans les écoles à de jeunes élèves « plus occupés aujourd’hui que les adultes et  pour qui la science n’est pas la discipline préférée.

En Ouganda, les cafés viennent compléter les efforts des pouvoirs publics pour la promotion de la science à travers des mesures visant à encourager les enseignants et l’octroi de bourses.

Le concept des cafés scientifiques est une méthode alternative d’enseignement des sciences dans les écoles en donnant l’occasion aux élèves d’être  dans un autre environnement.

Dans ce concept, les scientifiques descendent dans les écoles où les élèves échangent avec eux, et non plus uniquement avec leurs enseignants, ce qui est passionnant, selon Dallas.

Cela ne signifie pas pour autant que tous les élèves sont enthousiasmés par le concept.

« Certains élèves n’ont pas compris l’importance des cafés scientifiques, probablement parce que nous ne les évaluons pas », affirme Sarah Ojikot, professeur de sciences au lycée de Gulu qui ajoute : « ils veulent juste avoir des livres de science même s’ils aiment cette expérience dans un autre environnement que la salle de classe avec des gens nouveaux, autre que leurs enseignants ».

Pour Gerald Muhumuza, professeur de sciences au Lycée Bishop Cipriano, « vous n’avez pas besoin de laboratoires pour les échanges lors des cafés scientifiques. Notre laboratoire, c’est la nature. Il s’agit d’une méthode informelle d’enseignement de la science. Si vous cassez un tube à essai, vous n’êtes pas obligé de le remplacer par une dizaine d’autres tubes, comme c’est le cas dans certains établissements ».

 

Des robots dans les cafés scientifiques

Solomon Benge King est un spécialiste de la robotique amateur.

Il est le fondateur de Fundi Bots, qui s’est donné pour mission de promouvoir et de vulgariser l’électronique et la robotique auprès des jeunes.

C’est grâce au projet Café scientifique que Fundi Bots accède aux écoles et échange avec des enfants de six ans ou plus.

Les experts de Fundi Bots tentent de combler le fossé entre la pratique et la théorie en encourageant les élèves à mettre leurs idées en pratique dans le monde réel.

« Les robots aident les élèves à mieux comprendre ce qu’on leur enseigne en classe. Cela nous permet d’envisager des solutions aux problèmes qui nous entourent », affirme King.

Dans l’un des établissements, King et son équipe ont posé aux élèves la question de savoir comment ils utiliseraient les robots.

En réponse, un élève a dit qu’il utiliserait un robot pour garder le bétail.

Il a ajouté qu’à la maison, sa famille dispose d’un enclos de chèvres qu’il a le devoir d’ouvrir très tôt le matin avant d’aller à l’école et de refermer le soir à son retour à la maison.

Parfois, à cause de cette tâche, il arrive à l’école en retard et sale, alors qu’avec  un « robot berger » serait ponctuel et propre.

« Je suis un pur produit du projet Café scientifique. Depuis mon enfance, j’aime bricoler des appareils électroniques. Nous avons demandé à Mukhalu si les robots ont des états d’âme et elle a fait intervenir un exposant de Fundi Bots », déclare Victor Kintu, un étudiant qui a pris part à la Conférence sur les cafés scientifiques en Afrique, à Kampala.

« Avec la théorie, certaines choses deviennent compliquées. J’aime la pratique. J’aime le côté programmation de la robotique », ajoute Kintu.

 

Soutenir les cafés scientifiques

Comme la plupart des projets soutenus par les donateurs en Afrique, le financement du projet Café scientifique en Ouganda prend fin cette année.

Dallas estime que le gouvernement, les écoles et les communautés doivent soutenir cette initiative.

Il lance également un appel en direction du secteur privé et surtout des opérateurs de télécoms pour qu’ils soutiennent financièrement le projet.

« Nous n’avons pas d’argent, mais nos amis et nos élèves sont si passionnés par l’initiative Café scientifique. Nous avons aussi des partenariats et des structures de pression et de réseautage », affirme Mukhalu.

Ce n’est qu’avec l’appui de ces partenaires qu’Achom et les autres élèves peuvent réaliser leur ambition de devenir des obtenteurs et des scientifiques de haut vol.

Cet article est une production de la rédaction Afrique subsaharienne.