06/04/21

Le monde perd 220 millions d’hectares de forêts tropicales en 30 ans

Déforestation
La création d'espaces agricoles est l'une des principales causes de déforestation. Crédit image: CIFOR (CC BY-NC-ND 2.0)

Lecture rapide

  • La Côte d’Ivoire, la Guinée et le Ghana ont perdu respectivement 71%, 67% et 60% de leurs forêts
  • Due à la création d’exploitations agricoles, cette dégradation des forêts perturbe climat et la biodiversité
  • L’élaboration de plans de gestion durable des forêts est recommandée pour ralentir leur disparition

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[COTONOU] En 20 ans, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Ghana ont perdu respectivement 71%, 67% et 60% de leur couvert de forêts tropicales humides. Telle est l’un des constats d’une étude cartographique publiée dans la revue Science Advances

Cette étude révèle qu’au total, ce sont quelque 220 millions d’hectares de forêts tropicales humides ont été perdus à travers le monde depuis 1990.

Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs de l’étude ont analysé plus de trente ans de données satellitaires sur les perturbations du couvert forestier tropical mondial, traitant au total 1,37 million d’images grâce au cloud computing.

Ils ont constaté qu’à l’échelle de la planète, 17 % des forêts tropicales humides ont déjà disparu au profit de l’agriculture et d’autres utilisations des terres depuis 1990.

Les évaluations faites par l’équipe internationale de chercheurs indiquent qu’en 2020, il ne reste que 1070 millions d’hectares de forêts tropicales humides dans le monde contre 1290 millions d’hectares en 1990.

“La surveillance des zones forestières tropicales et de leur intégrité est cruciale pour le développement durable”

Ghislain Vieilledent, CIRAD

Dans l’ensemble, d’après leurs résultats, les chercheurs ont observé que la déforestation a été largement sous-estimée par les précédents travaux, particulièrement en Afrique.

Christelle Vancutsem, spécialiste en télédétection et première auteure de l’étude, déclare à SciDev.Net que cette sous-estimation est due, d’une part, au fait que la déforestation associée à l’agriculture sur brûlis est difficile à détecter par satellite parce qu’elle affecte des surfaces de forêts petites mais multiples.

D’autre part, il y a la faible disponibilité d’images avant les années 2000 et la faible couverture satellitaire entre 2000 et 2013.

Les études antérieures ne se basaient que sur des synthèses annuelles ne permettant pas de capturer des changements très courts tels que ceux observés lors de l’exploitation sélective du bois ou d’un évènement climatique extrême comme l’ouragan.

Cameroun – Déforestation (orange) le long de la voie de chemin de fer (en haut à gauche) et autour d’un lac de retenue (en bas à droite) en 1990 (photo du haut) et en 2019 (photo du bas). Crédit: Christelle Vancutsem.

Or, selon Christelle Vancutsem, la présente étude a utilisé une nouvelle approche qui a consisté à exploiter toute l’information utile dans chaque image de l’archive.

Les chercheurs ont également exploité au mieux l’information temporelle dans les données en travaillant sur la séquence des perturbations détectées dans chaque image.

Cette dernière démarche, selon Christelle Vancutsem, a permis « d’identifier des trajectoires de changements au cours des trois dernières décades telle qu’une forêt qui est dégradée puis « déforestée » après plusieurs années et enfin qui repousse dans les dernières années ».

« L’approche que nous avons développée permet d’une part, une meilleure exploitation de l’information satellitaire notamment par une identification plus précise du bruit lié aux nuages et au capteur, et d’autre part une meilleure identification des changements visibles sur une courte durée », explique-t-elle.Cette déforestation est due à l’exploitation agricole et animale (plantations industrielles telles que le palmier à huile et l’hévéa) à la création de retenues d’eau, l’exploitation minière et à l’urbanisation (création de nouvelles infrastructures, routes, habitations).

D’après Ghislain Vieilledent, chercheur au CIRAD[1] et co-auteur de l’étude, « la conversion des forêts tropicales pour un usage agricole est la deuxième source d’émissions de CO2 dans l’atmosphère liées aux activités humaines après la combustion d’énergies fossiles. »

Mais quel qu’en soit le type, la déforestation et la dégradation des forêts constituent une menace pour le climat et la biodiversité.

Interrogé par SciDev.Net, Yabi Ibouraima, professeur d’agroclimatologie à l’université d’Abomey-Calavi au Bénin, explique que la déforestation et la dégradation des forêts entraînent « l’accélération du réchauffement de la température globale du fait de la transformation des puits de en source d’émission du carbone ».

Ce qui provoque « la modification des climats locaux par la transformation des climats plus doux et plus pluvieux en climats plus chauds et plus secs et une grande érosion de la biodiversité végétale et animale à l’échelle planétaire », ajoute l’universitaire.

Plans de gestion durable

Le plus inquiétant pour les auteurs de l’étude est que les forêts tropicales qui subsistent connaissent, elles aussi, une dégradation caractérisée par une perte ponctuelle de leur couvert forestier due majoritairement à l’exploitation de bois, aux feux de faible ampleur et aux perturbations naturelles comme les tempêtes.

A ce niveau, sur les 1070 millions d’hectares de forêts tropicales humides restantes en 2020, 10 % constituent des forêts dégradées et la moitié de ce pourcentage va par la suite être « déforestée ».

« La surveillance des zones forestières tropicales et de leur intégrité est donc cruciale pour le développement durable », estime Ghislain Vieilledent.Yabi Ibouraima recommande pour sa part « l’élaboration de plans de gestion durable des forêts qui encadrent mieux l’utilisation des ressources forestières et la mise en œuvre d’actions de restauration des aires dégradées en tenant compte des réalités de chaque région ou Etat ».

Abondant dans le même sens, Christelle Vancutsem indique que « en apportant une information précise sur les changements enregistrés ces 30 dernières années, nous soutenons les politiques de lutte contre la déforestation et de conservation de la biodiversité ».

Cette dernière souligne que les résultats de cette étude peuvent être utilisés à l’échelle globale, nationale ou régionale pour une meilleure gestion et conservation des forêts tropicales humides et aussi servir à quantifier de manière plus efficace les contributions des forêts tropicales aux flux de carbone à l’échelle planétaire.

Références

[1] Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement