19/03/21

Les cardiologues d’Afrique mettent en garde contre l’apnée du sommeil

Bébé dort
Les enfants ne sont pas épargnés par l'apnée du sommeil. Crédit image: Chris Thornton de Pixabay

Lecture rapide

  • Interruption de la respiration pendant qu’on dort, l’apnée du sommeil a des conséquences cardiovasculaires
  • Ces conséquences sont l’hypertension artérielle résistante, les troubles du rythme cardiaque ou la mort
  • Les médecins sont invités à revoir leurs techniques de consultations pour pouvoir dépister cette maladie

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[DOUALA] Pathologie encore négligée en Afrique, l’apnée du sommeil a été l’un des principaux thèmes abordés lors du 12e congrès scientifique de la Société camerounaise de cardiologie (SCC) couplé au premier congrès de l’Association des sociétés de cardiologie d’Afrique de l’ouest et du centre (ASCAOC) qui s’est tenu du 10 au 12 mars à Douala au Cameroun.

Suivant les explications de Bénédicte Boka, maître-assistante à l’Institut de cardiologie d’Abidjan en Côte d’Ivoire, « l’apnée du sommeil est un ensemble de signes liés à l’interruption de la respiration pendant le sommeil ».

Cette dernière qui en a fait sa spécialité explique qu’à l’origine, cette maladie intéressait surtout les otorhinolaryngologistes parce qu’elle survient au niveau des voies aériennes. Mais, elle préoccupe de plus en plus les cardiologues parce que ses conséquences sont surtout cardiovasculaires, et les personnes qui la contractent finissent souvent par mourir de leur cœur.

“Que les médecins-cardiologues pensent toujours, au cours de leurs consultations, à l’apnée du sommeil afin de pouvoir la dépister par des questions et orienter les patients vers des spécialistes”

Bénédicte Boka, Institut de cardiologie d’Abidjan

En effet, rappelle Bénédicte Boka, « l’apnée du sommeil est surtout incriminée dans la survenue des hypertensions artérielles résistantes qui ne sont pas contrôlées par plusieurs médicaments, dans la survenue des troubles du rythme cardiaque, dans la survenue des accidents vasculaires cérébraux et de bien d’autres pathologies cardiovasculaires ».

SciDev.Net a appris que cette maladie survient le plus souvent chez des sujets de sexe masculin qui sont obèses, qui ont un antécédent de tabagisme ou qui prennent des médicaments pour favoriser le relâchement musculaire pendant le sommeil.

Bénédicte Boka ajoute qu’elle peut aussi être d’origine génétique en soulignant qu’on connaît des familles d’apnéiques. Tandis que chez les enfants, la maladie peut être provoquée par une malformation au niveau de la face ou par une présence d’amygdalites.

Pourtant, cette pathologie ne fait que commencer à retenir l’attention de la médecine en Afrique. Peut-être parce qu’on n’avait pas encore assez de données à propos, essaie de comprendre Armel Djomou, cardiologue à l’hôpital Laquintinie de Douala et membre de la SCC.

« Pendant ma formation de médecin généraliste, je n’avais jamais entendu parler de l’apnée du sommeil ; preuve que c’est une maladie qui était un peu négligée ou oubliée. Mais, au fur et à mesure que des études sont faites, on en parle au cours de réunions et congrès et on voit de plus en plus son importance et ses conséquences sur la vie des personnes », souligne ce dernier.

A l’en croire, l’on se rend compte aujourd’hui que cette maladie est un véritable problème auquel on doit s’attaquer. Il est dès lors question « que les médecins-cardiologues pensent toujours, au cours de leurs consultations, à l’apnée du sommeil afin de pouvoir la dépister par des questions et orienter les patients vers des spécialistes », indique Bénédicte Boka.

Car, martèle cette dernière, comme c’est une maladie multifactorielle qui peut même attaquer des sujets maigres, il n’y a pas vraiment de prévention et c’est surtout dans le dépistage qu’il faudrait mettre l’accent.

« Chaque fois qu’une personne a une mauvaise qualité du sommeil et qu’elle ronfle, il faut consulter un médecin. Et même un enfant qui commence à renfler dès le bas âge, doit consulter un ORL », précise Armel Djomou.Une autre grande attraction de ce congrès aura été la mise en lumière des limites de l’échographie cardiaque encore appelée échocardiographie. Selon Jean-Baptiste Anzouan-Kacou de l’Institut de cardiologie d’Abidjan, la plus importante de ces limites est l’échogénicité.

« Il s’agit de la capacité pour l’échocardiographie à voir et à bien évaluer le cœur dans son entièreté », explique ce dernier qui est aussi professeur de cardiologie à l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.

A cela, les spécialistes ajoutent des défauts qu’il peut y avoir dans les modélisations et les estimations mathématiques sur lesquels s’appuie l’échocardiographie pour mesurer les épaisseurs, les volumes, les fractions, etc.

Bref, « bien qu’étant un examen incontournable dans notre pratique, il faut reconnaître que l’échographie a ses limites qui sont variées. D’où l’intérêt de pousser les investigations en réalisant d’autres investigations complémentaires grâce à d’autres examens comme l’IRM[1] cardiaque », souligne Aliou Alassane Ngaide, enseignant de cardiologie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal.Seulement, regrette ce chercheur, « il n’y a pas beaucoup de centres en Afrique qui soient capables de réaliser l’IRM cardiaque. Au Sénégal, nous avons deux structures qui font l’IRM d’autres appareils, mais, pas celle du cœur ».

Aliou Alassane Ngaide lance dès lors un appel à l’endroit des autorités d’Afrique subsaharienne pour qu’elles dotent les hôpitaux de la région des équipements nécessaires pour réaliser ces IRM cardiaques et pour qu’elles procèdent à la formation du personnel pour les réaliser et les interpréter.

En attendant, Jean-Baptiste Anzouan-Kacou rappelle qu’il y a des moyens de contourner l’absence de l’IRM. « La médecine ne commence pas par la technique », dit-il pour mettre en relief l’expertise et la responsabilité préalables du médecin lui-même.

Il rappelle que la médecine commence par les plaintes du patient, puis l’évaluation, l’examen et l’auscultation de ce dernier, suivis de la recherche de signes associés et de la réalisation d’un ensemble d’autres examens dont l’électrocardiogramme et la radio thoracique, suivie de l’échographie et enfin l’IRM si possible.

Pour le chercheur ivoirien, les faisceaux d’arguments qui vont être apportés par l’écoute attentive du patient et les données de tous les autres examens paracliniques peuvent permettre d’approcher le diagnostic et d’apporter des solutions thérapeutiques au patient.

Références

[1] Imagerie par résonance magnétique.