17/03/21

L’agroforesterie pour stopper la flambée des maladies émergentes

"Multipurpose trees in Lower Nyando" by CGIAR Climate is licensed under CC BY-NC-SA 2.0
Des agriculteurs dans un champ associant des arbres et des cultures. Crédit image: CGIAR Climate (CC BY-NC-SA 2.0)

Lecture rapide

  • La perturbation des écosystèmes a créé un déséquilibre, rapprochant l’homme des virus et de leurs hôtes
  • L’agroforesterie se présente donc comme la solution pour réconcilier l’agriculture et l’environnement
  • Il y a aussi l’agrobiodiversité consistant à associer aux arbres des légumineuses pour empêcher l’érosion

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[DALOA, CÔTE D’IVOIRE] Les 12 et 13 mars derniers, l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire) a abrité une conférence scientifique sur l’agroforesterie et son intérêt pour la Côte d’Ivoire.

J’y ai appris que pour se hisser au rang des premiers producteurs mondiaux ou africains de cacao, d’anacarde, d’hévéa, de coton et d’huile de palme, la Côte d’Ivoire a détruit 90% de son couvert forestier et n’a plus que 2,5 millions d’hectares de forêts aujourd’hui. Une situation aux conséquences multiples…

« La problématique qui nous réunit est l’agroforesterie et son rôle dans la sécurité alimentaire et la lutte contre le changement climatique. On pourrait ajouter son rôle dans la lutte contre les pandémies également », souligne Inza Koné, directeur général du Centre suisse de recherche scientifique en Côte d’Ivoire (CSRS).

“On avait demandé à nos producteurs d’éliminer les arbres pour accroître les productions. La COVID-19 et l’appauvrissement des populations sont l’autre sonnette d’alarme qui montre qu’il faut revenir au meilleur choix qui est de conserver l’environnement”

Annick Koulibaly, université Jean Lorougnon Guédé de Daloa

Selon ses explications, le monde est confronté à différents désordres dont l’origine est essentiellement la perturbation des écosystèmes et l’un de ces désordres est la pandémie à coronavirus et, bien avant, la maladie à virus Ebola.

« Ce genre de pandémies va de plus en plus émerger parce qu’on a atteint un déséquilibre où l’homme se retrouve de plus en plus en contact avec ces virus qui étaient initialement isolés dans le monde sauvage, au sein de la faune sauvage et il y avait un mécanisme de régulation à long terme lié à la diversité biologique et à la densité des espèces », explique le chercheur.

« Cette diversité réduisait donc la propagation de ces virus ; mais cette diversité étant de plus en plus réduite, les hommes allant de plus en plus à la conquête des espaces et se retrouvent en contact direct avec des hôtes de virus ou avec les virus », démontre Inza Koné.

Aussi la conférence a-t-elle permis de rappeler qu’une stratégie d’intégration de 60 millions d’arbres dans la cacaoculture est envisagée dans le nouveau code forestier ivoirien qui prescrit l’agroforesterie.

Pour Christophe Kouamé, directeur de la représentation de l’ICRAF[1] en Côte d’Ivoire, il s’agit de « réconcilier notre agriculture avec notre environnement et ainsi faire de l’arbre, un allié utile pour les agriculteurs. »La recherche scientifique devra aboutir à la conception du « bon arbre à la bonne place pour le bon usage recherché », de l’avis de ce dernier qui reconnaît au passage qu’on « ne peut pas rebâtir la forêt qu’on avait avant. On va espérer faire reculer ces maladies que sont Ebola et le coronavirus. »

J’ai retenu de ces échanges que pour trouver des solutions à ces problèmes, il faudrait pratiquer l’agriculture autrement.

« On parle d’agriculture zéro déforestation ou d’agroforesterie. Il s’agit d’un système dans lequel les arbres sauvages ou naturels cohabitent avec les arbres plantés au rythme de la production agricole. Cela permet la résilience des systèmes agricoles », explique Inza Koné.

Plantations de cacao

Les premiers perdants dans cette stratégie pourraient être les exploitations agricoles, en particulier les plantations de cacao. Mais, à l’instar des responsables de l’Entreprise coopérative Kimbé (Ecookim), les professionnels de ce secteur semblent plutôt en comprendre l’enjeu.

Julien Dallo N’guessan, son coordonnateur de projet, pense d’ailleurs que « l’agroforesterie vient pallier la disparition de la forêt et la conservation de la durabilité du cacao ».

« Il était important pour nous d’être présent à ces premières Journées scientifiques de l’université car cette institution est à caractère agroforestier, pour voir dans quelle mesure elle peut nous aider. L’agroforesterie est le système qui pourra nous aider à pérenniser nos cultures ».D’ailleurs, dans cette mouvance, on parle de plus en plus de la promotion d’une autre approche culturale qu’on appelle l’agrobiodiversité.

« C’est un système de culture qui allie par exemple la banane plantain, le manioc et on peut intégrer une légumineuse arbustive propice à la création d’un microclimat qui va régler la problématique de la fertilisation des sols et celle de la couverture du sol, évitant l’érosion », explique Ebagnerin Tondoh de l’ICRAF.

En clair, l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa veut travailler à ce que le producteur agricole puisse véritablement vivre de ses cultures tout en contribuant à l’amélioration de l’environnement.

« Le producteur africain n’est pas un ignorant, il a planté avant la colonisation. On avait demandé à nos producteurs d’éliminer les arbres pour accroître les productions. La COVID-19 et l’appauvrissement des populations sont l’autre sonnette d’alarme qui montre qu’il faut revenir au meilleur choix qui est de conserver l’environnement », rappelle Annick Koulibaly, spécialiste en agroforesterie dans cette institution.

Ce qui fait dire à Soro Doma de la Société de développement des forêts (SEDEFOR) que « si l’agroforesterie est bien argumentée, les paysans vont l’adopter ».

Références

[1] Centre international pour la recherche en agroforesterie