09/03/23

Burkina Faso : Trois métropoles en proie à un niveau de pollution trop élevé

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Le niveau élevé de pollution réduit la visibilité à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Crédit image: SDN / A. Nabaloum

Lecture rapide

  • Les concentrations en polluants sont supérieures aux normes de l’OMS et sont une menace pour la santé
  • Utilisation des énergies fossiles, mauvaise urbanisation et poussière sont les sources de cette pollution
  • Les experts recommandent la mise sur pied d’un plan d’action sur la qualité de l’air au Burkina Faso

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[OUAGADOUGOU] La qualité de l’air est mauvaise dans la ville de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, ainsi que dans les localités de Bobo-Dioulasso et Koudougou.

C’est la conclusion d’une étude sur « la surveillance spatio-temporelle de la pollution de l’air due aux particules en suspension par les capteurs à faible coût au Burkina », menée par des chercheurs du laboratoire de physique et de chimie de l’environnement de l’université Joseph Ki-Zerbo et de Columbia aux Etats Unis.

L’étude a été réalisée pendant un an (novembre 2021 – novembre 2022) sur 19 sites des villes de Ouagadougou (13), Koudougou (03) et Bobo-Dioulasso (03). Des capteurs de pollution y ont pour cela été installés.

A Ouagadougou, ces capteurs ont permis de prouver que les concentrations en moyenne journalière en polluants varient entre 17 à 36 microgrammes par mètre cube, renseigne l’étude.

Sur tous les sites, les concentrations dépassent la valeur indiquée de la norme OMS qui est de 15 microgrammes par mètre cube, et les deux pics journaliers de pollution se situent entre 7h-8h et 19h-20h.

“Les personnes qui vivent dans les zones très polluées sont susceptibles de développer les maladies, car ayant des poumons fragilisés par les polluants”

Adama Nana, IRSS

L’étude révèle aussi que les concentrations sont plus fortes en saison sèche (novembre-avril) et plus faibles en saison hivernale (mai-octobre).

« Les normes OMS sont dépassées sur plus de 50 à 95% du temps de mesure. Sur tous les sites, la concentration moyenne dépasse la norme OMS avec une valeur moyenne sur 24h égale 25,0 microgrammes par mètre cube », déclare Bernard Nana, co-auteur de l’étude et chercheur à l’université Joseph Ki-Zerbo.

Les chercheurs ont constaté que l’urbanisation galopante et incontrôlée, l’importation de vieux véhicules d’occasion sont parmi les principales sources de cette pollution de l’air.

« Les automobiles et engins à deux-roues absorbent plus de 75% du carburant importé. Le problème de la pollution se situe au niveau des hydrocarbures imbrûlés appelés composés organiques volatiles parmi lesquels nous avons le benzène qui est un polluant cancérigène », relève Bernard Nana.

La poussière en suspension venue du désert Sahara et des quartiers périphériques de Ouagadougou est également une source de pollution préoccupante.

« Une bonne partie des voies de circulation n’est pas bitumée et cela soulève une poussière importante. Ce qui fait que les concentrations en polluants sont très élevées », souligne le chercheur.

Polluants

Jean Koulidiati, coordonnateur de l’Alliance mondiale sur la santé et la pollution, résume la situation en disant qu’au Burkina Faso, les polluants de l’air extérieur sont d’origine naturelle (émissions de poussière venant des rues non revêtues et des zones arides quand souffle l’harmattan) ou anthropique (trafic routier, la gestion des déchets, les activités industrielles, la production d’énergie).

Cette présence dans l’air ambiant de substances ou particules porte préjudice à la santé et à la sécurité publique ou à l’environnement du fait de leurs concentrations, leurs odeurs ou leurs effets physiologiques.

« L’OMS estimait en 2019 qu’environ 37 % des décès prématurés liés à la pollution de l’air extérieur étaient dus à des cardiopathies ischémiques et à des accidents vasculaires cérébraux, 18 % à des bronchopneumopathies chroniques obstructives, 23 % à des infections aiguës des voies respiratoires inférieures, et 11 % à des cancers des voies respiratoires », soutient-il.

La circulation de véhicules sur des routes non revêtues produit un important volume de poussière. Crédit image: SDN/A. A. Nabaloum

Abondant dans le même sens, Adama Nana, attachée de recherches à l’Institut de recherches en sciences de la santé(IRSS), rappelle que la pollution de l’air entraîne des maladies telles que la bronchite, les maladies cardiovasculaires, le cancer pulmonaire…parce que les particules de poussière infiltrent les poumons…

« Les personnes qui vivent dans les zones très polluées sont susceptibles de développer les maladies, car ayant des poumons fragilisés par les polluants », précise la chercheure.

Pour Kant Kodjo, Project-assistant au Centre ouest-africain de service scientifique sur le changement climatique et l’utilisation adaptée des terres (WASCAL), cette étude est la bienvenue, car elle va contribuer à réduire beaucoup de maladies dérivées de la pollution de l’air.

« Beaucoup de personnes ne savent pas que leurs maladies sont dues à la pollution de l’air. Désormais, elles prendront leurs dispositions », dit-il.

Des vents comme l’harmattan contribuent à diffuser la poussière. Crédit image: SDN/A. A. Nabaloum

Selon Bernard Nana, l’objectif de l’étude est de renforcer la surveillance de la qualité de l’air pour servir à l’établissement d’un plan d’action sur la qualité de l’air au Burkina.

Or, relève Jean Koulidiati, il y a une prédominance de l’utilisation des énergies de la biomasse, une dépendance du pays vis-à-vis des énergies fossiles, un faible et inéquitable accès aux énergies modernes, une très faible valorisation des énergies renouvelables endogènes.

Pour lui, l’étude met en exergue les différentes sources de pollution et permettra de proposer pour chaque source de pollution, des solutions à faible coût afin d’aider les autorités à trouver des financements pour mettre en œuvre des plans d’éradication de la pollution atmosphérique.

Les problèmes de pollution sont récurrents dans les communes rurales et urbaines, précise le directeur général de la préservation de l’environnement, Roger Barro.

Il pense que la pollution doit être considérée comme une priorité pour qu’un plan d’action puisse contribuer à sa réduction significative voire son éradication au regard des problèmes sanitaires qu’elle engendre.

« Nous nous réjouissons des résultats de l’étude. Le gouvernement est interpellé pour trouver des solutions », estime-t-il.

Les gaz déchappement des vieux véhicules contiennent souvent des polluants cancérigènes. Crédit image: SDN/A. A. Nabaloum

Asseta Tapsoba, inspectrice de l’environnement au service de la prévention des pollutions et nuisances du ministère de l’Environnement, souhaite que des mesures soient prises pour remédier aux conséquences négatives de la pollution.

De l’avis de Bernard Nana, si on veut lutter contre la pollution de l’air, il faut aider les populations à aller vers les transports en commun, à disposer de sources d’énergies propres comme le gaz parce que la biomasse génère une pollution très importante, à utiliser les foyers améliorés pour la cuisson…

Il recommande aussi au gouvernement de bitumer une grande majorité des routes à Ouagadougou.