24/10/14

Madagascar : des pratiques dangereuses dans la filière porcine

Madagascar Pigs
Crédit image: SciDev.Net/Rivonala Razafison

Lecture rapide

  • Les éleveurs de porcs malgaches ont développé des pratiques dangereuses pour la santé publique
  • La viande en vente sur le marché local contient des résidus des produits cancérigènes
  • La mise en œuvre d'un projet de relance de la filière porcine visant à doubler le volume de l’actuel cheptel national est prévue pour bientôt.

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Les experts recommandent une refonte complète de la filière porcine, pour la débarrasser de certaines pratiques potentiellement nuisibles pour la santé publique.

[ANTANANARIVO] Selon l’Ordre malgache des médecins vétérinaires (OMV) et les Malagasy professionnels de l’élevage (MPE), les petits éleveurs de cochons recourent à des solutions de facilité qui mettent en danger la santé publique.
 

Se basant sur les résultats d’une étude présentés en novembre 2011, ils affirment que les éleveurs continuent de donner des hormones contraceptives aux truies qui doivent subir l’ablation des ovaires, pour empêcher leur fécondité et pour optimiser leur engraissement.
 
Les vétérinaires relèvent par ailleurs que par ignorance, les éleveurs utilisent aussi de manière abusive des antibiotiques pour traiter certaines maladies affectant les cochons.
 
Ces tendances, qui constituent une menace réelle pour la santé publique, ont commencé à prendre de l’ampleur durant la crise politique de 2009-2014 et ont atteint aujourd'hui des proportions jugées inquiétantes.
 
Selon l’Ordre malgache des médecins vétérinaires (OMV) et les Malagasy professionnels de l’élevage (MPE), elles touchent tout le pays.
 
Il convient de préciser que l’élevage à cycle court de porcs, volailles, lapins et poissons, concerne 71,7 % de la population malgache.
 
"Les Malgaches, réputés pour leur débrouillardise, sont tentés d’injecter des hormones contraceptives pour stopper les ovulations des truies, ce qui leur fait éviter l’ablation des ovaires sans en savoir les conséquences", explique à SciDev.Net Josoa Rakotosamimanana, président de l’OMV.
 
Un agriculteur moyen à Antanetibe Mahazaza, à l’ouest de la capitale, affirme pour sa part que certains de ses amis sont des adeptes de cette pratique.
 
"Les petits éleveurs sont ceux qui recourent le plus aux médicaments non conseillés, alors que les grandes fermes s’abstiennent de le faire", précise-t-il.
 
Le libre accès aux médicaments à bas prix, disponibles dans les centres urbains et le dysfonctionnement des systèmes de contrôle afférents favorisent le développement de l’approche dangereuse de l’élevage des porcs à Madagascar.
 
Les résultats de recherche présentés en 2011 par des chercheurs malgaches et réunionnais confirment la présence de résidus d'hormones contraceptives et d'antibiotiques dans tous les échantillons de viandes de porc en vente dans la capitale.
 
En consommant de la viande "contaminée", les humains consomment aussi des produits médicamenteux cancérigènes au bout d’une certaine quantité accumulée dans l’organisme.

"Les Européens réduisent à 50 % le taux d’usage des antibiotiques, pour éviter les problèmes sanitaires.

La vente libre de tels médicaments y est formellement interdite aujourd’hui. La raison en est que les scientifiques peinent à découvrir de nouvelles molécules pour venir à bout de la résistance de certaines maladies aux antibiotiques.
 

Viande contaminée

Le danger est donc réel pour nous, si nos éleveurs continuent à en abuser pour leur méthode d’élevage", a rappelé Josoa Rakotosamimanana, président de l’OMV.
 
"Qu’adviendra-t-il des Malgaches, qui sont déjà pauvres, s’ils continuent à être exposés aux risques, alors que la recherche n’avance pas ?" s'est-il interrogé.

“Nous avalons des hormones contraceptives sans le savoir, ce qui est très mauvais pour notre santé.”

 Josoa Rakotosamimanana
Directeur de l’Ordre malgache des médecins vétérinaires 

 Josoa Rakotosamimanana explique le danger lié à la présence des hormones contraceptives dans la viande de porc par l’absence de recherche spécifique sur leur usage pour les animaux.
 
"Plusieurs années de recherche ont été nécessaires pour mettre au point ces produits pour les humains. Leurs effets secondaires sont ainsi connus. Mais personne n’a jamais entrepris d'étudier leur usage pour les animaux. Nous avalons des hormones contraceptives sans le savoir, ce qui est très mauvais pour notre santé", a-t-il averti.
 
D'après l'expert, la hausse de la prévalence du cancer à Madagascar a des liens probables avec l’usage abusif des médicaments en vente libre dans le pays.
 
Par ailleurs, l’effort pour accroître l’effectif des médecins vétérinaires, qui ont pour tâche primoridiale de préserver la santé humaine contre les zoonoses, est une matière à réflexion.
 
Ils sont seulement entre 400 et 500 à exercer dans toute l’île, alors que 63 % des maladies affectant les humains proviennent des animaux.
 
A Madagascar, la relance de la filière porcine décimée par la peste porcine africaine en 1997, devrait contribuer de manière significative au développement de l’économie rurale.
 
Selon Solofoniaina Rakotondrahanta, directeur de MPE, un projet permettant de doubler d’ici trois à quatre ans le cheptel national, estimé à 1,2 million de têtes, sera bientôt mis en œuvre.