Par: Lamine Konkobo
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La problématique de l'eau a fait l'objet de nombreuses études, dont l'une des plus récentes est la thèse que Claudine Uwera, titulaire d'un doctorat en économie environnementale, a soutenue à l'université de Gothenburg, en Suède.
L’auteur a axé son étude sur le cas du Rwanda, son pays d’origine, pour relever plusieurs facteurs aggravants de la pauvreté liés à un réseau déficient de distribution d’eau courante.
"La rareté de plus en plus croissante des ressources en eau est une réalité dans de nombreuses parties du monde, particulièrement dans les pays en développement ", déclare Claudine Uwera dans une interview à SciDev.Net, soulignant ce qui, à ses yeux, constitue l'intérêt de sa recherche, qu'elle présente comme une contribution à une meilleure compréhension analytique d'un problème devenu l'un des défis majeurs du 21ème siècle.
Il en résulte qu'une multitude de personnes contractent des maladies évitables et des millions en meurent chaque année.
“Je ne vois pas de raisons pour lesquelles, dans un pays de la taille du Rwanda, où les infrastructures sont en expansion, l'on ne pourra pas fournir de l'eau à tous.”
James Sano, directeur adjoint chargé de la distribution de l'eau et de l'assainissement, Rwanda
Dans son dernier rapport d'évaluation des politiques d'approvisionnement en eau d'un certain nombre de pays africains, le WSP fait ressortir que Kigali a fait d'énormes progrès dans le renforcement de ses infrastructures hydrauliques au cours des dernières années.
Le pays a également souscrit aux Objectifs du millénaire pour le développement qui arrivent à échéance en 2015, et a fait pari sur l'avenir à travers un autre programme national baptisé Vision 2020.
Ce programme multisectoriel comporte un volet approvisionnement, dont la mise en œuvre est menée sous la houlette du ministère de l'Infrastructure, en collaboration avec le département de la Santé, notamment chargé du volet assainissement.
Mais le chiffre est plus élevé, de l’ordre de 32% pour les populations qui, sans avoir l’eau courante à la maison, y ont néanmoins accès, soit par les grâces d'un voisin privilégié ou par le fait qu'elles sont situées à proximité d'une borne fontaine publique.
“A peu près 15% de l'eau est perdue, à cause de problèmes techniques – tuyaux endommagés, maintenance aléatoire et pannes générales – et on a donc là un système en délabrement.”
Claudine Uwera
En lisant entre les chiffres, on se rend compte que plus de la moitié de la population rwandaise n'a donc pas accès à l'eau courante et est obligée de recourir à des sources d'approvisionnement alternatives – puits et eau de source, protégée ou non -, ce qui l'expose à certaines maladies diarrhéiques et infectieuses.
L'une des raisons pour lesquelles l'eau potable reste une rareté pour cette bonne partie des Rwandais, comme la thèse en fait état, est la limitation et le mauvais état des infrastructures.
À ce propos, Mme Uwera a confié à SciDev.Net : "On estime que plus du tiers des infrastructures d'approvisionnement en eau du [Rwanda] nécessite une urgente réhabilitation. En fait, à peu près 15% de l'eau passe en perte à cause de problèmes techniques – tuyaux endommagés, maintenance aléatoire et pannes générales – et on a donc là un système en délabrement."
Le défi qui s'en dégage dès lors est de trouver les moyens pour réhabiliter et pour davantage développer les infrastructures.
Mais il y a un impondérable, comme le confie Claudine Uwera : "Il n'est pas facile de savoir combien de personnes seraient prêtes ou capables de payer pour avoir accès au réseau hydraulique. […] Une analyse coût-avantage pourrait s'avérer indispensable. "
En dehors du cercle universitaire, le premier destinataire apparent des conclusions de l'étude est le gouvernement rwandais. Mais à Kigali, les autorités en charge de l'eau n'épousent pas entièrement les conclusions de la thèse.
Différence d’approche
Ce cadre définit, en plus de l'accès géographique, d'autres critères d'accessibilité : une qualité conforme aux normes nationales et à celles de l'Organisation mondiale de la santé; la vérification du facteur adéquation pour s'assurer que l'eau est en quantité suffisante; et enfin le niveau du service.
Crise de l'eau
En revanche, l'ingénieur admet que les Rwandais qui disposent de l'eau courante à domicile sont une minorité, estimée à 20%; ce qui est néanmoins plus de six fois supérieur à celui de 3,4% référencé dans l'étude présentée à l'université de Gothenburg. Il souligne que ce taux est sensiblement le même que celui de la proportion de la population rwandaise vivant dans les centres urbains, où presque tous les foyers, dit-il, ont l'eau de robinet dans l'enceinte des cours.
Les populations des campagnes devaient se réveiller tôt avec des bidons pour voyager sur de longues distances en direction de la ville, juste pour aller chercher l'eau.
Parce que le seul endroit où l'on pouvait à coup sûr trouver de l'eau potable, c'était le centre-ville.
Et puisqu'en outre, l'étude est une projection sur la question de la durabilité et de l'universalisation de l'accès à l'eau, il est facile d'y voir une abstraction des progrès réalisés depuis les deux dernières décennies.
Problèmes de financement
Pour le Rwanda, depuis la fin du génocide, plus que la guerre civile et l'instabilité, ce sont vraisemblablement trois facteurs qui alimentent les problèmes d'adduction en eau potable : la pression démographique avec une population qui croit au rythme de 2,5%, l'insuffisance des investissements en infrastructures, et la rareté des ressources naturelles en eau.
Or, compter sur une tarification réaliste de l'eau pour financer la maintenance et l'expansion des infrastructures conduira nécessairement à l'exclusion des plus démunis du réseau hydraulique; ce qui obligera ces derniers à se tourner vers les sources d'eau alternatives avec ce que cela comporte de conséquences pour leur santé.